10- Parle!

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SORANE

Les gens autour de nous parlaient bruyamment dans la pizzeria. L'odeur de cuisson des ailes de poulet, derrière le comptoir, se fait sentir jusqu'à mon nez. Attablés, on mange avec passion ce qui se trouve dans nos assiettes. C'est-à-dire de la pizza et un reste de frites.

- Je crois que je sors avec Dimitri.

-Quoi?! C'est officiel ?! Demandai-je heureuse.

J'étais tellement surprise que j'avais lâché mes frites.

-Euh... Officiel ? Comment dire....

-Attends. Yohan, tu ne le sais pas en fait.

-Eh bien, on s'est embrassé ça compte, non ?

Je soupire désapprobateur en croisant des bras. Mais bon, qui suis-je pour le sermonner ? Je n'ai pas aimé quelqu'un depuis le primaire. Si Docteur Love existe, ce n'est clairement pas moi.

Soudainement, mon ami m'arrête en plein repas levant les mains en l'air.

-Sorane, je le sens

-Heu... Tu sens quoi au juste ? Le pet du mec à côté de nous ?

- Le souvenir de ses lèvres. Putain, il embrassait si bien. Ses lèvres étaient douces aussi... Il avait pris ma main. Oh ! Wow ! Soupire-t-il en regardant dans le vide. Je suis amoureux, Sorane.

Un peu plus, je crois que je voyais des cœurs dans ses yeux.

-Arrête. Tu commences à faire peur. Si tu en as tant envie, va le voir.

- Mais, imagine que tout ça, c'est juste un rêve. Genre, je me suis endormi et j'ai oublié le rencard. Ne bouge pas que je vois si tu te transformes en girafe.

-Yohan, tu te la joues cool et posé chaque jour, mais tu es en fait vraiment parano ! Il faut que tu ailles le voir et que vous mettez les choses au clair. C'est un devoir, ok ?

Je commence à sonner comme une certaine personne.

Il reçoit un texto de Dimitri et se met à crier de joie. Le mec au comptoir nous regarde super mal.

-Bon, je te laisse avec ta conversation entre amoureux.

Je me lève de ma chaise en finissant ma bouchée.

-Tu vas où ?

-À mon... Euh... Chez moi. J'ai un truc urgent à faire, je dis rapidement laissant de l'argent sur la table.

Mon ami me dit au revoir les yeux scotchés à son écran. Je sors du petit casse-croûte et observe mon ami à travers la vitre. Il est si concentré dans son téléphone. Il souriait.

Et je ne sais pas pourquoi j'ai un pincement au cœur.




Je rentre dans l'immeuble et trouve la salle habituelle. L'homme écrivait au tableau. Et comme d'habitude, il me reproche un truc. Être encore en retard.

-Il faut rester ponctuel, Sorane.

Et oui, j'avais des cours du soir avec Darris. Je ne l'ai toujours pas dit à Yohan. J'avais trop honte de lui parler de mes notes médiocres. Mais j'aurais bien aimé rester avec lui finir ma pizza. Argh. J'aurais dû sécher et faire semblant d'être malade.

À ma surprise, je trouve dans notre petit groupe d'étude, Adriel, assis sur le côté. Nos regards se croisent. Il me salue de la main et enlève son sac de la chaise à sa droite.

Je ne me fais pas prier.

-Quelle matière ? Lui demandais-je.

-Math, toi ?

-Science.

-C'est tout ?

-Quoi, avec mon caractère, tu croyais que je foirais dans toutes mes matière?

-Non. Non. Désolé. Ce n'est pas ce que je voulais dire.

Je le regarde se taire durant une bonne dizaine de minutes. Waouh. Ce type était quand même sacrément réservé. Quand on y pense, l'année passée, c'était Dimitri, Yohan et moi les grosses gueules du groupe.

Je me rappelle toujours la fois où on se jappait dessus sur quel sujet que nous allions présenter. Il y a eu ce moment aussi durant lequel on se demandait qui méritait d'être chef responsable.

J'étais volontaire. Yohan m'appuyait. Dimitri objectait et voulait tout contrôler.

Mais pas une seule fois, j'avais entendu la voix du roux. Sauf pour approuver la décision finale prise.

Peut-être aussi, je ne faisais juste pas attention à lui.




À 8 h, Darris nous laisse enfin tranquille. J'ai vraiment fait des efforts pour comprendre le cours. Ça va choquer quelques-uns, mais il y a un collège spécifique que je veux aller, mais il faut que j'aie une bonne moyenne.

Je regarde Adriel descendre les escaliers. Ce colosse avait l'air dans les nuages toute la soirée. Est-ce qu'il avait pris des notes au moins ?

J'avais une idée. Ce soir, je n'avais pas envie de rentrer à pied. Je cours vers lui.

-Hey, tu peux me faire une faveur. S'il-te-plaît? Je lui demande en mimant le volant d'un véhicule.

-Quoi ? Non. Je suis venue à pied.

Je l'arrête au milieu du chemin.

-Pardon ? Tu as une voiture, mais tu ne l'utilises même pas ! C'est une blague ?

-C'est à 10 minutes de chez moi et c'est... Ce n'est pas bon pour l'environnement.

-N'importe quoi. C'est Kenora qui te fait avaler tous ses salades?

Aussitôt, son visage s'assombrit. Il continue de marcher.
Oh. J'ai dit quelque chose de mal.

-Tu veux mon avis ? Ce n'est pas grave d'avoir été rejeté. Après, peut-être deux ou trois fois, on finit par trouver la bonne personne. Mais c'est bizarre. Aux dernières nouvelles, je croyais que vous étiez amis, non ? Donc...

-Sorane, tu peux me faire une faveur en me laissant rentrer chez moi ?

-Et toi, fais-moi une faveur et parle ! C'est chiant faire la conversation tout seul.

-Bon, tu veux que je parle ? Je vais parler ! J'arrive plus à dormir la nuit. Kenora veut plus être avec moi et je me sens seul. Je n'arrive plus à me concentrer en classe et je crois que je vais rater mon année. Et hier, j'ai failli faire un accident de voiture. TIENS. VOILÀ, POURQUOI J'AI PLUS ENVIE DE CONDUIRE, m'explique-t-il en levant le ton.

Waouh. Il ne faut pas trop l'énerver celui-là. Il s'assoit sur un banc près de nous. Il se frotte les yeux et soupire comme si ce qu'il venait de dire lui avait pris toute son énergie. Je me baisse à sa hauteur comme si j'allais parler à un enfant.

- Tu sais quoi ? Tu as raison, les voitures sont trop toxiques. Il pollue l'atmosphère, essayai-je de le rassurer. Toute manière, ils sont moches les voitures. J'ai toujours préféré les avions.

Déprimé, Ariel garde le silence. Je pose une main sur son épaule.

- Viens, petite sirène. Je te paie un verre.

y s u d aWhere stories live. Discover now