À la lueur d'une bougie

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Deux hommes traînaient un corps inerte dans la boue. Il avait tellement plu cette nuit là que leurs pieds s'enfonçaient dans la terre. Le jour s'était levé mais les nuages ne s'étaient pas dissipés. Ils descendirent des escaliers de pierres s'enfonçant dans toute cette boue, maintenant les bras de leur victime, ses pieds qui traînaient derrière elle, du sang qui dégoulinait de ses lèvres, les paupières scellées.

Ils ouvrirent une grille grinçante et jetèrent le corps dans la cellule qu'ils refermèrent aussitôt. Le menton de l'individu frappa le sol, ce choc fut si brutal qu'il en ouvrit les yeux pour relever la tête. Une bonne partie de son visage était couverte de sang séché, de terre, de suie... Il laissa retomber mollement son visage dans la boue et laissa ses paupières se fermer de nouveau pour l'engouffrer dans les ténèbres.


•••


— Les paysages ici sont à couper le souffle. Tu te rends compte, Archibald, on n'a jamais pris le temps d'admirer ce qu'on avait sous les yeux...

Yselda avait ses mains posées sur le muret, le vent jouait avec ses longs cheveux lâchés et elle ferma les yeux pour apprécier cette brise matinale, le sourire aux lèvres. Ils aimaient rester face à l'océan de longues heures à écouter les oiseaux et le chant des vagues.

— On n'en a jamais eu l'occasion à vrai dire... ni même le temps, répondit son ami.

— Aujourd'hui on l'a. Ça fait déjà un an... et j'ai l'impression que c'était hier. J'avais un an pour rattraper ce que j'avais raté et je ne l'ai pas fait.

— Tu as toute ta vie pour le faire maintenant.

Elle lui jeta un regard et lui sourit, il le lui rendit puis sortit de sa besace son carnet de dessin qu'il emportait partout avec lui.

— Un joyeux anniversaire, Yselda...

Elle dévoila une jolie rangée de dents. Archibald lui tendit une feuille pliée et légèrement froissée. Elle la saisit et la déplia le sourire aux lèvres. La petite feuille était tachetée mais Yselda reconnut la personne sur le croquis. Elle releva ses beaux yeux bleus vers Archibald.

— Tu m'avais dit que tu aimais ce dessin...dit-il en cornant les bords de son carnet.

— Tu es vraiment très doué.

Elle lui déposa un baiser sur la joue et contempla son portrait. Archibald l'avait dessinée trait pour trait, ce n'était qu'un croquis mais c'était un jeune homme très talentueux. Sa voie n'était pas celle d'un chevalier mais celle d'un peintre ou d'un ingénieur. Malheureusement, il préférait suivre Yselda que de se lancer dans une nouvelle aventure seul. Ayant erré une bonne partie de sa vie dans la rue, il ne voulait plus vivre cela. Après s'être proclamé écuyer tout seul et avoir suivi Nicolas, Archibald se voyait mal ne plus accompagner quelqu'un. C'était dans sa nature, comme ancré en lui.

— Tu sais, Gadriel avait raison ce jour-là, déclara-t-il.

Elle lui jeta de nouveau un regard.

— Je suis fou amoureux de toi, Yselda.

Elle entrouvrit la bouche sans savoir quoi dire, le morceau de papier dans les mains. Le coeur d'Archibald palpitait contre sa poitrine et ses mains devenaient moites.

— Je t'aime aussi, Archi...

Ce dernier esquissa un faible sourire.

— J'ai besoin de toi comme ami.

Le Maître des Dragons : La Vallée OubliéeWhere stories live. Discover now