Chapitre 24

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Je descends à la cuisine en début d'après-midi. Ce matin j'ai juste eu à regarder la vidéo qu'Apolline m'avait faite pour me détendre. Imani et Hanna me tiennent compagnie pendant que j'attends mon ami. Je leur raconte la soirée, et elles se réjouissent de mes victoires.

– Tu es une vraie adolescente maintenant !

Je ris. Je leur suis reconnaissante de ne pas me laisser seule. J'ai quelques inquiétudes encore, et elles pourraient vite refaire surface. Je salue mes tantes dès que j'entends mon amie arriver. Je claque la porte de la cuisine derrière moi et dévale les escaliers pour rejoindre Apolline. Nous nous étreignons.

– Je suis contente de te voir ! s'exclame-t-elle.

– Moi aussi !

D'un regard elle efface mes peurs les plus tenaces. Nous nous mettons en route. Des nuages aux formes florales nous surplombent. Une lumière printanière caresse le chemin, filtrant à travers les feuillages comme de fins cheveux dorés. Nous profitons de la chaleur plus douce que d'habitude. Peut-être pleuvra-t-il dans quelques jours.

– Comment vas-tu ? me demande Apolline.

– Je suis un peu angoissée forcément. Mais je réussis à gérer. J'essaie de ne pas penser que j'ai été insupportable. J'espère vraiment que je ne l'ai pas été. Je suis désolée si...

– Mes amis étaient vraiment heureux de te rencontrer, m'interrompt-elle. Je leur ai parlé ce matin, et ils t'ont trouvé très gentille. Ils ont adoré discuter avec toi, passer du temps avec toi. Ils ont passé une bonne soirée !

– Vraiment ?

– Vraiment.

Je pousse un soupir de soulagement. À nouveau je réussis à chasser mes inquiétudes.

– Alors je vais bien. Je vais juste être un peu plus nerveuse que d'habitude pendant quelques jours mais ça va vite s'estomper.

Apolline me promet qu'elle me rappellera autant de fois que nécessaire que la soirée d'hier s'est bien passée et que j'ai été incroyablement forte. Elle achève de me rassurer.

– Tu vas bien toi ?

– Oui ! Mon père ne s'est rendu compte de rien. Et il a accepté que je sorte aujourd'hui, je devrai juste ne pas rentrer trop tard.

Elle reprend ensuite, aussi enthousiaste que si nous partions à l'aventure :

– Et maintenant : où veux-tu aller ?

Je réfléchis un instant puis me fends d'un sourire.

– Là où tu m'avais emmenée la deuxième fois qu'on s'était vues, dans les chemins au bord de la Loire, où c'est moins sauvage.

J'ai besoin de familiarité aujourd'hui. Nous quittons l'île et plus tard, nous traversons le pont. Apolline bondit comme à son habitude sur le muret où fanent des coquelicots. Elle lance :

– J'aime bien qu'on inverse les rôles aujourd'hui, que ça soit toi qui me guides.

– Tu n'as pas peur que je te perde ? plaisanté-je.

Elle rétorque qu'elle me fait confiance. Elle saisit sa natte, en dénoue le ruban et la défait peu à peu. Le vent achève de libérer ses cheveux. Elle clôt ses paupières et inspire. Elle est sereine, et moi aussi. C'est une belle après-midi. Nous n'errons pas si longtemps le long des bords de Loire, car je me rappelle assez bien la route à emprunter. Apolline s'amuse de me voir hésiter à certains embranchements, et quand c'est nécessaire m'aide en m'indiquant discrètement quel chemin choisir. Ça nous fait rire. Elle m'assure qu'à force de nous balader ici, j'apprendrai. J'aime quand elle me parle de ses premières promenades à Montjean, et je la questionne encore. Nous arrivons vite à destination. Nous longeons alors la Loire de loin, en nous promenant sur de grands et plats chemins jaunes. Ils s'écartent parfois de la rive et nous entraînent dans des bosquets fournis. Le soleil perle à travers les feuillages. De grands nuages tachent le ciel au-dessus de nous. Apolline me distrait de toutes les peurs que je pourrais avoir au lendemain d'une soirée. Je pense à de plus jolies choses en discutant avec elle. Nous parlons longuement de notre film. Il ne nous manque que les plans à tourner de nuit et au crépuscule. Nous songeons également à ajouter plus d'extraits où nous sommes visibles. En y réfléchissant, en en discutant, nous parvenons à la conclusion que nous voulons montrer à quel point nous sommes liées à ce lieu. Apolline se rappelle soudain :

Fleuve roseOnde histórias criam vida. Descubra agora