Traqueurs

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Les bras tendus, l'homme s'apprête à me ceinturer. Je ne perds pas un instant et frappe celui que je menace de mon couteau. Un craquement sinistre retentit quand mon coude percute son nez. Il se recroqueville dans un cri, le visage maculé de sang.

Je pivote vers le brun aux cheveux mi-longs et le repousse d'un coup de pied dans le ventre. Il recule de trois pas, mais revient à la charge. Dès le premier contact, l'inconnu me dépossède de mon arme qui glisse un mètre plus loin.

Une peur indescriptible s'empare de moi alors que j'évalue mes chances de lui échapper. Il ne m'en laisse pas le temps et charge à nouveau. J'esquive une attaque, puis deux. Les coups s'enchaînent dans une danse étudiée, quand un détail me saute aux yeux : il ne cherche pas à me blesser, seulement à m'attraper.

Ce qu'il réussit à faire après de longues minutes d'un combat écharné. Dans mon dos, l'homme place ses bras autour de mon buste, tandis que son comparse tente une approche. Je le stoppe grâce à un sortilège d'immobilisation.

— Arrête de te débattre ! m'ordonne mon agresseur, la bouche à mon oreille.

Je me contorsionne comme une démente, en vain. La panique me submerge. Mon souffle se fait erratique.

Me revient en mémoire le jour où j'ai été trahie. Je revois le visage de la sorcière qui a permis aux traqueurs de me piéger, mais aussi l'enfermement, leurs tortures, leur absence totale d'humanité. Tout se bouscule dans mon esprit en flashs désordonnés. Une rage sanguinaire prend peu à peu possession de moi, annihilant celle que j'ai tant désiré retrouver.

Je balance la tête en arrière et heurte son visage de plein fouet. J'ignore les points blancs qui brouillent ma vue et profite de sa faiblesse pour le faire chuter. Son crâne percute les pavés dans un bruit sourd. Je m'assieds à califourchon sur lui, saisis le poinçon maintenant mes cheveux et l'applique contre sa jugulaire. De l'autre main, je renforce le sortilège qui paralyse son compagnon.

— Qui. Êtes. Vous, répété-je, essoufflée par notre altercation.

D'une expiration, le brun repousse une mèche lui barrant le visage sans cesser de me dévisager. Il n'est pas bien vieux, la trentaine tout au plus, et une expérience certaine dans l'art du combat. Cet inconnu pourrait être un traqueur, il en a la carrure, mais dans ce cas pourquoi m'épargner ? Cela n'a aucun sens.

— Lui, c'est Saor et moi Daegan, m'annonce-t-il en désignant son acolyte d'un mouvement de tête. On est chargé de te ramener à Nameïria.

La cité du grand Meïri... J'enfonce mon arme avec plus de force. Du sang s'écoule le long de son cou. Pourtant, je ne décèle en lui aucune inquiétude. Il semble... serein.

— Qui vous envoie ? vociféré-je, la voix emprunte d'une colère non dissimulée.

Aucune réponse. Rien sinon cet air condescendant qui ne le quitte pas, mais il finira par me craindre d'une manière ou d'une autre.

Ma magie évolue en un pouvoir bien plus sombre, destructeur. Une plainte quasi animale s'échappe du dénommé Saor juste avant qu'il ne s'écroule. Les membres raidis, il hurle sa douleur. Sa physionomie change subitement. Sa peau se fait blanchâtre tandis que ses veines, saillantes, prennent une teinte écarlate. Son sang bout par la force de mon sortilège. Blessure qui lui sera fatale si je n'obtiens pas très vite des réponses.

— Votre père... halète ma victime sous le regard impassible de Daegan.

Je me raidis et mets fin à sa torture. Mes ressentiments refont surface, bien plus violents qu'il y a deux siècles. La solitude, la colère, des regrets inexpliqués...

Jeu d'âmesWhere stories live. Discover now