7/ June (1)

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June

— J'ai pas le temps pour ces conneries Ash, je dois répéter la chanson avant d'aller à ce foutu repas.

— June, tu as besoin d'une sortie détente, magasins, un truc entre filles quoi !

— Dans un centre commercial où tout le monde aura loisir de me reconnaître ?

— Allerrr ! On va demander un salon privé !

— T'es pire qu'une gamine !

Je sais bien qu'Ashley fait des efforts pour me changer les idées. Elle pense que chaque moment calme annonce les prémices d'une tempête imprévisible. Alors elle occupe ce temps que je n'ai pas, parce qu'elle a peur, et je n'ose pas le lui refuser. Je soupire et abdique. Pour lui faire plaisir. Un sourire éclatant illumine son visage alors que je me prépare à sortir. Ce soir je dîne avec Brody : Hank a tout prévu, nous ferons la une des magazines demain. Puis nous annoncerons notre collaboration sans autre explication. C'est l'inconnue, pour moi, cet album. Je sens le potentiel dans l'auteur compositeur, mais je crains d'être à contre-courant, que les fans ne me suivent pas...

Après plus d'une heure à errer entre les rayons, j'ai les pieds en compote. Je m'assois sur un banc du centre commercial où je regarde Ash s'affairer autour de moi. Je crois que je préférerais qu'on m'enferme toute une nuit dans un placard avec une famille de rats, plutôt que de passer ma soirée en tête à tête avec Brody. Qu'est-ce qu'on va bien pouvoir se raconter ? Je vois mon amie babiller, mais j'écoute à peine. Je me suis laissé convaincre d'acheter une robe. Dans l'idée, il me faut un truc à la fois classe et simple. Mais pour sortir en public. Pas réellement pour Brody, même si techniquement ça revient un peu au même... Je laisse mon regard s'échapper partout, sauf à l'endroit où Ashley déambule, à la recherche de l'ultime robe qui pourrait me convenir. Un bébé hurle dans les bras de son père, un groupe d'amis discute autour d'un café en face de la boutique, un couple d'amoureux s'enlace comme s'il était seul au monde. Pour la énième fois de la journée, je fixe l'écran de mon portable, et relis le texto de ma mère. Elle se remarie dans deux mois, et tient à ce que je sois près d'elle. Comme si on était proche ! On ne s'est vu que deux fois ces quatre dernières années.

Je fronce les sourcils en découvrant Ashley à la porte du magasin : un sourire aux lèvres – et ce n'est jamais bon signe – elle se dirige vers moi d'un pas cadencé, les bras chargés d'au moins trois robes. Je soupire : le calvaire continue... Je referme le portable et attrape les vêtements sans aucun entrain, avant d'entrer dans la boutique de luxe et de me faufiler dans la cabine d'essayage du salon privé. À vrai dire, je me sens un peu nerveuse. C'est une chose de jouer dans un studio, de collaborer, c'en est une autre de feindre une fausse histoire d'amour dans la vie de tous les jours. J'enfile une robe pour la quinzième fois, puis sors de la cabine avec un haussement d'épaules. Un doigt sur le menton, Ashley semble être en phase d'intense concentration. Elle prend son rôle très au sérieux, beaucoup trop à mon goût. Je vois bien que toute cette histoire l'amuse beaucoup.

— Ash, tu sais que ce n'est pas réel hein, rassure-moi. Tu sais que je ne sors pas VRAIMENT avec lui ?

— Ohh tu as besoin de distraction ! Et puis c'est le principe des aimants : attraction/répulsion. De là naissent les plus belles histoires d'amour ! me dit-elle le plus sérieusement du monde, avant d'éclater de rire devant ma mine accablée. C'est juste un dîner, il ne va pas te sauter dessus en pleine rue ou te demander en mariage !

Je retourne dans la cabine et ôte la robe qui ne m'a pas du tout convaincue. Mais je l'entends chuchoter bien trop haut :

— N'empêche que la tension sexuelle, elle est bien là !

Je lui balance à la figure la robe tapageuse ultra courte – que je ne compte même pas essayer – puis enfile la suivante. J'ai beau ronchonner, cet après midi tombe à pic ! J'avais besoin de cet interlude pour mettre entre parenthèses le naufrage de ma vie.

