58 - Demi tour

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4x04 - indifference

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*pov Rick*

Le moteur de la Hyundai proteste sous mon pied qui appuie encore sur l'accélérateur. Il n'y a toujours personne dans le rétro.

Dois je faire demi tour ?

Je pourrais encore... La route, devant, défile, bordée de feuilles mortes marron, rouille, terre ; le béton au milieu, rougi comme une cicatrice ancienne et toujours inflammée.

Elle veut que je l'accepte, faute de l'approuver.

Je peux encore faire demi tour.

Ce qui m'empêche vraiment, là, c'est que je suis même incapable de l'accepter. On n'est pas semblables, elle et moi. Elle a tué deux des nôtres, bordel. J'ai abattu Shane. Oui. Je l'ai fait.  Mais y a rien de comparable ! Ca n'a absolument rien à voir. Elle, elle a exécuté Karen et David. Sur une supposition, l'éventualité qu'ils soient la cause d'une hécatombe à la prison. Shane me menaçait ouvertement. C'était de la légitime défense. Pour une menace imminente et évidente. Karen et David auraient pu s'en remettre. Le massacre n'est pas venu d'eux mais de Patrick. Carol a parié sur l'avenir et elle a perdu. Elle a surtout joué toute seule, un jeu infâme.

*pov Daryl*

"La piste a disparu..."

Le pied sur la banquette, genou contre la portière, je regarde Michonne conduire une seconde avant de me retourner vers la vitre qui fait défiler un coup les champs, un coup les bois.

Le petit cristal vert clair danse entre mes doigts.

Chacun sa quête, sa vengeance, ou son espoir. Je réalise que tous cherchent un refuge, Michonne pour abriter sa rancœur même si elle dit ne plus être en colère, Carol pour cadrer sa stabilité, et Rick pour tout reconstruire. Quant à Y/n...

Y/n se contente de vivre, au jour le jour, tout comme moi. Elle chope toujours le bon côté des choses, sans se laisser envahir par les paquets d'emmerdes qui nous tombent sur le nez à longueur de temps. Et que je me trimbale comme un pauvre con. C'est ça sa force : son optimisme qui me pète les rouleaux. J'ai pas ça, moi. Mais p't être qu'en la côtoyant encore un peu, j'apprendrai à ressentir un poil de son espoir en l'avenir. J'pourrais m'y familiariser, qui sait ? Elle me prend tellement la tête depuis des semaines, putain !

Mais sans elle, sans eux, c'est quoi mon truc à moi ?

Je soupire silencieusement. Le cristal vert d'eau se balade entre mes doigts, comme autonome. Un peu comme mes pensées quand je n'ai rien de plus important à faire.

*pov Rick*

J'ai les yeux qui piquent encore. Comme hier, en supposant ce qui a pu se produire ; comme ce matin, en visualisant, comme si j'y étais, ce qu'il s'est vraiment passé : comment Carol s'y est prise pour commettre son acte odieux. Tout se tient, malgré son maigre gabarit. Elle est forte et a parfaitement pu traîner les corps inertes jusque dans la cour qui n'est qu'à quelques mètres au bout du couloir de leur cellule attitrée.

Quand je lui ai laissé le jerricane  d'essence rouge, celui là même que j'ai retrouvé près des corps calcinés, celui dont elle s'est servie, elle n'a pas tiqué. Elle n'a pas de remord pour ce qu'elle a fait. Convaincue qu'elle est qu'ils étaient alors les seuls contaminés, les seuls qui pouvaient infecter les autres. Sûre, parce que personne n'en était encore mort. Certaine d'éradiquer la menace d'épidémie. Confortée de faire quelque chose ; n'importe quoi, mais quelque chose.

Non. Je ne peux pas faire demi tour.

Même si j'ai accepté son bracelet-montre cassé. Cadeau initial de son connard de mari, Ed, pour remplacer la sienne qu'il a donné à Sam. Qu'est ce que son geste signifie ?  Cela n'apaise pas pour autant ma colère contre elle. Cela ne modifie en rien ma décision personnelle.

La route continue son chemin, défilant rapidement pour me ramener à la prison.

