Au beau milieu de l'Océan

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Au creux de la vallée à minuit,

On entend le dragon endormi,

À qui prendra le temps d'observer,

Apercevra ses larmes couler,

À qui prendra le temps d'écouter,

Comprendra que le monstre peut pleurer,

Au fond de la vallée à midi,

On aperçoit le dragon endormi,

À qui prendra le risque d'approcher,

Ne se fera guère dévorer,

Mais au moindre faux pas,

La bête s'envolera,

Au creux de la vallée à minuit,

On ne voit plus le dragon endormi,

Car au moindre faux pas,

La bête disparaîtra...


Le timbre doux et mélodieux de la voix d'Yselda résonnait au beau milieu de l'Océan alors que le soleil avait laissé place à une nuit glaciale, obscure et silencieuse. Amaury était recroquevillé sur lui-même, emmitouflé dans un vieux draps. Yselda, assise sur le bord de la barque chantonnait, les yeux dans le vide, glacée par la nuit et Hugon ramait, les bras douloureux, fatigué, il ne s'était pas plaint une seule fois depuis deux jours alors que son estomac ne faisait que gargouiller, lui rappelant qu'ils n'avaient pas mangé ni bu depuis bien trop longtemps.

— Votre voix est sublime... souffla Hugon les bras engourdis.

Yselda tourna la tête vers lui. Ses lèvres étaient gercées, ses longs cheveux noirs étaient emmêlés et très secs, sa peau semblait desséchée et ses beaux yeux bleus étaient cernés. Sous la barbe hirsute de Hugon, il était difficile de distinguer son teint mais ses yeux étaient soulignés de grosses cernes noires.  Amaury, encore grelottant, s'était endormi contre le torse de Roman, bercé par la douce voix d'Yselda.

— Merci... répondit cette dernière.

— Vous avez inventé les paroles ?

— C'était une chanson que ma mère chantait à mon père et que mon père me chantait ensuite.

Alaric lui manquait terriblement. Parfois, quand elle songeait à sa mort, elle regrettait de ne pas avoir mis fin aux jours de Theobald pour venger son père. Elle avait cru pouvoir sauver Nicolas, elle avait sacrifié une vengeance pour son ami et avait échoué. Son père assassiné ne pouvait plus l'entendre chanter cette chanson qu'il chérissait tant à présent.

— Une magnifique chanson, aux paroles bien trop vraies, reprit Hugon.

— Personne ne s'en rend compte.

Le jeune Seigneur lâcha les rames et se massa les épaules tout en grimaçant. La douleur était trop présente pour continuer à ramer et dans cette pénombre, impossible de réellement savoir vers où ils allaient.

Yselda jeta un regard à Roman, lui aussi avait les yeux perdus dans l'obscurité, l'enfant contre lui. Il avait de longs cheveux ébouriffés, une grosse barbe et les yeux foncés, il n'avait pas décroché un mot depuis que le bateau avait coulé.

Le Maître des Dragons : La Vallée OubliéeWhere stories live. Discover now