Chapitre 2 : Le jour du Jugement.

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Le jour du Jugement


Ma mère me rejoint dans ma chambre afin d'effectuer les dernières retouches sur ma robe. Puis je me rends dans la salle de bain afin de me « purifier ». Ce rituel qui précède le Jugement n'a rien d'obligatoire. Il est même carrément obsolète mais ma mère y tient beaucoup. Selon elle, c'est un rituel qui s'apprend de génération en génération dans notre famille. Il consiste à prendre un long bain, avec quelques goûtes d'huile essentielle de lavande, à la fin duquel il faut se laver énergiquement tout le corps et les cheveux qui doivent ensuite être coupés de deux centimètres pour montrer visuellement le passage à l'âge adulte. Ce rituel se faisait systématiquement il y a de cela cent ans mais a disparu petit à petit depuis. Je suis donc une des rares futures jeunes femmes à devoir passer toute ma soirée dans un bain beaucoup trop chaud à mon goût.

Heureusement pour moi, il est déjà tard et ma mère n'a pas trop la tête à cela. Elle pense à mon frère et au retour prochain de mon père de son travail dans les mines. Elle va devoir lui annoncer la traîtrise de son fils unique et mon père n'est pas un tendre, surtout lorsqu'il s'énerve. Mais pour le moment, elle se contente de me regarder fondre dans mon bain et me raconte son propre Jugement avec beaucoup de nostalgie.

- J'étais très nerveuse, m'explique-t-elle, mais très impatiente à la fois. Je portais une robe similaire à la tienne et ma mère m'avait accompagnée pour faire le rituel la veille. Lorsque je me suis présentée devant l'Assemblée, ils étaient tous très souriants et accueillants. Ils m'ont parlée de moi, de ce qu'ils avaient pu observer de moi et tout était exact. Ensuite, ils m'ont annoncée que j'allais me marier deux jours plus tard, avec ton père, et que j'étais autorisée à tomber enceinte immédiatement. J'étais ravie. Je rêvais d'avoir une grande famille. Ensuite, ils m'ont dit que j'allais travailler en tant que professeur des écoles car j'ai toujours été très douée à l'école. La vie qu'ils ont choisi pour moi me correspondait parfaitement. Je suis tombée folle amoureuse de ton père au premier regard et lui aussi. Je suis rapidement tombée enceinte, comme le voulait l'Assemblée. Votre grande sœur est née. Puis ensuite, vous êtes arrivés, deux enfants, des jumeaux et j'avais définitivement accompli mon rôle. Si je t'explique cela, c'est pour que tu comprennes que tu n'as pas à t'inquiéter. Ce n'est pas pour rien que les choses se font ainsi depuis des années. Cela marche très bien. Tu ne seras pas déçue ma fille, tu es parfaite, ils t'offriront une belle vie, malgré la traîtrise de ton frère ... »

Elle se lève sans me laisser le temps de lui répondre quoi que ce soit et quitte la salle de bain. Je devine qu'elle doit être en train de pleurer dans le couloir, comme à chaque fois qu'elle évoque ma grande sœur, morte il y a bientôt dix ans maintenant, dans un tragique accident. Elle revient quelques minutes plus tard et m'annonce que je peux sortir du bain. Elle m'aide à me laver le corps et les cheveux puis brosse ces derniers et les coupent de quelques centimètres. Je regarde mes mèches de cheveux blonds tomber sur le sol avec peine. J'aime tellement mes cheveux longs, j'aurai voulu ne jamais les couper. Mais ma mère a tellement insisté que je n'ai pas réussi à lui dire non.

Lorsque mon père rentre à plus de vingt heures, ma mère me laisse enfin tranquille. Je redoute la réaction de mon père, pourtant, j'accompagne tout de même ma mère jusqu'au salon. Mon père est déjà affalé dans le canapé et grogne sur sa longue et dure journée. Je ne peux m'empêcher de penser que ce n'est pas le moment de lui annoncer une telle nouvelle. Mais nous n'avons pas vraiment le choix. Nous ne pouvons pas lui cacher la disparition de Mickaël ! Finalement, je décide de prendre les devants. Je ne veux pas que ce soit ma mère qui se fasse crier dessus alors qu'elle n'est pas responsable de la fuite de mon frère et qu'elle n'a aucun moyen de fuir, elle. Moi, je vivrais sûrement ailleurs qu'ici à partir de demain et je ne verrais plus beaucoup mes parents. Ma mère elle, ne pourra jamais quitter cette maison.

La révolution de l'AngeDär berättelser lever. Upptäck nu