Chapitre 38

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Arrivés au bar, il s'éloigne un instant, le temps de commander. Tandis qu'il discute avec le barman, je m'adosse au comptoir et laisse mon regard parcourir la salle. J'essaie de voir la foule à travers le prisme des paroles de Christian. Ces gens sont tous tirés à quatre épingles. Ils se parlent, rigolent mais tout a l'air calculé, superficiel. Je ne comprends pas comment on peut vivre ainsi, à toujours chercher le paraître aux dépens de la vérité. Je suis incapable d'être comme ça. Quand je suis heureuse, en colère ou triste, ça se voit tout de suite. Je ne sais pas mentir sur mon état d'âme. J'essaie souvent de le cacher car j'ai peur de souffrir, mais pas pour me valoriser, juste pour me préserver.

- Christian ! Tu as pu venir !

Une voix suraigüe me fait me retourner. Maxine, habillée d'une robe ultra courte, perchée sur des escarpins de luxe, se dirige vers mon cavalier, les bras grands ouverts. Elle passe droit devant moi, sans même me prêter attention. Elle le prend contre elle, sans attendre son accord. Je sens mon sang bouillir d'un coup. Non mais quel toupet ! pas touche, Barbie siliconée ! Christian lui répond avec un demi-sourire. Ils échangent quelques mots que je n'arrive pas à entendre à cause de la musique un peu trop forte. Christian semble crispé. Quand elle se penche pour lui murmurer quelque chose à l'oreille, je ne tiens plus et me précipite vers eux. La contournant, je glisse ma main autour du bras de mon surfeur et me plante à côté de lui. La blondasse se rend enfin compte de ma présence et me dévisage d'un air surpris.

- Vous êtes ?

Je hausse les sourcils. Elle se fout de moi ?

- Bonsoir Maxine.

Ses yeux frisent dans un effort de concentration surhumain pour son petit cerveau étriqué. Puis, soudain, sa bouche s'arrondit dans un oh étonné.

- Michelle ? Tu es là ? Mais comment...

- C'est Christian qui m'a proposé de venir, répliqué-je, les mâchoires serrées.

Je crois que la nouvelle ne lui plait pas du tout. Ses cils battent à une vitesse folle, mais très vite, elle reprend ses esprits et son air de pouffe imperturbable.

- Quelle bonne idée ! Tu vas pouvoir rencontrer du beau monde ce soir. Je suppose que tu ne dois pas souvent côtoyer des gens de ce milieu.

Des gens de ce milieu ? Non mais quelle connasse ! Elle insinue quoi là ? Que je suis une pauvre fille des bas quartiers ? Je vais lui faire ravaler son sourire de...

- Maxine, tu devrais faire attention à ce que tu dis, me coupe Christian, avant que je n'aie le temps d'intervenir.

- Pourquoi ? Je ne vois pas le problème. Il est évident que Michelle ne fait partie de notre monde. Alors, que tu l'emmènes ici, c'est une chance pour elle.

- Je suis sûr que Michelle fréquente les gens qu'il faut pour son bien-être, répond-il sur un ton sec. Et c'est tout ce qui compte. Pas besoin de connaitre des gens riches pour avoir la vie qu'on mérite.

Ma mâchoire manque de se décrocher, autant que celle de Maxine. Christian a pris ma défense, s'interposant même physiquement entre elle et moi.

- Ce n'est pas ce que je voulais dire, bafouille-t-elle. C'est juste que... c'est bien de s'ouvrir à d'autres horizons. Et puis qui sait ? Elle pourrait faire des rencontres intéressantes pour son avenir.

Maxine, la pouffiasse si sûre d'elle, est en train de se décomposer devant Christian. Je crois qu'il serait difficile de faire plus jouissif. Mais, gentille comme je suis, je décide de lui porter secours.

- Je te remercie de ta sollicitude, Maxine. Ta soirée est parfaite et je compte bien en profiter. Merci.

