Chapitre III : Paris, la ville des amoureux

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Septembre 1908 : Me voilà donc à Paris 6 mois plus tard, pour commencer mon école de droit. J'en avais pour trois ans, trois ans pendant lesquels j'allais prouver à ma famille que je valais autant que tous ces étudiants en droits, que touts ces avocats que Paris compte. C'était un grand défi à relever, mais j'étais prête à le faire.

L'adaptation fut très dure au début, je l'avoue. J'étais dans un monde d'hommes et il fut difficile de s'imposer. D'autant plus que les autres étudiants n'étaient pas prêts à ce que des femmes  prennent leur place.

Nous n'étions que 3 jeunes femmes. L'une avait déjà 27 ans. Elle s'appelait Adélaïde, fille unique d'un riche entrepreneur à Bordeaux. Elle avait rejoint les bancs de l'université car elle en avait assez de toujours vivre au crochet de ses parents. Célibataire et le cœur libre, elle ne voulait pas de mariage bien que les demandes étaient nombreuses. La fille unique d'un homme riche avait de quoi attirer. De plus elle était belle ce qui rendait la chose bien plus agréable pour les prétendants.

La troisième femme, Carla, avait 20 ans. Elle était orpheline et son tuteur avait accepté sans hésiter qu'elle fasse des études pour être autonome.

Carla et moi avions développé une certaine complicité étant donné que nous avions le même âge. Entre les cours nous partions dans des discussions interminables sur n'importe quel sujet. Nous aimions beaucoup suivre les actualités et refaire le monde à notre manière. La crise bosniaque était l'un des gros événements qui alimentait nos discussions. Ces signes avant coureur de la première guerre mondiale étaient des choses insignifiantes pour nous, des sujets de détente entre deux cours. Quelle insouciance dans ces jeunes esprits !

Après les cours nous avions l'habitude de travailler ensemble et puis de nous promener dans Paris, à la nuit tombée. C'était magique ! Souvent nous rencontrions des jeunes filles, ayant échappé à la vigilance de leur chaperon, retrouver leur amants sur les quais de la Seine, au clair de lune. J'en éprouvais une certaine jalousie ; André me manquait. Malgré les nombreuses lettres qu'il prenait la peine d'écrire, son absence me pesait. Mais plus le temps passait et plus je doutais de ses sentiments à mon égard. Il m'avait promis avant mon départ de venir me voir à Paris : Pâques passé il n'était toujours pas venu. Alors ma vie se passait à Paris, jours après jours, attendant en vain la visite  d'André.

Printemps 1909, le beau temps revenait après la grisaille de l’hiver parisien. Les jardins du Luxembourg était notre endroit favoris à Carla et moi. Adélaïde nous accompagnait régulièrement. Et puis un jour elle nous rejoignit pour notre promenade journalière mais cette fois ci elle n'était pas seule. Un homme l'accompagnait.

« Bonjour Carla, bonjour Élisabeth !, dit-elle d'une voix enjouée, je suis désolée si je perturbe notre promenade habituelle mais je ne pouvais pas attendre plus longtemps : voici mon fiancé Arthur  Blondel. »

A ces mots, le jeune homme qui accompagnait Adélaïde s'avança des deux jeunes filles et, s'inclinant légèrement, il dit :
« Je suis enchanté de faire votre connaissance, Mesdemoiselles. Ma fiancée ne m'avait pas menti, vous êtes de ravissantes jeunes filles et j'espère que vous trouverez le bonheur comme Adélaïde et moi-même ; les jeunes hommes ne manquent pas à Paris ! »

Ses paroles étaient bien entendu agréables à entendre quoi qu'elles faisaient un peu trop préparées et impersonnelles.
Si je devais le décrire physiquement je dirais qu'il a une taille parfaite mais peut-être un peu trop fin à mon goût. Ses yeux marrons avaient une sorte de vivacité, qui rendait le personnage sympathique. Somme toute, j'approuvais le choix d'Adélaïde. Mais son mariage avec ce jeune homme signifiait son départ de l’université. Ses belles idées d’indépendantiste du début de l'année s’étaient envolées au contact de ce jeune homme. Il ne restait plus que Carla et moi pour défendre notre cause et j'étais plus déterminée que jamais.

Paris, la ville des amoureux, avait eu raison d'Adélaïde mais je m'étais jurée qu'elle n'aurait jamais d'emprise sur moi. Même si je doutais de mes sentiments pour André, je savais qu'il n'y aurait jamais d'autre homme que lui. Ne jamais dire jamais, si j'avais su à cette époque...

Le Paradis PerduWhere stories live. Discover now