Partie II

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Il parut alors une remarquable beauté à la cour, qui attira les yeux de tout le monde. Et l'on s'étonna de la beauté parfaite de Madame de Sarrin, puisqu'elle était accompagnée d'une autre beauté qui possédait le moyen de ne se pas voir souffrir de l'admiration que l'on donnait dans un lieu si accoutumé à voir de belles personnes. Mademoiselle de Sarrin étonna par son audace, et quelque vilaine qu'elle fut aux yeux de tous, elle ne se laissa pas de se montrer d'une extravagance toute modeste. D'aucun ne put la prendre pour une bagace, car elle fut présentée à toutes et à tous par sa mère, qui ne tarissait pas d'éloges à son égard. Et l'on dû bien admettre que la jeune fille était d'un esprit fort exceptionnel, bien que l'on souffrît de poser les yeux sur son visage. L'on se demanda comment une femme si belle pouvait avoir engendré descendance pareille, et comment elle pouvait la présenter céans. L'on dû reconnaître à la mère aussi une certaine audace, qui ne faisait qu'une justice méritée à sa beauté. Marquis, princes et ducs se succédèrent afin de saluer la beauté de Madame de Sarrin, et bien qu'elle voulût que sa fille plût aux gentils hommes, Mademoiselle de Sarrin était ainsi faite, qu'elle ne pâlît pas d'une telle attention.

Tandis que tous étaient pris d'inclination pour les nouvelles venues, Mademoiselle de Sarrin se trouva saisie d'un intense sentiment d'ennui, et s'empressa de faire avec diligence les diverses rencontres que sa mère attendait d'elle. La jeune héritière avait reçu, avant son apparition à la cour, tant d'informations concernant les principaux visages qu'il lui fallait connaître, que rien dans tout ce qu'elle voyait ne l'étonnait outre mesure. Elle avait aperçu princes et princesses promis à un beau mariage, connaissait fort bien l'attrait du duc de Cervoit pour le libertinage. La marquise de Billeuse lui semblait une vieille amie alors qu'elle ne lui avait jamais adressé un mot. Partout, Mademoiselle de Sarrin voyait d'honnêtes hommes, de belles dames, des personnes respectables de haut rang et de belle distinction. Elle connaissait le nom des amants et des aimés, de la tendresse qui unissait le prince de Savoie à sa femme. Madame de Sarrin l'avait mise au fait de tout ce qui devait se savoir pour paraître une personne de haute naissance et sembler une femme de haute vertu à la cour.

Quelques temps seulement après son arrivée, elle ne souhaitait pas s'attarder plus longtemps, et se languissait du moment où sa mère accepterait de quitter ce lieu si peu d'intérêt. Tandis qu'elle s'éloignait de l'agitation des corps, et faisait fi des regards que son visage put attirer, Mademoiselle de Sarrin entraperçut un homme qui se distingua des autres par sa hauteur de menton et un nez si débonnaire que l'héritière le trouva d'une galanterie certaine. 


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