La blonde nous regarde tour à tour. Elle ne trouve plus rien à dire et sa mine déconfite parle à sa place. Finalement, elle tourne les talons et part dans le sens opposé. Je réprime un sourire de victoire. En fin de compte, cette soirée ne semble pas virer au cauchemar. Et qu'importe comment elle finira, je sais maintenant que Christian tient suffisamment à moi pour me défendre face à Miss parfaite. Et aussi qu'il me trouve jolie. Mon cœur se gonfle d'un sentiment nouveau. Je laisse un sourire décrisper mon visage. Une coupe de champagne apparaît soudain devant moi.

- Viens, allons dans le jardin.

Sans attendre ma réponse, il attrape ma main libre et me tire derrière lui. Le jardin est aussi grand que la maison, mais beaucoup moins peuplé que l'intérieur. Il continue à m'entraîner avec lui et ne s'arrête que quand nous sommes seuls. Il s'adosse à la rambarde de pierre blanche et avale son verre d'une traite. Je suis un peu surprise. Ce soir, il se comporte vraiment bizarrement. Je dépose le mien sur le rebord de la balustrade et me rapproche de lui.

- Excuse-moi, Michelle. Je n'aurais pas dû t'emmener ici. Ces gens sont... ils sont si différents de toi.

Je me sens un peu déstabilisée par sa remarque.

- Tu trouves toi aussi que je ne suis pas à ma place ? Je te mets mal à l'aise ?

Christian relève son regard troublé vers moi, lâche un soupir et me prend les mains.

- Pas du tout. Tu te trompes. C'est eux qui ne sont pas à la hauteur. Tu es trop vraie pour eux.

- Oh...

J'avoue que je ne le suis plus.

- Je n'aurais pas dû te mettre dans ce panier de crabes. Tu as déjà souffert à cause de ce genre de personnes. Et moi, comme un con d'égoïste, je t'ai demandé de m'accompagner.

Je fronce les sourcils, absolument pas d'accord avec lui.

- Tu n'es pas quelqu'un d'égoïste.

- Je t'ai déjà dit que tu ne me connaissais pas à cent pour cent. J'ai beau essayer mais il y a des aspects de mon ancienne vie, de vieilles habitudes que j'ai du mal à lâcher. Fréquenter ce genre de rapaces en fait partie. Même si j'essaie de me persuader que c'est uniquement pour le travail, je sais très bien que tout ce fric, tous ces excès, ça me manque. Pouvoir me saouler, abuser de toutes sortes de conneries, des femmes, c'est comme une drogue dont il est difficile de décrocher. Même si, à l'époque je n'étais qu'un gamin, j'ai vite compris comme fonctionnait ce monde et à quel point il te procure un plaisir instantané et facile.

Son regard se perd sur ma droite. Il a l'air vraiment affecté par tout ça. Il s'en veut pour une chose dont il n'est pas responsable. Je ne veux pas qu'il se sente mal à cause de moi. Je suis une grande fille à présent. Je sais me défendre. Mes doigts se referment sur son poignet, il tourne la tête et je découvre ses traits torturés.

- Je ne suis pas en sucre. Avec le temps, j'ai appris à répondre aux attaques. Même si j'avoue que d'avoir un chevalier servant qui prend ma défense est vraiment agréable.

Un sourire timide étire ses lèvres.

- Pourquoi je ne t'ai pas rencontrée avant... quand j'étais ado. Ça m'aurait peut-être évité de faire toutes ces conneries.

- Tu ne m'aurais même pas regardée, rétorqué-je, un peu amère.

La vérité peut être parfois très cruelle. Pourtant, c'est exactement ce qui se serait passé. Celle que j'étais à l'époque ne l'aurait jamais attiré. Bien trop engluée dans son mal-être pour être intéressante. J'espère juste que celle que j'essaie de devenir finisse par lui plaire réellement.    

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