Chapitre 57

1.6K 168 1
                                    


Je tente de me frayer un chemin à travers la foule comme je peux. Le bruit assourdissant des basses, la proximité étouffante de corps transpirants et la conversation que je viens d'avoir, tout ça me donne le tournis et la nausée. En fin de compte, rentrer est la meilleure option. Je réussis enfin à rejoindre Christian. Ce dernier se lève dès que je pose mes mains sur la table pour reprendre ma respiration. J'ai juste le temps de prendre mon sac avant qu'il ne me tire vigoureusement vers la sortie.

Sa main broie mon poignet. Il fonce à travers la masse mouvante des danseurs, sans même se soucier de savoir si j'arrive à le suivre. Quand nous franchissons les portes, je le stoppe en me libérant de sa poigne. Il daigne enfin me regarder, mais je regrette aussitôt qu'il l'ait fait. Ses yeux sont comme deux lames s'enfonçant dans mon cœur. Froids et acérés. Je suis abasourdie, décontenancée par son attitude. Les propos de Jared me reviennent en plein figure. Et s'il disait la vérité ? si Christian ne faisait que me manipuler ?

- Qu'est-ce que tu as ?

Sa phrase pourrait démontrer une certaine sollicitude mais son ton est bien trop tranchant pour ne pas refléter sa colère contenue.

- Je ne peux pas marcher aussi vite que toi avec mes talons, bafouillé-je, la voix mal assurée. Et puis tu me fais mal.

J'essaie de ne pas baisser les yeux. Je me sens mal, j'ai le cœur en vrac mais je suis aussi en colère car je n'aime pas me sentir démunie face à une situation qui me dépasse. Je ne sais pas ce qui se passe entre eux, ce qui est vrai ou faux. J'ai l'impression d'être une marionnette. Je déteste ça. C'est lui qui finit par détourner le regard, avant de marmonner.

- Désolé. Viens, suis-moi.

Sa voix s'est faite plus douce, mais une rage sourde colore encore ses mots. Je lui emboîte le pas par dépit. Si j'en avais le courage, je l'enverrai se faire voir et j'appellerai un taxi. Mais mon cœur est fourbe, il me dit d'espérer que tout ce que j'imagine n'est que foutaise. Mon Christian n'est pas comme ça. Mon Christian n'est pas un être manipulateur et sans cœur. Enfin... il ne l'est plus. Tout du moins je l'espère. Je ravale avec peine les larmes de rage qui menacent.

Je suis une abrutie qui se laisse déstabiliser par un inconnu. Jared m'a sorti tout ça, juste pour me rendre mal à l'aise. Je ne sais pas exactement quel est son but, mais foutre la merde entre nous semble être un objectif viable.

La portière passager s'ouvre et je m'installe sans un mot à l'intérieur de la voiture. Christian me rejoint et tout aussi muet, se lance dans le trafic assez fluide à cette heure du soir. Un silence pesant s'installe. Ni lui ni moi osons le briser. Cela signifierait relancer la discussion épineuse à laquelle il a mis fin. Cela voudrait dire aussi lui parler de Jared et de ce qu'il m'a dit. Et ça, c'est impossible. Pas dans l'état où nous sommes tous les deux.

Arrivés en bas de mon immeuble, il coupe le moteur et reste figé, les mains crispées sur le volant. J'ose à peine tourner les yeux vers lui. J'ai peur de ce qu'il pourrait dire, de ce que je pourrais dire. Alors je me contente d'un « bonne nuit » à peine murmuré, avant de sortir de la voiture. Il ne me répond pas et ça me brise un peu plus le cœur. J'accélère le pas. J'ai peur de renoncer et faire demi-tour pour le supplier de venir. Quand la porte de l'ascenseur se referme, je laisse retomber la pression.

Tout ça, c'est trop pour moi. Je resserre les bras autour de ma poitrine, comme s'ils allaient empêcher mon corps de trembler. Ma vue se voile. Un flot incessant coule sur mes joues. Je me sens idiote de pleurer pour ça, mais j'ai trop de doutes qui m'assaillent, trop de questions sans réponses. Je suis perdue, complètement paumée entre mon cœur qui me hurle à quel point Christian est important et toutes les informations contradictoires que je prends dans la tronche. Suis-je en train de tomber amoureuse d'un imposteur ?

J'ouvre la porte de mon appartement d'une main tremblante. Je suis au bord de l'effondrement. Je me sens dépassée. Comme un zombie, j'entre dans le salon et m'étale sur le canapé. Je n'ai pas envie de me déshabiller, ni de faire quoi que ce soit en fait. Je me contente de fixer les lumières à l'extérieur. Recroquevillée en position fœtale, je laisse mon regard partir dans le paysage.

Ne rien penser, juste regarder, voir le temps s'écouler et murer sa douleur derrière d'immenses murailles pour éviter de se perdre dans le néant. Une stratégie que je connais trop bien. Les sentiments me semblent toujours trop forts, trop difficiles à gérer pour mon petit cœur. Le bon comme le mauvais me submergent tout le temps.

Avec Christian, j'alterne un peu trop entre les deux. J'ai l'impression d'avancer de deux pas et de reculer de trois. Et chaque pas que je fais m'amène sur un chemin inconnu, semé d'embûches et d'illusions qui me rendent complètement barjo. Il faut que je l'admette. J'ai des sentiments forts pour lui. Sauf que je ne sais pas à quel personnage me fier. Est-il le doux et merveilleux prof de yoga, au sourire lumineux et aux conseils pertinents qui m'ont fait remonter la pente ? ou est-il ce mec au charme dévastateur qui ne veut surtout pas s'accrocher, et qui me fait monter au septième ciel avant de m'envoyer en enfer ? ou tout simplement, est-il un mélange de ces deux extrêmes, pour mon plus grand malheur ?

Mes larmes se sont taries. Mes paupières deviennent affreusement lourdes. Je ne tente même pas de résister. Je me laisse couler dans un sommeil lourd. Mon corps est fatigué, mon esprit aussi. Dormir va me permettre de retrouver un semblant de paix. Et c'est exactement ce qu'il me faut, là tout de suite.    

Love TherapyWhere stories live. Discover now