Chapitre 25 : Soliss

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La grande femme avançait avec facilité dans la forêt, distançant presque Sheireen et Léarco qui l'accompagnaient. Quelques hommes et femmes ouvraient la route bien plus avant.

Mbyja avait insisté pour que les Zaléniens la suivent quelque part. Aucun des trois compagnons n'avait compris où ni dans quel but, mais, pour ne pas créer de tension alors même que les Krigus ne semblaient pas vraiment encore leur faire confiance, ils avaient accepté.

Oma était restée au village auprès de Seth qui n'allait pas tarder à se réveiller.

Engoncés dans leurs protections de cuir, les deux Zaléniens suaient comme des bœufs et avaient du mal à se frayer un chemin dans cette jungle bien trop dense. Mais, ils ne se plaignaient pas, ne voulant pas froisser la chef.

Cette dernière semblait tendue, comme si quelque chose pouvait lui tomber dessus d'un moment à l'autre. Sheireen chuchotait donc à Léarco :

— Quelle sorte d'animaux vivent ici ? On n'en a pas croisé du tout.

— J'ai lu des livres parlant de grand félin. Nous n'en avons pas à Zalia, je pensais qu'ils se trouvaient en Wesiria, mais c'est peut-être ici leur habitat naturel. La flore semble adaptée.

L'elfe était toujours étonné des connaissances du blond, cela lui rappelait qu'il avait vécu dans un palais, surement rempli de livres, de tableaux et de sculptures plus incroyables les uns que les autres.

— Penses-tu que c'est de ça que Mbyja a peur ?

— Je ne sais pas.

Le silence se réinstalla quelques instants avant qu'il ne reprenne la parole :

— Cette jungle à l'air immense, peut-être qu'il y a d'autres villages.

— Ils seraient en guerre entre eux ?

— Peut-être pas en guerre à proprement parler. Je pensais plutôt à une sorte de rivalité de territoire. Chacun ayant le sien et veillant à ce que personne n'outrepasse ses frontières.

Cela paraissait possible aux yeux de Sheireen. Les humains, les elfes, ils étaient tous pareils et les Krigus ne semblaient pas déroger à cette règle.

Le silence s'installa pour de bon et derrière le bruit de leur pas étouffé, les Zaléniens se mirent à entendre les cris des animaux qu'ils ne voyaient pas. Prouvant bien que cette jungle était bien habitée par une faune sauvage. Pourtant, ils n'en rencontrèrent pas et arrivèrent sans encombre au coucher du soleil dans une grande clairière.

En son centre trônait une sorte de temple immense en forme de pyramide. Il était composé de blocs de pierre si gros que Sheireen se demanda immédiatement comment les Krigus avaient pu construire ça.

Mbyja les conduisit jusqu'au pied d'un escalier qui grimpait jusqu'au sommet. Les soldats s'étaient répartis dans la clairière, comme près à défendre leur position. La femme fit signe aux deux jeunes gens de la suivre alors qu'elle commençait l'ascension.

Sheireen lança un regard à Léarco avant de s'engager derrière la Krigus. Elle n'y lut que de la curiosité, aucune trace de peur alors même qu'elle se sentait presque en danger. Qu'allait-il se passer en haut ? Et s'ils n'étaient là que pour être sacrifié à un dieu primitif ?

L'elfe gravit tout de même l'immense escalier.

En haut, la vue était magnifique. Ils pouvaient voir au-dessus de la canopée qui s'étendait à perte de vue vers le sud. Derrière eux, d'où ils venaient, cette dernière se heurtait à la grande chaine de montagnes. À l'ouest, on pouvait deviner un océan et à l'est, la jungle s'arrêtait net, mais impossible de voir ce qui lui faisait obstacle.

Le plateau qui formait le sommet de la pyramide ne comportait qu'un seul élément en son centre, une sorte de mur en pierre orienté pour recevoir la lumière du sud, Mbyja leur fit faire le tour pour se retrouver face à lui.

Dessus avait été gravé en bas-relief une femme à taille réelle, munie d'un arc et de flèches, ses cheveux auréolaient sa tête aux traits fins. Mais ce qui était le plus impressionnant, c'étaient ses yeux. Deux pierres précieuses violettes avaient été incrustées dans la pierre pour les représenter.

Mbyja se mit à parler, récitant quelque chose d'incompréhensible pour les Zaléniens. Et alors, l'air frémit et miroita, doucement, une femme apparaissait. Elle avait la même couleur de peau que Mbyja, plus claire que celle de Sheireen, mais plus foncée que celle de Léarco. Ses cheveux, aussi noirs que la nuit, flottèrent quelques instants autour de sa tête avant de retomber sur ses épaules lorsque ses pieds nus touchèrent le sol.

Ses yeux violets fixèrent immédiatement les deux étrangers que la Krigus obligea à s'incliner avec elle.

— Relevez-vous, disait sa voix douce.

Ils s'exécutèrent d'un seul mouvement. Même Mbyja qui pourtant ne pouvait pas avoir entendu l'ordre.

« Que me vaut le plaisir de ta visite, Mbyja ? » demandait-elle « Et qui sont ses jeunes gens ? »

Ses lèvres ne bougeaient pas, alors Sheireen comprit qu'elle leur parlait dans leur esprit pour ne pas handicaper la Krigus. Cette dernière semblait rompue à l'exercice et lui répondait avec ce ton si caractéristique, mais maintenant compréhensible pour les Zaléniens :

— Nous les avons découverts sur notre territoire. Ils viennent de l'autre côté des montagnes.

Elle fit une pause, cherchant ses mots.

— Celle-là, disait-elle en montrant Sheireen. Son aura est étrange et elle peut disparaitre et réapparaitre ailleurs. Nous avons besoin de votre expertise, Soliss. Sont-ils dangereux ? Est-elle dangereuse ?

Léarco lança un regard à Sheireen qui lui fit un signe de tête. Elle aussi avait reconnu le nom. Soliss, déesse de la chasse, des étendues sauvages et des animaux. Pourtant, elle ne ressemblait pas vraiment aux représentations qu'on pouvait trouver à Zalia. Habituellement, on la retrouvait blonde à la peau diaphane, toujours accompagné de son oiseau de proie et de son arc. Seuls ses yeux restaient les mêmes.

« Je ne m'encombre pas toujours de mon arme et ces représentations ne sont que des représentations. » intervenait la déesse dans son esprit. « Rien ne vaut la réalité. »

Sheireen croisa son regard si similaire au sien. Elle ne lui avait parlé qu'à elle.

« Ils ne sont pas dangereux, Mbyja. Je peux te l'attester. Ils se sont perdus et devraient reprendre leur route le plus rapidement possible. »

— Très bien. Nous les ramènerons où nous les avons trouvés.

« Merci, Mbyja. Tu as eu raison de venir me voir. »

Son regard ne lâchait plus l'elfe.

« Je crois qu'ils ont un destin tout tracé et ce dernier n'attend pas. »

La Krigus fronça les sourcils, tournant la tête vers Sheireen.

— Cela a-t-il à voir avec son aura ?

« Oui. Mais il est encore trop tôt pour savoir où cela les mènera à la fin. Maintenant, filez. La nuit tombe. »

Alors qu'elle disparaissait, une dernière phrase s'imprima dans l'esprit de l'elfe aux cheveux bleus :

« À bientôt, aura noire. »

Sharaka - Tome 1 : ZaléniaWhere stories live. Discover now