Déclaration

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Yuzu

Je savais qu'avec de l'entraînement je pouvais acquérir ce quad, la question était : est-ce que Brian allait accepter ?

-Bonjour !, lança Javi en entrant en coup de vent dans les vestiaires (comme souvent quand il était en retard).

-Salut Javi, marmonnai-je distraitement en prenant une gorgée de ma bouteille pendant que les quelques autres patineurs lui rendaient son salut.

-Yuzu ! J'ai quelque chose à te demander, c'est très important ! Comment je fais pour dire que je suis amoureux en japonais ?

Je m'étranglai en toussant, renversant de l'eau partout. Qu'est-ce qu'il me sortait aussi tôt le matin ?!

-Quoi ?!, croassai-je en le regardant et en essayant de ne pas m'étouffer.

-Ça va aller, ça va aller, marmonna-t-il en me tapant le dos pour faire passer la toux. J'ai rencontré quelqu'un au Japon et comme on accroche bien, j'aimerais lui faire une déclaration.

-Commence par ça la prochaine fois !, grondai-je en toussant une dernière fois.

-Pourquoi ? Tu as eu peur ?, rit-il.

-Est-ce que moi j'arrive en demandant comment on dit «je t'aime» en espagnol ? Non.

-Je suis le seul espagnol que tu connaisses Yuzu, alors que je suis souvent au Japon...

-Mais oui, mais oui...

-Donc ? Comment on fait ?, demanda-t-il avec impatience.

-Ça va être long, je dirai après entraînement. Je la connais ?

-Sûrement ; c'est Miki Ando.

-Oh...

Je ne la connaissais pas si bien mais on avait déjà discuté et je la respectais en tant que patineuse. Championne du monde deux fois, trois fois championne nationale, et surtout la première femme à avoir atterri un quad en compétition.

-Miki san est gentille, douée, acquiesçai-je simplement.

-Tu ne peux pas me donner une simple formulation ?, bouda-t-il.

-Il n'y a pas «simple formulation», Javi. Tu dois faire ça bien, si tu veux juste traduction va chercher sur internet, le grondai-je sévèrement. Et en retard pour l'entraînement, pas le temps.

Il grommela un peu mais s'assit pour se préparer quand même. De mon côté il fallait que j'aille convaincre mon coach de me laisser sauter un quad...

~~~~~~

-Alors ?

Javi me sauta dessus avant même que je n'ai enlevé mes patins. Je secouai la tête en soupirant : si un jour on m'avait dit que Javi me demanderait des conseils pour sortir avec quelqu'un...

-Amis depuis combien de temps ?, demandai-je.

-Plusieurs mois...

-Mmh... Comment elle t'appelle ?

-Hein ?

-Javi kun ? San ?

-Javi tout court, elle parle anglais tu sais ?

-Mais pourquoi demander en japonais alors ?, demandai-je avec confusion.

-C'est plus romantique, répondit-il avec un haussement d'épaules.

Évidemment...

-Tu compliques beaucoup, reniflai-je. Anglais bien plus facile : tu dis «je t'aime», point. En japonais pas comme ça...

-On ne dit pas je t'aime en japonais ?, rit-il.

-Surtout pas ! Même couple on ne dit pas ! Mots en japonais sont très forts, on ne dit pas je t'aime comme ça !

Heureusement qu'il n'était pas allé chercher sur internet finalement : je ne sais pas sur quoi il aurait pu tomber...

-Mais si je l'aime pourquoi je ne peux pas le dire ?

-Tu dois dire différemment, faire... choses pour qu'elle comprenne quand tu parles...

-Des sous entendus ?

-Oui, sous entendus ! Tu peux emmener dans sortie ou restaurant, dire compliments, dire que plaire mais pas «je t'aime». Surtout pas si premier rendez-vous, ça ferait comme... comme.. demander mariage à inconnu. Gênant. Il faut dire : «j'ai de l'affection pour toi».

-Sérieusement ? C'est tellement bizarre, soupira-t-il.

-Pas bizarre ! Normal ! Sentiment très important, me révoltai-je. Ici on dit je t'aime à petite amie mais on dit je t'aime à chocolat et c'est pareil ! Ça : bizarre ! On dit «je t'aime» à tout, on ne fait pas attention et ça ne veut plus rien dire ! Pas bien ! Devrait faire attention au poids des mots.

-Tu as raison, sourit-il. Je suis désolé, je ne me moquais pas : c'est juste tellement différent de chez moi...

-Je sais que tu ne moques pas, grommelai-je. Mais énervant en anglais, avoir signification pas importante, je n'aime pas...

-Tu as fait des progrès, me consola-t-il.

-Menteur.

-Petits progrès.

-Merci Javi, souris-je en secouant la tête. Et tu dois savoir : au Japon on ne flirte pas sans alcool.

-Je croyais que vous ne le supportiez pas bien...

-Alcool léger, et puis femmes boivent assez beaucoup. Pour déclaration finale, il faut faire très officiel : "Aishitemasu" pour dire je t'aime et faire attention à météo.

-La météo ?...

-Et la saison. Il faut que beau jour et belle saison pour faire déclaration : c'est préparé. Et pas rencontrer famille avant de connaître très sérieux, sinon pas très bien vu.

-Tu sais que je ne la demande pas en mariage là, grimaça-t-il.

-C'est comme ça Javi... Mais je pense que tu devrais faire comme tu penses, Miki san ne veut peut-être pas déclaration comme japonais : tu es espagnol.

-Oui, je pense que je vais pencher sur quelque chose de plus occidental finalement. Et peut-être que je vais apprendre un peu de japonais, ça sera amusant de parler dans ta langue...

-Tu ne sais pas dire mon nom correctement.

-Bien sûr que si !, protesta-t-il.

-Non : tu dis Yusu au lieu de Yuzu. Mais pas grave, j'aime bien...

-Ce n'est pas comme si tu faisais mieux avec le mien, marmonna-t-il.

-Habi !, ris-je sans aucun effort de prononciation.

-Tu sais que je considère ça comme un deuxième surnom, sourit-il avec amusement. Tout le monde m'appelle Javi mais tu es le seul à m'appeler Jabi...

-Personne ne m'appelle Yusu à part toi. Quand j'entends appeler je sais que c'est toi...

-Peut-être parce que personne d'autre ne te crie après dans les couloirs aussi ?

-Ça aussi, concédai-je. Mais j'aime bien avoir surnom, c'est amusant.

{Notes : Les infos sont vraies, même si ça peut nous paraître étrange. Au Japon, deux jeunes qui sortent ensemble s'appelleront d'ailleurs par leurs noms de famille et pour accepter de se mettre en couple... ils se serrent la main. Ce n'est pas une blague...}

Étreinte (V2)Donde viven las historias. Descúbrelo ahora