GPF 2015

987 56 4
                                    

Yuzu

J'étais sur un petit nuage de joie depuis la fin de la compétition et j'espérais que ça dure : être heureux était bon pour la santé.
La raison de ma bonne humeur était évidemment ma victoire, mais aussi pleins de petites choses qui venaient s'y additionner : des records, s'amuser avec Shoma au gala, le fait qu'une compétition aussi importante que le GPF soit tenue en Espagne, que Javi n'ait absolument pas mal prit sa deuxième place, et ait même accepté de faire un duel de quads avec moi à la fin du gala (j'avais peut-être été un peu trop excité à ce moment là mais je ne pense pas que les caméras officielles aient été encore allumées donc...).

C'était aussi la première fois que je voyais Javi aussi timide, c'était adorable, ça m'avait donné envie de le pousser sur le devant de la scène encore plus que d'habitude pour que tout le monde le voit, parce que les espagnols ne savaient pas la chance qu'ils avaient d'avoir Javi comme champion national... Pendant que tous les patineurs saluaient la foule, je l'avais vu hésiter avant de nous imiter, il était resté caché au milieu de tout le monde (jusqu'à ce que je le pousse littéralement hors du tas), et quand le reste des patineurs sortirent finalement de la glace je dus presque le menacer pour qu'il fasse un petit tour de la piste en solitaire, histoire de saluer encore une fois son pays qui n'avait pas l'habitude de l'avoir à la maison. D'après les cris enthousiastes qui retentirent dans la patinoire, l'initiative était la bienvenue.
Je ne pus m'empêcher de le regarder revenir avec un sourire attendri quand il dût ramasser plusieurs bouquets de fleurs au passage. Il y a quelques années jamais une telle scène n'aurait pu exister, jamais l'Espagne n'aurait accueilli un quelconque événement de patinage, jamais un espagnol n'aurait fait un podium au GPF au milieu d'une patinoire (bâtiment rare par ici) pleine à craquer où les gens lui lançaient des fleurs... Je n'étais pas sûr que Javi se rende vraiment compte de ce qu'il avait accompli et de ce qu'il accomplirait sans aucun doute dans le futur, et je me demandais s'il me laisserait être à ses côtés jusqu'au bout...

Quand il passa le rideau des coulisses et que je le vis rougir, je ne pus m'empêcher de l'enlacer en riant. Il me rendit l'étreinte en enfouissant sa tête dans mon épaule pour y cacher son visage.

-C'était tellement embarrassant, gémit-il en s'appuyant sur moi et en poursuivant ses marmonnements en espagnol.

-Jabi, tu ne peux pas partir comme ça sans saluer : tu es chez toi, montre toi !, souris-je en lui tapotant le dos.

-Pourquoi tu m'as laissé tout seul ? J'avais déjà salué... Mon dieu, je ne ferai plus jamais ça...

-Si, tu le feras. La prochaine fois qu'on revient ici, prévins-je alors qu'il se relevait.

J'en ferais une affaire personnelle : il ne s'en tirerait pas aussi facilement.

-Tu crois qu'il y aura une autre compétition ici ?, demanda-t-il avec un sourire plein d'espoir.

Il rayonnait à cette idée et je me demandai qui pourrait le lui refuser, en le voyant ainsi...

-Évidemment, soufflai-je.

À ce moment-là, pendant une fraction de seconde, je me demandai s'il n'aurait pas été encore plus beau avec une médaille d'or autour du cou, qu'il l'aurait mérité. Cette pensée me figea, parce que je n'avais pensé ce genre de chose : vouloir qu'un adversaire gagne... J'aimais la victoire, je vivais pour ça, et évidemment je ne voulais perdre contre personne, même pas contre Javi... Mais même si aujourd'hui il se satisfaisait de sa médaille d'argent, je savais qu'il aurait préféré l'or et qu'il en aurait été plus heureux. Pendant un dangereux instant, l'importance entre ma propre carrière et le bonheur de mon partenaire d'entraînement se renversa, me laissant choqué.

Étreinte (V2)Where stories live. Discover now