Enfant de choeur

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Harry était chez lui - comme toujours puisqu'il ne sortait plus vraiment de sa retraite désormais - lorsque quelqu'un frappa à la porte.

Le jeune homme ne réagit pas immédiatement, parce que personne ne savait où il vivait. Puis, il se redressa brusquement, sourcils froncés.

Il pensa tout de suite qu'il s'agissait de Severus Rogue et il se leva brusquement, inquiet.

Lorsqu'ils sortaient de leur routine habituelle, plus exactement lorsque Severus venait le voir, alors il y avait quelque chose qui n'allait pas. Immanquablement.

Leur relation était cordiale, mais ils ne partageaient pas suffisamment pour se rendre visite à l'improviste, juste pour le plaisir.

Avec un grognement, Harry ouvrit brusquement la porte avant de se figer, stupéfait.

Sur le pas de sa porte se tenait Drago Malefoy.

Les deux garçons se dévisagèrent en silence, sans bouger.

Harry nota que Drago avait maigri. Les hématomes qu'il avait eu le jour de son procès avaient disparu, mais il arborait des cernes violacés.

Le Serpentard avait le même visage, il n'avait pas eu le temps de changer en si peu de temps après tout. Et pourtant... il avait perdu cette attitude arrogante qu'il avait eue toute leur scolarité. Ses traits s'étaient un peu adoucis peut-être.

Ce qui était le plus étonnant était probablement ses vêtements. Malefoy était étrangement vêtu d'un jean et d'un tee-shirt, bien loin de ses costumes habituels, ou des robes sorcières chic qu'il arborait parfois. Il aurait pu se promener dans le monde moldu sans attirer la moindre attention...

Drago lui rendait son regard d'un air impassible, attendant la fin de l'inspection. A une époque, son silence et sa surprise aurait appelé une pique moqueuse. Une remarque désobligeante.

Plus qu'une moquerie, le silence de Drago Malefoy le déstabilisa.

Sans un mot, Harry se décala de devant la porte et lui fit un signe de tête pour l'inviter à entrer.

Face à Harry Potter, Drago Malefoy le détailla, attendant que le Gryffondor ne réagisse. Severus lui avait dit que le jeune homme n'était pas si détestable et qu'il ne le repousserait pas. Son parrain lui avait longuement fait la leçon, lui recommandant de se montrer calme et poli.

Face à ça, Drago s'était senti humilié et en colère.

En colère parce qu'une fois de plus, Harry Potter était porté aux nues, et tout le monde devait courber l'échine devant lui. Le fait même qu'Harry l'ait sauvé d'Azkaban alimentait cette colère, puisqu'il devrait se montrer reconnaissant, là où autrefois il se serait moqué en ricanant.

Humilié parce que malgré les épreuves qu'il avait du traverser - la dernière en date étant son séjour pénible à Azkaban - il était encore considéré comme un gosse immature incapable de se tenir. Il avait reçu une éducation parfaite, digne d'un aristocrate sang-pur. Pourtant, il recevait toujours des mises en garde, que ce soit venant de sa mère ou de son parrain.

Se souvenant soudain des raisons de sa présence, le jeune homme soupira et ferma les yeux un moment en se frottant les yeux d'un air las. Ne sachant pas quoi dire, il sortit une lettre de sa poche et la tendit à Harry.

Harry attrapa le morceau de papier et fronça les sourcils, un peu inquiet du mutisme de son vis à vis. Il reconnut aussitôt l'écriture de son professeur de potions, et un vague malaise se déploya au creux de sa poitrine, comme s'il suspectait qu'il n'allait pas aimer ce qu'il allait apprendre.

La façon d'être de Malefoy - trop silencieux, trop calme - le rendait nerveux, parce que le Serpentard n'avait jamais agi ainsi auparavant. Il avait l'impression d'être face à un inconnu et il n'aimait pas ça.

Il déplia brusquement la feuille, manquant de la déchirer. Dès les premiers mots, il se crispa, puis grogna en relevant la tête.

- C'est une plaisanterie ?

Drago haussa les épaules d'un air indifférent, se demandant si Potter était furieux à cause du contenu de la lettre ou à cause de sa présence face à lui. Puis il décida qu'il s'en moquait complètement.

Harry sentit la colère s'échapper de lui en voyant la réaction de Drago.

Les mots du professeur de potion étaient comme toujours directs. Il ne s'embarrassait pas de formules de politesse préférant dire les choses directement et clairement.

Ainsi, sa missive était courte et concise.

Un paragraphe pour lui annoncer que Drago Malefoy avait échappé à une attaque et qu'il était probablement la cible d'un détraqué. Que les Aurors avaient ri en refusant d'enquêter, prétextant qu'il le méritait.

Un paragraphe pour lui demander d'héberger Drago. De le cacher. En évitant de s'entretuer si possible.

Une vague formule de politesse évoquant un remerciement.

Harry soupira.

- Malefoy, tu n'as pas apporté tes affaires ?

Drago fronça les sourcils, comme s'il ne comprenait pas et Harry eut un rictus amusé. Il tendit la lettre au jeune homme qui eut soudain l'air horrifié.

- Mais...

- Ça ne me gêne pas. Severus a raison, tu seras caché ici, à part lui, personne ne sait où je vis.

Drago fut surpris aux mots de Harry, mais il essaya de le dissimuler. Il aurait pensé le jeune homme plus entouré, puisqu'il était un héros après tout...

Il supposa que le "personne" n'incluait pas ses deux fidèles ombres, et il maudit Severus d'avoir eu cette idée stupide. Il pouvait supporter Potter, mais il n'était pas certain de survivre à une dose massive de Gryffondor surtout s'il y avait la belette dans le lot.

Harry lui offrit un petit sourire en coin et lui fit signe de le suivre. Lorsqu'ils arrivèrent devant une chambre, Harry s'arrêta.

- Tu peux t'installer ici. Nous irons chercher tes affaires demain, en attendant tu peux emprunter quelque chose à moi.

Drago marmonna un remerciement. Harry tourna les talons, avant de s'arrêter sans faire face à Drago.

- Oh. Et quand je dis personne excepté Severus - et toi maintenant - c'est le cas. Il n'y a aucune exception. Ne t'attends pas à pouvoir organiser des fêtes ici...

Un dernier gloussement et le Gryffondor partit. Drago hésita un instant entre s'agacer des paroles du fichu Potter ou rire à son tour. Il n'était pas un enfant de chœur, mais il avait perdu toute combativité ces derniers temps. Puis il se laissa tomber sur son lit en se demandant à quel moment sa vie avait commencé à sérieusement dérailler, au point de l'amener à venir vivre chez celui qui avait été son rival.

Le poids du passéWhere stories live. Discover now