Chapitre II : A la poursuite de mes rêves

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En 1901 Jeanne Chauvin fut la première avocate à plaider en France et je rêvais de suivre ses traces, de pouvoir plaider pour la justice. A 18 ans, il était temps pour moi de prendre ma vie en main et de réaliser mes rêves aussi fous soient-ils.

Avant d'en parler à mes parents je devais faire part de mes projets à André, l'homme de ma vie. Il était lui aussi originaire du Charvey, et était parti à Valence pour y faire ses études. Il avait pour projet de devenir chirurgien et pour l'instant tout laissait présager qu'il ferait un excellent médecin.

J'avais donc profité d'un moment durant ses vacances pendant lesquelles il retournait au pays pour lui en parler.
Lors d'une de nos promenades, très sûre de moi et de mon choix je suis allée droit au but.

« André, je veux partir à l'université et étudier le droit pour devenir avocat. Je vais donc étudier cette année pour pouvoir être acceptée à l'école de Lyon. ».

Il m'a alors longement regardé de ses yeux bleus, de ces yeux qui lisaient mon âme lorsqu'ils me fixaient. Et il répliqua de sa voix calme que je lui ai toujours connue :
« Si tu veux aller aussi loin que ta Jeanne Chauvin, alors va étudier à Paris. Tu auras bien plus de chance là-bas. ».

Ses paroles me surprirent, non pas que je doute de son ouverture d'esprit mais il était étonnant qu'il me pousse à aller si loin alors que son seul désir était de vivre avec moi. Je répliquais donc « par obligation » car au fond de moi son idée ne me déplaisait pas.

« Je ne veux pas t'imposer cette séparation. Tu as déjà accepté mon choix sur le mariage, à moi de faire quelque chose pour notre couple. J'ai décidé de prendre l'école de Lyon car ainsi je ne serai pas trop loin de toi...en tout cas je serai plus proche de toi qu'ici »

« Tu ne m'impose rien du tout. Je t'aime et je ne veux que ton bonheur. Le mariage n'est pas fait pour toi selon toute vraisemblance et tu es bien plus heureuse ainsi. Pour moi cela me suffit amplement...pour l'instant.
Alors pars à Paris, vas, poursuis ton rêve. Tu es faite pour plaider, ne gâche pas ton talent. Je m'en voudrais si tu ne réalisais pas ton rêve à cause de moi. Et puis cela sera une occasion pour moi de venir à Paris ! »

Je sentais dans sa voix une certaine amertume, surtout lorsqu'il avait évoqué le mariage. Mais je n'y fis pas attention, plutôt je ne voulais pas y faire attention. Je ne voulais garder en mémoire seulement ses dernières paroles.

Et je pris donc ma décision : je parlai alors à mes parents le soir même. Je ne voulais pas perdre de temps en discussions et présentais donc la chose comme réglée à mes parents. Mon père, sachant qu'il était inutile de résister, m'aida donc dans mes démarches pour entrer dans l'école de droit. Ma mère quant à elle semblait abattue par cette décision. Sa fille aînée qui déjà refusait le mariage avait décidé de faire carrière. Il en résulta qu'elle ne me parla plus. Mais aussi étonnant que cela puisse paraître, cela m'était bien égal. J'étais plongée dans mes bouquins pour préparer le concours d'entrée. Dans mes temps libres je parcourais la montagne, avec André quand il était là, pour profiter de mon pays avant de le quitter pour la grande aventure dans laquelle j'allais m'engager.

J'étais perdue dans mon rêve et je ne voyais pas la détresse des gens qui m'entouraient. Je ne voyais pas que mon père était tout aussi déçu que ma mère, mon frère n'approuvait pas mon choix et cela se voyait. Mon parrain tentait de me raisonner et ma marraine essayait de me faire comprendre la grandeur du mariage. Mais j'étais fermée à toute discussion et ne pensais qu'à l'école de droit de Paris, car oui j'ai suivi à la lettre ce que m'avait dit André : j'allais à Paris.

Le Paradis PerduWhere stories live. Discover now