Pouvoir

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Le Magian grimpe le long de mon bras avant de se lover au creux de mon cou. Ce rapprochement, que je n'espérais plus, gonfle mon cœur d'un bonheur inégalé.

— Tu m'as manqué aussi, chuchoté-je suffisamment bas pour que lui seul m'entende.

— Laisse cet animal, Azeria, on doit parler.

Son ton autoritaire n'admet aucune protestation, mais je n'en ai rien à faire. Rien d'autre ne compte hormis cette famille que j'ai enfin retrouvée.

Un homme pénètre dans la pièce au pas de course, se fendant d'excuses auprès du maître des lieux, arguant que le Coarec a échappé à sa vigilance et que cela ne se reproduira plus.

Vêtu d'une tunique gris clair caractéristique des employés de maison, son regard est marqué par la peur. Un coup d'œil à mon paternel m'indique d'ailleurs que le travailleur sera châtié pour cette erreur.

Je me remets aussitôt sur pieds, maintenant d'une main ferme l'être que je me suis promis de protéger.

— Vous ne me l'enlèverez pas ! vociféré-je lorsque l'individu s'approche, le bras tendu pour s'en emparer.

Ma voix se répercute autour de nous, amplifiée par une magie que je n'ai pas choisi d'utiliser. Je ne sais pas si ma puissance recouvrée est due à la proximité de l'animal ou de la cité qui, selon la légende, a vu naître la magie, mais c'est anormal.

Cette fable, que l'on m'a contée enfant, expliquait la puissance du premier grand Meïri, gardien du pouvoir et de l'équilibre entre les communs et nous. C'était bien avant que la nature humaine prenne le pas sur tout le reste, que les dirigeants créent l'ordre des traqueurs et que les massacres de sorcières commencent.

Les deux hommes échangent un regard lourd de sens avant que mon père ne reprenne.

— Remettez-le dans sa cage et cette fois, ne le laissez pas s'échapper, assène-t-il dans une menace implicite.

Je recule d'un pas, bien décidée à me battre si nécessaire et indifférente au fait que cela entraînerait mon arrestation. Un frisson me parcourt, comme à chaque fois où les images de mes tortures passées font irruption dans mon esprit.

— Maître, je...

— Non, asséné-je, interrompant le domestique.

— Tu penses le contraire, Azeria, mais c'est moi ton père et non pas cette créature, essaye-t-il de m'amadouer en posant une main sur mon bras.

Un cri strident échappe au Coarec qui tente de mordre son rival. Il retire sa main d'un geste brusque. Quant à moi, je pars d'un rire sans joie.

— Toi ? Tu n'es qu'une coquille vide, rien de plus.

Je n'ai pas toujours porté ce regard sur lui. J'ai voulu croire qu'il puisse encore être mon père, y compris après la malédiction qui l'a privé de son âme en la transférant dans le Magian. Je n'avais tout simplement pas compris que l'homme n'est rien sans son âme animal, et qu'une fois privé d'elle, ne restait que cruauté et soif de pouvoir.

Le regard anxieux qu'il lance soudain à l'homme de maison en dit long : l'inconnu ne sait rien de nos origines. Ce qui n'a rien d'étonnant puisque notre liberté repose sur notre anonymat. Seule sa capacité à changer d'apparence explique son statut actuel, quel qu'il soit. Cette découverte pourrait me donner l'avantage et un moyen de pression évident.

— Azeria, plus un mot... me met-t-il en garde avant de revenir auprès de moi. Il ne lui arrivera rien, j'ai compris de mes erreurs. Et on doit discuter, c'est important.

L'inquiétude présente dans sa voix me noue les entrailles. Ce regain d'humanité ne lui ressemble pas. Je relâche la poigne maintenant le Coarec et me tourne vers mon géniteur.

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⏰ Last updated: Mar 03, 2019 ⏰

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