Chapitre 3

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Son pied s'enfonça dans une flaque d'eau qui éclaboussa le sol pavé de la triste rue, presque inondée par la pluie battante qui s'écrasait sur la toits sombres. Sa course était vagabonde, effrénée, et il sillonnait la nuit à toute allure, tantôt fonçant dans un étroit passage à sa gauche, tantôt se mêlant à la foule qui hantaient les corridors crasseux. Il courait à en perdre halène, s'enfonçant toujours plus profondément dans le quartier des plaisirs. 

Personne ne prêtait attention à lui : quelle que fut sa raison de courir, que ce soit une fuite ou un vol, c'était chose banale dans cette ville, et chacun savait que se mêler des affaires des autres était une mauvaise idée. Même les bandits évitaient ce genre d'embrouilles, dont on ne savait jamais si on reviendrait vivant. La vie ici était une continuelle partie de pile ou face : soit on gagnait gros, soit on mourait oublié.

Alors l'ombre encapuchonnée filait, sans jamais se retourner, bondissant çà et là, jusqu'à déboucher le long de la rivière Pénée, aux eaux souillées de détritus. Il connaissait bien cet endroit, et décida de s'arrêter quelques instants. Visiblement, il était seul. 

Il vint s'adosser à un mur, le souffle court. Il courait depuis une bonne heure déjà. Ce n'était pas une tâche bien difficile pour lui, mais la tension l'avait poussée à aller plus vite qu'il ne l'aurait dû... 

Il entendit des murmures, et il se raidit, s'écrasant contre la parois de pierre. Les voix se rapprochèrent dangereusement de l'endroit où il se trouvait, et il retint son souffle. Trois hommes passèrent devant lui, sans prêter attention à la silhouette qui soupira longuement après leur départ.

Il se releva lentement, prenant garde aux bruits alentours, scrutant l'ombre avec attention, à la recherche du moindre mouvement. Il soupira à nouveau, constatant qu'il était seul, avant de chercher par où reprendre sa route. La silhouette devait se dépêcher, avant qu'Il ne le retrouve, et elle savait très bien qu'elle n'était nul part à l'abri à Velka, la ville d'ombres...

Un sifflement s'éleva doucement dans l'air. D'abord, un souffle, puis bientôt une mélodie constante et effrayante. On eut dit le crissement du vent s'engouffrant dans les os rongés d'un cadavre. Une voix résonna dans les ténèbres, chantant une lugubre chanson :

Petit oiseau, toi qui file si seul,

Porte dans ta gueule ton linceul.

La faucheuse aux bras de mort

Vient ici t'annoncer ton sort.

Fuis, petit oiseau

Vers ton ultime lieu de repos

Fuis, petit oiseau

Vas-t-en quérir ton tombeau

Un léger rire suivit ces paroles, et la voix retentit à nouveau :

– Alors, tu tentes de fuir, moineau ? 

Une détonation se fit entendre, et le "moineau" sauta de coté pour éviter un jet lumineux, qui creusa le mur où il se trouvait un instant auparavant.  Il fila vers l'une des ruelles, dans laquelle il s'engouffra, esquivant de justesse un nouveau rayon.

– C'est pas vrai ! pesta le fuyard.

– Tu n'iras pas loin ! lança l'invisible assaillant.

La course poursuite continua pendant une demie heure, à travers les rues nimbées des auras de la lune. De l'ombre, le mystérieux poursuivant ne cessait de le harceler, et il devait constamment esquiver les filets de lumière qui à chaque fois le frôlaient. Il se mouvait avec aisance entre les obstacles et les foules, faisant tout son possible pour semer le sombre inconnu qui ne le lâchait pas d'une semelle.

L'Enfant aux yeux blancs - Libération [Inachevé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant