Partie I

162 17 8
                                    

« Il n'y a point de femme que le soin de sa parure n'empêche de songer à son amant » récita Mademoiselle de Sarrin tandis qu'elle se poudrait le visage, ajustait la coiffe sur sa tête, et y ajoutait une garniture. Elle offrit un dernier regard enamouré à l'ouvrage qui se présentait fièrement sur son lit. La Princesse de Clèves détenait une place privilégiée dans la chambre de la jeune fille.

Sa mère, qui l'observait depuis le pas de porte, ne put empêcher un sourire tendre de prendre place sur ses lèvres face à l'attitude de la jeune fille. Afin que son entrée dans l'âge du mariage lui paraisse un événement dont elle conserverait le souvenir, Madame de Sarrin avait jugé être un bienséant moyen de l'éduquer, que de lui offrir ce roman d'amour si particulier. Ses amies lui en avaient dit beaucoup de bien. Sans se tarir d'éloges à son sujet, elles lui avaient conté combien elles s'étaient piquées des valeurs que véhiculait son auteur ; combien ces valeurs étaient souhaitables à toute jeune fille de bonne naissance. De toute évidence, ses amies avaient été de fort bon conseil, car l'inimitable vertu du personnage avait su immédiatement toucher le coeur de sa fille, pourtant si peu inclinée à la bienséance d'ordinaire. Madame de Sarrin fut bien aise pendant plusieurs jours d'entendre sa chère lui conter les histoires de Madame de Thémines, rêver de la reine de Suède et la reine d'Écosse.

L'émulation de la jeune Mademoiselle de Sarrin s'était communiquée à toute la maison, si bien et si fort que sa mère s'en voyait l'humeur allégée comme elle l'apercevait, le livre dans les mains, le regard tendrement posé sur les pages.

« Ma chère, nous devons nous mettre en route. »

La voix de sa mère ramena la jeune fille à la réalité, et elle détacha avec regret ses yeux du livre. Mademoiselle de Sarrin se hâta de la rejoindre et exécuta un petit tour devant elle afin que sa mère puisse l'observer, et aboucher vers elle.

« Vous êtes ravissante. Maintenant, dépêchons. »

Mademoiselle de SarrinWhere stories live. Discover now