Prise dans mes réflexions, j'ai enfilé la dernière robe de façon machinale. Je me redresse et dévisage la femme dans le miroir. Ma main se pose sur le reflet, en fait le tour du bout des doigts. Je peine à me reconnaître, j'ai vingt et un ans, mais d'un seul coup, mon visage enfantin s'est enfui et la femme sensuelle qui me fait face m'intimide. En tant que chanteuse, j'ai l'habitude de m'habiller outrageusement sexy, mais presque comme une ado. Là, dans cette robe, je parais sexy, mais adulte... Alors je lâche un profond soupir, et me hisse hors de la cabine.

— Robe numéro 16 !

Et je plaisante à peine ! Ashley et moi n'avons pas du tout les mêmes goûts vestimentaires, mais ce soir, j'ai tout sauf l'envie de paraître racoleuse ou trop sexy.

Je croise le regard de mon amie, qui ne fait aucun commentaire. OK. Moi, je trouve que ce n'est pas trop mal. La robe est noire, et le noir me sied à merveille. Elle remonte jusqu'en haut de mon cou avant de l'encercler, une fente se dessine jusqu'au creux de mes seins sans trop en divulguer. Dos nu, elle est cintrée, juste parfait pour accentuer ma taille de guêpe et gommer mes hanches. Quant au tissu, il est fait d'un mélange de satin et de dentelles, très agréable sur la peau.

— Un peu longue, non ? me demande Ashley.

— Elle est parfaite !

La robe descend jusqu'à mes genoux, ce qui me rend sexy sans me faire paraître provocante.

— Oui c'est pas mal, admet mon amie.

— Adjugé vendu ! Bon, et sinon, tu comptes débouler chez Brody pour lui choisir une tenue à lui aussi ?

Son sourire mélancolique me surprend. Elle s'approche et me prend gauchement dans ses bras au beau milieu du magasin.

— Ça fait du bien de sortir un peu et te voir râler, souffle-t-elle dans mon cou.

Je resserre mes mains autour de sa taille et murmure dans ses cheveux :

— Cesse de t'inquiéter, tout va bien.

Cet élan d'optimiste fait écho dans ma poitrine, à tel point que j'y croirais presque...

De retour à la maison, je me frotte les mains contre mon jean pour tenter d'évacuer le stress, sans succès. Je prends une douche rapide puis j'enfile la robe, mais déambule pieds nus et pas encore maquillée. Je vais être en retard c'est certain, mais après tout, je n'ai pas de compte à rendre à Brody. J'esquisse un sourire en songeant que j'aurais pu faire un effort, mais que non, je n'en ai aucune envie. Je m'installe sur le fauteuil devant le bureau et saisis un crayon. Je contemple la feuille vierge d'un œil morne, puis repose le stylo. Je ne sais pas si j'arriverai un jour à coucher à nouveau les mots, les émotions sur le papier... J'ai conscience que ce serait salutaire, mais j'en suis incapable.

Je finis par me relever et rejoindre la salle de bain où je me poste, un peu voutée, devant le miroir. Je lisse négligemment mes cheveux et arrange ma frange avant de les remonter en un chignon ample. Puis je fixe la chanteuse face à moi. Elle aussi me contemple, de ses grands yeux tristes qui donneront l'illusion d'ici quelques heures.

— 18 h 55 June ! hurle Ashley depuis le salon.

Mais je suis toujours planquée dans la salle de bain, les yeux rivés à mon reflet. Peut-être ma robe bleue serait-elle plus appropriée, la noire me paraît désormais trop classe... Je fais la moue, applique consciencieusement le blush et l'anticerne, en gros, je me pomponne comme pour un vrai rendez-vous et ça m'angoisse. C'est alors que la sonnerie retentit. Pile à l'heure ! Brody est aussi ponctuel que je suis immanquablement en retard, encore un point de désaccord ! C'est tellement ennuyeux d'être à l'heure !

— Juuuuuune !!!!

— Je sais, j'ai entendu.

***

Hello !

Je vous souhaite une belle rentrée à tous, quoi de mieux qu'un nouveau chapitre ? ^^

Pour ma part, mon bébé est entrée à la maternelle ce matin. Bonjour le coup de vieux...

Bisous !

Inflamed (Sous Contrat Chez Addictives)حيث تعيش القصص. اكتشف الآن