Chapitre VI: Les promesses

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Une petite gare au lever du jour

Sur le quai, une jeune femme au bras d'un jeune homme

Un contrôleur à la porte du train annonçant le départ imminent

L'heure des adieux

« Écris moi quand tu seras installée »

« Promis. Tu viendras me voir ? »

« C'est promis »

Quelques larmes, on s'embrasse

La jeune femme qui grimpe dans le train

Ils se tiennent toujours la main par la fenêtre

Le train s'ébranle

Un nuage de vapeur enveloppe la machine

Un dernier je t'aime



   « Élisabeth ?Élisabeth ? »

   C'était Carla. Nous étions dans la Bibliothèque Universitaire et il était temps de partir en cours. Je sortis alors de mon rêve. Je la suivis machinalement jusqu'à lasalle de cours tout en réfléchissant sur ce que je venais de me souvenir. André n'était pas venu me voir. Mais je réalisais que même s'il n'avait pas tenu sa promesse envers moi, je ne l'avais pas fais non plus. Peut-être était-ce en fait de ma faute s'il ne donnait pas signe de vie. Je devais lui écrire, et durant toute cette année il avait attendu. Il lui a fallu bien de la patience quand j'y repense. Attendre ainsi une lettre d'une femme qu'il aimait pardessus tout, mais qui refusait de l'épouser. Une femme à qui il voulait tout donner mais qui refusait de se donner. Mais ce que je ne savais pas c'est que la patience a des limites même quand on aime.

   J'étais décidée à écrire à André le soir même et de m'excuser de ne pas l'avoir fait plus tôt. J'ai été très prise cette année avec mes études et peu-être le comprendra-t-il. Mais peut-on en dire autant de mon été ?Malgré mes quelques cours avec Augustin, la fin de mon été était plutôt tranquille.

   Hélas André m'avait devancée : en rentrant chez moi le soir, je reçu une lettre. Elle venait delui...



Lyon, le 28 octobre 1909

Ma très chère Élisabeth,

   Une année s'est écoulée depuis ton départ, une année que tu vis dans notre capitale, et une année que j'attends ta lettre. Tu as certainement tes raisons, j'en suis sûr et je ne t'en veux pas le moins du monde.

   Cette période pendant laquelle nous n'avons eu aucun contact m'a permis de réfléchir. Et c'est de cela dont je veux te parler.

   Vois-tu, lorsque tu étais encore chez nous, je pouvais te voir dès que j'avais du temps libre. Malgré le fait que j'étais à Lyon, la distance n'était pas trop importante. C'est pour cela que j'arrivais plus à accepter ton choix sur le mariage. Te voir et passer du temps avec toi me suffisait amplement. Entendre ton rire, admirer tes yeux pétillants de vie et voir ce sourire sur ton visage me comblaient déjà de bonheur.

   Aujourd'hui, tout est différent et je me rends compte que j'ai réellement besoin de toi pour avancer. Mais j'ai besoin de toi comme mon épouse, ma chère Élisabeth. Tu ne peux pas savoir à quel point tu m'es indispensable. Tu es l'avenir que je veux, tu es celle que je veux comme mère pour mes enfants, toi, si intelligente, si bonne envers les autres, pleine de gaieté que tu répands autours de toi. Tu es celle que je veux à mes côtés chaque jours de ma vie. Que les jours soient bons ou mauvais, peut m'importe si tu es là, mon rayon de soleil. Car toi seule compte à mes yeux.

   J'attends ta lettre, mais je ne t'attendrais pas éternellement, comprends moi. Je t'en supplie, ne fais rien que nous ne regretterions tous les deux. Reviens-moi, Élisabeth.

   Avec toute mon affection, André.

   Mon Dieu, que faire ! J'étais sous le choc, et pour la première fois depuis bien longtemps, je suis entrée dans une église. Je me suis agenouillée devant une statue de la Sainte Vierge et j'ai prié. Je ne sais plus ce que j'ai pu demander, mais je sais que j'étais perdue et que j'avais besoin d'aide. Et je savais au plus profond de moi qu'ici je trouverais des réponses. Pourquoi ? Je n'en sais rien mais j'avais confiance. Lorsque je me suis enfin relevée, je me suis rendue compte que la nuit arrivait à grands pas ; j'étais restée bien longtemps et j'avais pleuré bien longtemps.

   En sortant de l'église je remarquai un jeune homme agenouillé, et sûrement en pleine prière. Son visage me frappa. Il dégageait une telle sérénité qu'on pouvait croire qu'aucune peine sur cette terre ne pouvait atteindre sa paix d'âme. D'après le rapide coup d'œil que je lui ai porté, j'ai pu remarquer qu'il avait des yeux fatigués, ce que laissait penser que c'était quelqu'un qui travaillait beaucoup. Ses habit étaient impeccables mais pas de grande qualité : il se battait tous les jours pour subvenir à ses besoins, il ne devait pas être issus de ces familles aisées dans lesquelles les fils reprennent les affaires de leur père. Je me suis alors demandé comment on pouvait être aussi en paix alors que les soucis de tous les jours nous assaillent, nous accablent.

   Ce que je venais de vivre, de voir, me restèrent dans la tête plusieurs jours. J'essayais de comprendre. Les réponses je les avait déjà mais je refusais de l'admettre. J'avais abandonné la foi, et je n'avais pas encore l'intention de revenir en arrière. Alors je cherchais mes réponses ailleurs.

Le Paradis PerduWhere stories live. Discover now