CHAPITRE 2

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Le réveil sonne à six heures. Un samedi matin ! J'ai envie de l'exploser. Olivier s'obstine à garder ce boitier noir affreux qui m'éblouit toute la nuit de ses gros chiffres en lumière rouge et qui, en plus, fait un bruit de malheur lorsqu'il s'enclenche.

Qui utilise encore ces machins-là, franchement ?

Mon homme, évidemment !

Les alarmes de téléphone sont trop douces, selon lui.

Les bip bip incessants me torturent le crâne. Ils pourraient réveiller un ours en pleine période d'hibernation.

Je le déteste!

Surtout après le peu de sommeil que j'ai eu. Hier soir, les minutes se sont éternisées. Deux heures à tourner en rond et à cogiter pour savoir si je n'aurais pas dû ravaler ma fierté et accepter le week-end qu'Olivier me proposait. Il s'est juste contenté d'un « comme tu voudras » avant de se positionner dos à moi. L'hôtel des culs tournés, comme beaucoup disent. Il s'est endormi en un rien de temps, épuisé par sa journée de déplacement. Et moi, comme un con, je me suis senti mal.

Et si elle était juste là, la main tendue. Et si, sa proposition était ce petit signe que j'attendais. Je l'ai refusé, pour préserver mon amour-propre. Et maintenant, ne vais-je pas le regretter ?

Je sens Olivier remuer juste à côté de moi en ronchonnant.

— Mmh, turn it off !

Et en plus, il s'en plaint.

— Sorry, je chuchote en désactivant l'alarme.

La frontière entre le français et l'anglais est mince et assez difficile à définir entre nous. Bien que nous nous efforçons de privilégier le français depuis notre installation ici.

Je sors délicatement du lit et me souviens qu'il m'a parlé d'un rendez-vous.

— Tu ne dois pas te lever ?
— Qu'l'heure il est ?
— Six heures. Tu m'as dit que tu avais un rendez-vous alors je pensais...
— Déjeuner 'vec gros client, baragouine-t-il, à moitié endormi.
— Ok.

A quel moment compte-t-il m'emmener en week-end au juste ?

A 16 heures, une fois qu'il aura refait le monde avec un client autour de deux bouteilles de vin hors de prix !
Tout à coup, je me sens plus léger. Libéré d'un poids en me disant que j'ai bien fait de proposer mon aide à Isabelle. Au moins, aujourd'hui, je me rendrai utile.

Après une bonne douche fraîche pour me réveiller, j'enfile ma plus belle tenue de déménagement : un pantalon de survêtement noir Adidas et un débardeur blanc. Habituellement, au travail, j'essaie de faire un effort. Je porte des jeans bien taillés et des chemises. Par convenance mais aussi pour cacher les deux tatouages qui décorent mes bras. Je préfère rester vigilant. Olivier m'a mis en garde. Malheureusement, en France, les tatouages ne sont pas encore acceptés dans tous les domaines professionnels. Je trouve ces aprioris tellement dommage ! Je les ai toujours perçus comme un art et aussi comme un moyen de graver un message fort et personnel sur sa peau. Les miens datent de ma rupture avec ma famille.
Il y a déjà neuf ans...
Ils sont un rappel de mon nouveau départ. Une rose et des ailes de Phoenix entourent mon biceps droit pour symboliser ma renaissance. Un cœur au creux d'une main est lui encré à l'intérieur de mon coude gauche pour dire « je mets mon cœur à nu, acceptez-moi comme je suis ». Je ne renie pas mes origines mais les événements m'ont obligé à m'en éloigner. Aujourd'hui, je suis plus ou moins en paix avec mon passé. Il est ce qu'il est, et j'ai réussi à avancer.

Le reflet dans le miroir me renvoir une mine triste et fatiguée. Le poids de ma courte nuit se dessine sous mes yeux. La journée va vraiment être compliquée ! J'ai une flemme monumentale de me raser alors je laisse ma petite barbe de trois jours et cache ma tignasse brune rebelle sous ma casquette.
Au point où j'en étais !

Jeux d'enfants Tome 1: Cache-cache (en pause)Where stories live. Discover now