Adjil

35 - Chapitre

          Tu l'as perdu, Adjil. T'es vraiment qu'un sombre connard, comme disait l'autre. Exténué et fatigué, je regarde l'heure : il est dix-neuf heures, je dois attendre une heure, je n'ai pas faim, et rien à faire ; je me suis dépêché de recopier ces fichus cours pour lui, et j'ai fini de lire la partie de livre qu'il fallait. Seuls mes regrets seront avec moi, pour les soixante minutes à venir.

✉ Eh.

📨 tu tombes bien

✉ Ah ?

📨 ouais

📨 j'ai merdé

📨 et j'ai besoin

 d'aide

 📨 si tu veux bien

✉ Sully ?

📨 hein

✉ Non ?

📨 si

📨 cmt tu sais

✉ J'ai mes contacts.

📨 tu veux bien m'aider 

stp ?

✉ Bah, c'est évident.

 Non ?

📨 ...

✉ Olala, t'es 

vraiment un 

gosse, toi... Bon, 

réponds ou je te

 casse la gueule.

📨 hein

          Mon message s'envoie à peine que, déjà, mon téléphone vibre dans ma main : elle m'appelle. Surpris, je mets quelques secondes avant de réussir à accepter l'appel.

« - Dis-moi que tu te fous de ma gueule, dit-elle aussitôt.

- Que.. quoi ?

- Dis-le.

- Pourquoi ? C'est faux...

- Attends attends, t'es vraiment sérieux ? s'agite-t-elle.

- Euh... Oui ?

- Mais t'es idiot, ma parole ! s'emporte-t-elle.

- Euh...

- T'es son co-pain ! C'est toi qui le connais, pas moi ! Comment veux-tu que je t'aide à résoudre tes problèmes avec, alors que je ne le connais même pas ?!

- Ben, t'as toujours été de bon conseil, et... murmuré-je.

- Mais, et alors ?! Là, ça n'a rien à voir ! Je le connais pas, moi ! J'ai juste entendu parler de cette histoire, et je me suis doutée que c'était toi, c'est tout ! S'énerve-t-elle.

- D-désolé...

- M'ouais, bon, soupire-t-elle. Passons. Tu vas faire quoi ?

- Je sais pas... J-je... J'ai peur...

- Mais- elle s'arrête, faisant de drôles de bruits, comme si elle se contenait. Ok, bon. Va dormir. J'y vais aussi. C'est mieux, pour tout le monde. Salut. »

          Je reste sans voix quelques secondes, observant mon téléphone. Vient-elle vraiment de raccrocher, après avoir fait ce qui semble être une mutation en alien ? Béat, je reste ainsi plusieurs minutes, ne comprenant toujours pas.

          Quand je reprends enfin mes esprits, je regarde l'heure ; 19h41, encore 19 minutes. Je soupire et décide de relire quelques notes, pour demain, quand une idée me vient en tête. J'attrape un stylo, ainsi qu'un carnet -pensant qu'il va vraiment falloir que j'en rachète un, et ma main court sur le papier, formant des boucles, des vagues et des lignes.

          22h, il n'appellera plus, je ne dormirais plus, et mes yeux ne sécheront pas de si tôt. Je l'ai définitivement perdu, et je ne peux m'en prendre qu'à moi-même.