Pivoine

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Pivoine était très matinale. Mais ce n'était pas une information très importante. Je disais juste ça pour justifier le fait qu'elle était déjà debout, guettant par la fenêtre, quand le facteur était passé, pour ne pas la faire passer pour une psychopathe. Parce que, si c'était réellement le cas, ça aurait été très dommage, étant donné qu'elle était le personnage principal.

Pivoine était déjà debout quand elle aperçut *par hasard* le facteur Ursule passer devant chez elle. Elle s'émerveilla devant le spectacle du jeune homme utilisant ses gros muscles pour glisser si courageusement une lourde enveloppe dans sa boîte au lettre de si bon matin.

Après son départ, elle sortit en courant de sa petite maisonnette pour aller chercher le courrier. Elle se demandait qui avait bien pu lui envoyer une lettre. Peut-être était-ce son meilleur ami Dédé, qui lui racontait ses péripéties exaltantes à la médiathèque où il travaillait, ou alors était-ce Marie-Maxime, son autre meilleure-amie, qui lui demandait de l'aider à s'occuper de sa collection de tubes de dentifrice ?

Si vous aviez lu le chapitre 1, vous saviez qu'il s'agissait de tout autre chose. Quelle fut la surprise de Pivoine lorsqu'elle ouvrit la boîte aux lettres et qu'elle s'aperçut qu'il s'agissait de tout autre chose ! Une enveloppe dorée gisait tout au fond. Ayant vécu dans la petite ville dont tout le monde avait oublié le nom depuis sa naissance, la jeune fille savait ce que cela voulait dire : elle était invitée à la fête très très bourgeoise de Mme Ragondin.

Pivoine n'en croyait pas ses yeux. Elle se les frotta, et, pas comme par magie, la lettre restait dans la boîte aux lettres. CAR ELLE ETAIT VRAIMENT LA. Elle s'en saisit et se rua à l'intérieur. Elle monta dans sa chambre pour avoir un peu d'intimité, même si elle vivait seule. Puis elle l'ouvrit.

Ma chère Pivoine Pullover,

Vous avez l'honneur d'être invitée à ma fête très très bourgeoise, samedi prochain. Venez dans une tenue décente, que je ne vous vois pas avec un jean banal et ordinaire. Vous pouvez apporter un cadeau, mais je ne vous y oblige pas car, étant très riche, j'ai déjà tout. Je vous prie d'arriver un peu avant les invités, disons vers 18h30, j'ai quelques mots à vous dire.

Je vous remercie, mais pas cordialement, je ne suis cordiale qu'avec les gens importants,

Ludivine Ragondin.

Pivoine était délectée de la gentillesse et de la délicatesse qui débordait de cette lettre. Mme Ragondin avait fait preuve de tellement de bonté en l'invitant à sa fête. Elle était si banale et ordinaire qu'elle n'avait jamais participé à un évènement de cette ampleur. Ah si, une fois elle avait éternué.

Prise d'une soudaine euphorie, elle descendit les escaliers et appela tout d'abord Dédé sur le fixe. Celui-ci décrocha à la première sonnerie.

-Allô ?

-Oui, salut Dédé, devine qui m'a envoyé une lettre aujourd'hui ?

-Euh, je n'ai pas le temps de te répondre, je dois m'occuper des bibliophiles de la médiathèque !

-Dédé, arrête de blaguer. Je sais très bien qu'il n'y a jamais personne qui vient à la médiathèque...

-Bon, je n'arriverai jamais à te tromper. Alors, qui est-ce qui t'a envoyé une lettre aujourd'hui ?

-Mme Ragondin !

-Cette vipère ?!

-Oui, et elle m'a invité à sa fête très très bourgeoise !

-Oh mais c'est génial !

En réalité, personne dans la ville n'aimait Ludivine Ragondin. Cette vieille dame sans cœur n'était pas une personnalité très populaire. Mais tout le monde rêvait d'être invité à sa fête, car sa demeure était gigantesque.

-Je vais essayer de vous faire venir, Marie-Maxime et toi. Ca ne serait pas marrant sans vous !

-Tu es sûre que Mme Ragondin nous laissera entrer ? Après tout, nous sommes tellement banals et ordinaires !

-Je suis sûre qu'elle sera d'accord. Rejoignons-nous aujourd'hui à 14h dans la rue commerciale pour s'acheter des tenues convenables !

-Ok.

Pivoine raccrocha et sauta de joie. Cette soirée allait être la meilleure de sa vie. Elle prit son petit déjeuner, se brossa les dents et s'habilla. Le temps qu'elle fit tout cela, il était déjà 14h, car elle prenait toujours beaucoup de temps pour se préparer le matin. Comme toute personne banale et ordinaire, Pivoine ne voulait pas être en retard, donc elle partit rejoindre ses amis banals et ordinaires dans la rue commerciale.

*Musique de Pretty Woman*

Lunettes de soleil posées sur le nez, Pivoine, Dédé et Marie-Maxime avançaient au ralenti dans la rue, comme dans un film, même si ça bouchait le passage aux autres passants. Les trois amis entrèrent dans de nombreuses boutiques honnêtes et essayèrent tout, jusqu'à ce qu'ils se faisaient éjectés du magasins après avoir fortement énervé les gérants. Ils firent tourner les vendeurs en bourrique en sortant tout pour au final ne rien acheter parce que c'était trop cher. Mais surtout, ils mirent la pagaille dans une animalerie alors qu'ils n'avaient pas d'animaux. A la fin de la journée, ils avaient enfin acheté leurs tenues complètes. Pivoine avait pris une robe banale et ordinaire, Marie-Maxime avait aussi pris une robe banale et ordinaire, mais pas la même, quant à Dédé, il avait pris un costume banal et ordinaire. Ils étaient enfin prêts à se mêler aux bourgeois.


La fête très très bourgeoise de Madame RagondinWhere stories live. Discover now