Portrait en noir et bleu

bleue est incarnadine

      Tes yeux battent des ailes, tes lèvres se courbent comme la coque d'un bateau, tu es belle.

Je m'approche de toi, le cœur m'y emmène, comme aimanté par toi. Ce sourire que tu portes fièrement, c'est à moi qu'il s'adresse. Tu m'adresses enfin un de tes sourires, un de tes regards uniques. Tu me parles de ta journée et nos pas s'accordent, se synchronisent. J'aimerais dire la même chose de nos cœurs, mais le mien court plus vite, comme affolé. Le tien est serein. Peut-être que c'est ta façon d'aimer, doucement, comme une plume qui tombe.

– J'aimerais voir celui-ci.

Tu choisis, et je n'ai rien d'autre à faire que d'accepter tous tes désirs. Je n'aime pas les films d'horreur, mais pour toi, j'irai en voir un. Tu choisis le siège, sur le côté, isolé. Je préfère me mettre au milieu de la salle, mais pour toi, je m'assiérai sur le côté. Tu as pris des popcorn au sel, mais tu pioches dans mon paquet parce que tu te rends compte que les sucrés sont meilleurs. J'en profite pour frôler ta main dans le paquet, comme dans les films, et tu souris de toutes tes dents. Tu prends un popcorn et le place délicatement contre mes lèvres que j'entrouvre. Tes yeux se bloquent, les miens se perdent dans les océans que tu détournes en un battement de cils. J'ai le cœur fou, et je savoure le popcorn salé que tu m'as donné, même si j'aime pas quand c'est salé.

Le film est prévisible, pourtant tu sursautes de temps en temps avec tes lunettes 3D sur ton nez retroussé. Nos coudes se touchent et je meurs d'envie de prendre ta main. À ma grande surprise, c'est toi qui le fais ; tu as eu peur alors tu m'as pris la main sans t'en rendre compte. Tu t'excuses et l'enlèves, mais je la reprends et glisse mes doigts contre ta paume chaude. Tu regardes la scène à travers tes lunettes noires, tu te laisses faire. Plus que ça, tu me caresses la main aussi, lentement, tendrement.

Ce soir, notre portrait en noir et bleu a fait un grand trait incarnadin. Je crois que je te plais.