Chapitre 26

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Je suis complètement paralysée, alors que l'animal, jusqu'alors immobile, s'avance à présent à petits pas vers moi. Le calme de sa démarche détone clairement avec la prestance agressive qui émane de lui. Jusqu'ici je n'avais jamais réellement aperçu de loups, je ressentais parfois leur présence ou voyais leurs yeux rouge menaçants tapis dans l'ombre sans pour autant les voir physiquement. Maintenant, voir en poils et en os cet animal est d'autant plus effrayant.

Je suis couverte de sang. Je pourrais attirer tous les fauves du Pays Imaginaire à cet instant, je suis le parfait appât. Thomas quant à lui, toujours posté derrière moi, fixe l'animal d'un air sévère, sans pour autant broncher. C'est comme s'il se retrouvait face à son pire ennemi.

— T... Tho... Thomas ?

En reportant mon attention sur le loup, la distance s'est clairement réduite entre nous. Son air carnassier ne me quitte pas, et lorsque Thomas tente d'avancer vers moi, la bête grogne les crocs découverts, avant de l'agresser d'un aboiement féroce – le faisant reculer d'un pas, la mâchoire contractée, fortement agacé. 

Quoi ? Compte-t-il me laisser simplement là, à la merci de cet animal sauvage ? Ne peut-il rien faire ?

Là, à quelques centimètres de mon visage – alors que ma position à quatre pattes commence à me faire souffrir sur ce sol granuleux, le loup s'arrête pour me dévisager. Mon cœur menace de m'abandonner d'une seconde à l'autre, j'ai du mal à contenir les tremblements qui rongent chacun de mes membres tandis que l'air peine à parvenir dans mes poumons. Combien de secondes se sont écoulées depuis le début de cet échange silencieux de regards, je ne peux le dire. Cependant, une chose m'intrigue, pourquoi ne m'a-t-il toujours pas attaqué ? 

Soudain, une vive lueur dans son regard jaune éclate et me procure un étrange sentiment d'apaisement. Qu'est-ce ? Un mouvement de recul me surprend jusqu'à retomber sur les fesses, lorsque son museau se fronce pour me montrer les crocs. Est-ce ma fin ? Je le pense fortement, jusqu'à le voir s'allonger à mes côtés pour poser sa tête sur ma cuisse ensanglantée. Suis-je en plein rêve ?

Il est si calme qu'on pourrait le prendre pour un animal domestique. Après tout il ressemble à un chien... Je serais même tenté de lui caresser la tête. Contre toute attente je ne me sens pas en danger en cet instant, comment est-ce possible ?

— Keira... Ne bouge pas, me conseille Thomas en déviant lentement vers ma droite.

— Je ne pourrais pas bouger même si je le voulais... Que vas-tu faire ?

Alors qu'il tente de se rapprocher d'un buisson peu fournit à quelques mètres de nous, quatre nouveaux loups sortent des bois – deux de part et d'autre de moi – coupant sur le coup ma respiration. Les quatre fauves avancent vers lui en le menaçant de leurs crocs et grognements, formant comme un rempart entre lui et moi. Il renonce à son action pour reculer, totalement impuissant.

— Que se passe-t-il ? Pourquoi font-ils ça ?

— C'est Peter.

À l'entente de son nom, mon cœur semble se remettre à battre, décuplant ses battements, comme pour me signaler que je ne pourrai jamais me débarrasser de l'aura du maître de cette île, qu'il aura toujours un pouvoir sur moi où qu'il soit. Et je hais cette sensation autant qu'elle me perturbe.

Le loup, toujours posé contre ma cuisse, relève la tête pour lui aussi observer la scène. J'avais presque oublié sa présence avec l'arrivée des quatre autres.

L'Ombre de Peter (Pause / Réécriture)Donde viven las historias. Descúbrelo ahora