Je sais que moi non plus, je n'ai consulté personne sur ce coup là. Même pas certain d'être capable de le faire il y a encore quelques heures, ce matin ; je suis vraiment parti dans l'idée première de nous ravitailler, pour trouver un minimum de médocs.  Si on n'était pas tombés sur ces deux jeunes, Ana et Sam, je me serais peut être dégonflé et elle serait alors assise là, maintenant, dans la Hyundai, et pas partie quelque part dans son Taurus break poussiéreux.

Personne dans le rétro.

Son comportement avec le couple m'a fait réfléchir et m'a conforté à la fois. Elle s'est occupée de l'épaule déboîtée du garçon sans hésiter une seconde, comme elle a ri des grumeaux dans les pancakes... J'ignore pourquoi je suis allé lui parler de ça, d'ailleurs. Parce qu'elle est comme ça aussi, à l'écoute de tout le monde. Mais c'est quand même elle qui n'a pas attendu une seconde de plus que Sam revienne à notre point de rendez-vous. C'est sans doute là que j'ai pris ma décision.

Parce que si ça avait été Carl et Judith ? Si ça avait été Y/n ?... Elle les aurait abandonnés de la même manière au final. Alors qu'elle me réclame Lizzie et sa sœur de dix ans ! C'est pour ça aussi que...

Je ne peux vraiment pas faire demi tour.

Mais je tiendrai parole. On veillera sur les deux sœurs Samuels. Parce que ni l'une ni l'autre n'y sont pour rien.

Parce que ce n'est pas notre genre.

*pov Daryl*

La route glisse sous le vieux Plymouth. Michonne est concentrée, comme impatiente de rentrer. Sans doute pressée de quitter cette bagnole où l'ambiance est pourrie de ce silence lourd dont je suis la cause.

Ok, j'me suis un peu emporté avec Bob. Mais c'est plus fort que moi, y a des sujets qui me pètent les couilles instantanément. La bouteille est dans mon top 3. Déjà, ça m'a foutu les boules hier qu'il me parle de sa relation avec l'alcool. Comme si j'la connaissais pas. Mais après cette nuit, à n'avoir rien d'autre à foutre sans doute, j'trouvais qu'c'était plutôt honnête, voire courageux de sa part.

Sauf que ça n'a pas suffi finalement à l'empêcher de se balader quand même avec sa réserve toujours à portée d'main. Alors forcément j'ai vu rouge quand j'ai capté que Bob était capable de tout pour garder son amie liquide, même prêt à nous mettre tous en danger.

J'peux plus l'tolérer. J'ai cramé la moitié d'ma vie avec c'te saloperie dans ma maison. Y a pas moyen qu'elle revienne faire la loi, ni même rôder autour de moi, de Carl et Judith, de Rick ou Y/ne... 'sont ma... famille...

C'est sans appel.

Je regarde encore Michonne en soupirant. Ce genre de pensées qui tournent de plus en plus vite dans mon crâne me soulent. Mais en la regardant, sérieuse et froide, j'ai pas envie d' la déranger avec mes conneries. Alors je me tourne encore un peu, pour tomber sur Bob, assis juste derrière elle. Il fixe le paysage et il fait bien de ne pas réagir. C'est vrai que pour une fois son visage d'habitude si ouvert, souriant et bienveillant est plutôt vachement fermé et préoccupé.

C'est bien. Ca lui fait les pieds.

Ok, j'y suis allé un peu fort à voir l'expression de Michonne. Mais si l'message est passé, c'est sans regret.

*pov Rick*

Les tomates, les fruits, la jambe, les grumeaux...

Drôle de journée.

Les tomates sont étonnamment mûres, le parfum des fruits embaumait la serre et maintenant tout l'habitacle de la Hyundai. Les enfants vont être contents et les adultes vont sans doute apprécier. On n'en est pas là au potager.

J'ai bien fait de ne pas faire demi tour.

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J'ai mis le lien en externe pour le site sur toutes les marques de voitures ! *ma référence à moi*

Imagine - * THE WALKING DEAD *Where stories live. Discover now