Chapitre 71

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Plus la voiture se rapproche du club, plus la boule qui s'est formée dans ma gorge grossit. Je n'arrive pas à canaliser les images de la soirée dernière. Il ne s'est pas passé grand-chose, pourtant ça a laissé une trace difficile à faire partir.

- Ça va ?

Christian me lance un regard inquiet. Je lui souris timidement.

- Oui, ne t'inquiète pas.

Sa main quitte le volant pour venir presser mes doigts qui n'arrêtent pas de triture la couture de mon chemisier. Je lâche un soupir. Une onde de chaleur envahit mon cœur. Je ne devrais pas me prendre autant la tête. Tout va bien. Christian est à mes côtés. Il m'a dit qu'il m'aime. Et Jared est loin maintenant.

Nous arrivons sur le parking de l'Exhibition room. Christian coupe le moteur et se tourne vers moi.

- Tu angoisses par rapport à ce qui s'est passé ?

- Non, ça va, je te dis.

Ses sourcils se froncent et sa bouche se tord dans une grimace réprobatrice.

- Jared ne te posera plus de problèmes. J'y veillerai personnellement. Alors cesse de te prendre la tête avec ça.

J'aimerais être aussi sûre. Mais j'ai comme l'impression que ce n'est pas le genre de mec à se laisser démonter pour si peu. En plus, il en a après Christian. S'il apprend qu'on est ensemble, je ne sais pas comment il réagira. Il risque de revenir à la charge. Christian aura beau faire, mais je ne pourrais pas oublier cette épée de Damoclès suspendue au-dessus de moi. Mais je tente de faire bonne figure et lui souris.

- Bon, on va chercher mes affaires ? Il commence à être tard. Il faut encore que je passe chez moi pour me changer.

Il me lance un dernier regard dubitatif et finit par sortir de la voiture. Je le rejoins sur le trottoir et me réfugie dans ses bras, comme une biche effarouchée. Ça le fait sourire. Son bras se cale dans mon dos, sa main sur ma hanche. Je suis blottie contre ses côtes et malgré mon malaise, j'aime cette impression d'y être à l'abri. On traverse le parking, comme un couple d'amoureux. Et mon cœur se gonfle de cette proximité.

Arrivés devant l'entrée, Christian nous fait bifurquer vers l'arrière. Il frappe à la porte de service et un molosse nous ouvre. Il me semble l'avoir vu à l'entrée l'autre soir. Nous saluant d'un mouvement de tête, il nous guide jusqu'à ce qui doit être le bureau de James. Ce dernier, concentré sur son écran d'ordinateur, se lève en nous entendant entrer.

- Je suis vraiment désolé pour ce qui s'est passé, m'avoue-t-il d'un air contrit. Si j'avais su que Jared péterait un câble comme ça...

- Avec lui, c'était plus qu'évident, marmonne Christian entre ses dents. Et c'est la deuxième fois que tu me fous dans la merde.

Son regard vert veut foudroyer son ami. Mais pourquoi autant d'animosité envers James ? S'il ne l'avait pas appelé, Jared aurait pu arriver à ses fins. Je lui en suis reconnaissante, et lui aussi devrait l'être.

- Ne te fais pas de soucis, James. Je vais bien et tu n'y aies pour rien si Jared est comme ça.

- Mais il aurait pu faire en sorte que ce connard ne t'approche pas, vocifère Christian.

Je sursaute légèrement. James soupire. Il semble résigné devant son comportement agressif.

- Tu sais bien que je ne peux pas l'empêcher de rentrer ici. Il en a tout à fait le droit.

- Et à quoi servent tes gorilles ?

- Chris... Ne fais pas comme si tu ne savais pas à quel point Jared est capable de te pourrir la vie si tu t'opposes à lui.

Christian ne rajoute rien. Ses poings sont tellement serrés que ses jointures virent au blanc. Il faut que je calme le jeu.

- Heu... James, il parait que tu as récupéré mon sac.

Ce dernier saute sur l'occasion pour sortir de cette ambiance électrique. Il me sourit avant de retourner à son bureau. Il fouille dans l'un de ses tiroirs et en sort ma précieuse pochette. James me la tend par-dessus son bureau.

- Merci, murmuré-je.

- Je t'en prie.

Nous échangeons un sourire sincère mais je sens le regard de Christian peser sur moi. Je sens le malaise revenir. Je crois qu'il serait préférable d'écourter notre venue. Il faut que tout ça décante pour qu'il revienne à de meilleurs sentiments.

- Je suis désolée de devoir te fausser compagnie aussi vite mais on a un emploi du temps serré. Alors...

James vient vers nous et me serre la main.

- Evidemment. Je suis heureux de savoir que tu vas bien. Et si jamais tu veux revenir, préviens-moi. Je te préparerai une table à l'écart, pour être plus tranquille.

Il a évité sciemment de s'adresser à Christian. Mais je le comprends. Ce dernier n'est pas prêt pour accepter le moindre signe de paix de sa part.

- Je t'en remercie. Je t'appellerai si c'est le cas. Christian a ton numéro.

Il ose enfin tourner les yeux vers lui et esquisse un sourire désolé.

- Bon, on peut partir maintenant que tu as tes affaires ?

Christian glisse son bras sous le mien et me tire vers la sortie, sans attendre ma réponse. Je ne dis rien pour éviter de relancer le conflit. Dès que la porte se referme, je me défais de sa prise.

- Bon sang ! Qu'est-ce qui t'arrive ? On dirait une autre personne. Tu as été mal élevé comme ce n'est pas permis.

- Si cet idiot avait foutu Jared à la porte, il n'aurait jamais pu poser ses sales pattes sur toi.

Difficile de retrouver l'homme que j'aime dans cet être empli de colère et aux propos pleins de fiel.

- James n'y est pour rien...

- Tu fais trop confiance aux gens.

- Et toi pas assez.

Christian me dévisage avant de lâcher un soupir d'agacement.

- Tu as sans doute raison. Mais avec eux, je n'y arrive plus.

- Alors fais-moi confiance. Il faut que tu lui accordes le bénéfice du doute. Toi-même tu m'as dit que c'était quelqu'un de bien.

- Ce n'est pas exactement ce que j'ai dit.

Je lui prends les mains et me rapproche.

- Je sais que ce n'est pas facile mais il faut bien que tu apprennes à pardonner.

Il ne me répond pas, ne me regarde pas dans les yeux. Ce silence me tord le ventre.Je comprends pourquoi il est aussi réfractaire. Moi aussi mon passé me fait du mal quand je replonge dedans. Heureusement pour moi, l'objet principal de ma mélancolie est à des centaines de kilomètres d'ici, sûrement en train de se taper toutes les greluches de New York. Mais je ne veux plus y penser.Aujourd'hui ce qui m'importe, c'est ce grand blond en face de moi, dont je veux entendre le rire plus tôt que les soupirs de rage.     

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