Chapitre 22

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Caequé Atidor s'agenouilla devant l'autel, les yeux fermés et les mains croisées. Elle leva la tête vers l'imposante statue de pierre de son dieu, qui l'observait avec bienveillance et douceur, son visage figé dans une éternelle impression de bienveillance. Elle s'approcha de sa main tendue vers le bas, se cala comme le voulait la coutume au creux de celle-ci, la pierre lui caressant les cheveux, et se mit à prier pour le groupe qui, derrière elle, pleurait presque :

— Eléothéos, notre père qui depuis firmament juge les Hommes et leurs actions, toi qui au dernier jour déchaînera l'enfer de glace sur les infidèles, pardonne les péchés de ceux qui sincèrement se repentissent et s'agenouillent en ton nom et présence. Que jamais nul ne puisse entacher ta divine sagesse, et que périssent ceux qui le font. Que le premier péché, celui de l'Espoir, qui est mort sur cette terre, nous le retrouvions près de toi. Notre père, qui est aux cieux, gardent ces pauvres hères et offrent l'idylle à ceux qui n'ont su profiter de cette terre pécheresse que nous avons corrompue. 

Elle patienta quelques instants, laissant un silence respectueux s'installer dans la salle, puis se releva doucement. Elle se retourna vers la foule de fidèle qui s'étendait derrière elle et leur sourit :

— Vos erreurs seront pardonnées, je vous en fait la promesse, promit Caequé, Grande Ordéane de Velka. Continuez à agir dans le droit chemin, donnez aux plus démunis, et débarrassez vous de tout ce qui est superflus, de l'argent, du pouvoir, des ambitions belliqueuses de l'homme et de tout ce qui mène à l'enfer.

Elle même ne portait qu'une robe blanche sans artifice, ses pieds nus caressant les pierres froides du monastère de l'Ordéanie de Velka. Fidèle à la doctrine de sa religion, l'Ordéane faisait fit du faste mondain, consacrant plutôt sa vie à aider son prochain. Certains voyait en elle une véritable sainte, et en effet, elle paraissait en être une. 

Un homme vint à sa rencontre en pleurant toutes les larmes de son corps décharné. Il s'accrocha à sa robe en baissant la tête, sanglotant doucement :

— Grande Dame, pleurait-il, je... J'ai péché ! Par faim, j'ai volé mon prochain... S'il vous plaît, pardonnez moi ! 

Il lui tendit le fruit de son larcin : une simple pomme à l'aspect repoussant. Caequé s'agenouilla en regardant le fruit : tout cela pour ça, pensait-elle avec tristesse. Elle attrapa ses deux mains tendus et les referma autour de la petite pomme, les serrant doucement :

— Dieu vous pardonne, brave homme. Qui condamnerez un homme qui volerait pour survivre ? Expiez votre faute par votre propre miséricorde, et notre Père vous viendra en aide. Ne reniez pas la foi et priez pour vous et pour tous les nôtres. 

Il releva lentement la tête, s'étant calmé au son de la voix douce de l'Ordéane qui lui sourit, un sourire enjôleur qui aurait apaisé même les plus terribles bêtes des enfers :

— Me promettez-vous, brave homme, que votre repentir est sincère ? lui demanda-t-elle en penchant la tête.

— Oui... Oui, je vous le promets, Grande Dame !

— Alors levez-vous et ne perdez plus espoir, c'est d'accord ? 

Il se remit à pleurer et elle l'enlaça gentiment, avant de se lever et de se retirer derrière l'immense statue d'Eléothéos, dans les bâtiments de l'Eglise, là où se trouvait sa chambre. Elle arborait continuellement son sourire, saluant avec douceur touts les aspirants qu'elle croisait. Les cours étaient terminés pour la mâtiné et les apprentis soigneurs se dirigeaient vers le réfectoire. Tous les élèves regardaient avec respect la personne la plus importante de ce modeste bâtiment, celle qui avait ravivé la flamme de la foi à Velka, la Grande Dame qui portait l'Ordéanie sur ses épaules depuis plus de vingt-ans déjà. Elle croisa l'un des professeurs de l'Eglise, professeurs qu'elle nommait elle même et connaissait bien :

L'Enfant aux yeux blancs - Libération [Inachevé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant