Clotaire le barman

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Emue, Marie-Maxime entra dans le grand hall de la villa, où la fête avait lieu. Les murs étaient vêtus d'or afin de montrer la grande richesse de l'hôte, même si ce n'était pas du vrai or. Les premiers invités étaient déjà arrivés, mais ils n'étaient pas les plus importants, la crème de la crème arrivant le plus en retard possible pour se faire remarquer. Mais Marie-Maxime en reconnu tout de même quelques uns qui contribuait à la vie paisible de la ville dont tout le monde avait oublié le nom. Par exemple, Philastère et sa femme Marie-Mercredi, les propriétaires du restaurant le plus chic de la ville étaient présent. Marie-Maxime, toute souriante, décida d'aller taper la discute.

-Bonsoir Philastère et Marie-Mercredi ! s'enquit-elle.

-Bonsoir Marie-Maxime, la salua le restaurateur. Toi aussi tu as pu être invitée ?

-En fait, je suis ici grâce à Pivoine. C'est elle qui a reçu l'invitation, et elle nous a fait rentrer, Dédé et moi. Et vous ?

Ce fut Marie-Mercredi qui prit le relais :

-Comme tu le sais peut-être déjà, nous avons toujours été le traiteur de la fête annuelle de Mme Ragondin, et ce depuis déjà dix ans ! Mais cette année, cette diva a choisi un autre traiteur ! Quelle trahison. Et devine d'où il vient ? (elle se pencha et chuchota) Il vient d'une autre ville, une ville voisine !  Marre de tous ces étrangers qui nous prennent notre travail ! Qu'ils rentrent chez eux ! On ne veut pas d'eux ici ! A bas tous ces... 

-Euh, chérie, coupa Philastère, je crois que tu devrais te calmer et arrêter le champagne... 

-Je n'ai bu que six flûtes !

Face à cette scène de ménage ordinaire, notre chère Marie-Maxime jugea bon de s'éloigner du couple. De toute façon, sa gorge l'irritait un peu et elle avait une envie irrésistible de s'hydrater. Elle se dirigea dans le bar qui se situait en face de la porte d'entrée. A l'intérieur, l'atmosphère y était plus calme et tamisée. Des vieux couples assis un peu partout sirotaient leurs coupes de champagne tout en chuchotant que cette fête était tellement bourgeoise et glamour. Marie-Maxime ne se sentait pas à sa place au milieu de toutes ces personnalités et décida de s'appuyer sur le comptoir, car celui-ci était désert. Le barman, qui nettoyait de la verrerie non loin de là, soupira quand il aperçut une nouvelle cliente. Mais il s'approcha d'elle tout de même et prononça de sa voix monotone:

-Bonsoir, que puis-je faire pour vous ?

Alors, Marie-Maxime prit son air le plus cool possible et déclara très distinctement :

-Un whisky, s'il vous plaît.

Le barman fixa la jeune fille d'un air las et impatient. Il n'aimait pas être aimable trop longtemps. Face à la demande extravagante de sa cliente, il répondit en grinçant les dents :

-Nous ne servons pas de whisky, madame. Cette boisson n'a pas été jugée assez chique pour figurer dans la carte de la fête très très bourgeoise de Ludivine Ragondin.

-Alors du rhum, je vous prie, demanda poliment Marie-Maxime.

Le barman continua de fixer la jeune fille. Si on ne lui avait pas ordonné de bien se tenir, il aurait réalisé un face palm légendaire. Mais il devait se retenir, si il voulait otenir sa paie à la fin du mois.

-Nous n'avons pas de rhum non plus. Le seul alcool que nous avons le droit de servir ici est le champagne.

Marie-Maxime souffla de mécontentement. Encore du champagne ! Elle en avait plus que marre du champagne. Elle en avait vu passer des flûtes depuis son arrivée dans le hall ! Si bien qu'elle ne pouvait plus voir une de ces boissons dorées à bulles en photo.

-Seulement du champagne ! s'exclama-t-elle. Vous êtes sûr ?

Le barman voulu se taper la tête contre la table. Bien sûr qu'il en était sûr !

-Nous avons bien du vin rouge, mais il est réservé pour le repas. Vous allez devoir commander une boisson non-alcoolisée si vous voulez vous désaltérer.

Justement, Marie-Maxime ne voulait surtout pas se retrouver dans ce genre de situation. Elle devait maintenant faire un choix entre toutes les boissons non-alcoolisées possibles, sans se faire passer pour une personne banale et ordinaire, même si c'était tristement le cas. Elle ferma les yeux et réfléchit. Elle devait faire le choix le plus original possible.

Face à elle, le barman commençait à s'impatienter. Il tapait du pied.

-Bon, vous avez choisi ?!

-Oui, je vais prendre de l'eau. 

Soulagé, l'homme lui servi un verre d'eau du robinet de Bordeaux.

-Vous allez voir, c'est une très bonne année, commenta-t-il. 

Marie-Maxime vida le gobelet d'un trait. Le barman la regarda plus attentivement. Son allure était surprenante, dans le sens où elle était banale et ordinaire. Il lui demanda :

-Vous êtes tellement banale et ordinaire ! Comment avez-vous pu vous faire inviter à cette fête ?

-Mon amie Pivoine a été embauchée par Mme Ragondin pour s'occuper de son porcelet. Je suis cochonophobe, donc je n'ai pas pu rester. Je m'appelle Marie-Maxime, et vous ?

-Moi c'est Clotaire. C'est la première fois que je suis barman à la fête très très bourgeoise de Mme Ragondin.

-Enchantée, Clotaire. Vous vivez dans la ville dont personne ne connaît le nom ?

-Oui, j'y ai emménagé il y a un mois. Je suis barman au bar La Poule De Cristal, un endroit très fréquenté par les Ragondin, c'est ainsi que je me suis fait repéré. Mais, étant nouveau, j'ai une question.

-Je vous écoute, Clotaire.

-Est-ce que quelqu'un sait comment s'appelle cette ville ? J'ai interrogé des passants, hier, mais ils m'ont été incapables de le dire.

Marie-Maxime entreprit de tout lui expliquer :

-Mais c'est très simple, Clotaire. Nous habitants, avions tellement l'habitude de l'appeler "la ville" que, au fur et à mesure, le nom véritable a été oublié de tous. L'année dernière, le maire a prit la décision de découvrir le nom de la ville dans laquelle il a été élu et il a lancé une équipe d'historiens sur le coup. Mais ils n'ont pas encore abouti à des résultats concrets.

-C'est fort dommage.

-Je ne vous le fais pas dire, Clotaire. Elle est délicieuse, cette eau !

Leur conversation divagua sur cette substance aqueuse qu'on appelait l'eau. Marie-Maxime adorait parler à Clotaire le barman. Il était son compagnon de discussion préféré après Pivoine, Dédé et le SDF de la rue commerçante. Quand à Clotaire, il était juste content d'avoir trouvé quelqu'un avec qui parler car il s'ennuyait.


La fête très très bourgeoise de Madame RagondinWhere stories live. Discover now