De l'or de farfadet

3.3K 402 22
                                    

En rentrant chez lui, Harry était toujours aussi en colère. Il ruminait la conversation avec Dennis Crivey. Lorsque Drago lui demanda ce qui se passait, il raconta la scène. Plus il parlait, plus il s'échauffait, faisant de grands gestes, s'indignant des paroles qu'avaient eu le frère de Colin.

Il s'attendait à beaucoup de réactions de la part du Serpentard. De la colère, de l'ironie mordante peut-être, n'importe quoi plutôt que cette froide indifférence.

Plus le blond restait aréactif, plus Harry s'énervait. Il ne pouvait pas croire que le Serpentard ne réagisse pas à la situation alors qu'il était directement concerné.

- Tu as l'air de ne pas te sentir concerné Malefoy ! Comment peux-tu juste ignorer ce qui se passe ?

Drago haussa les épaules, ses yeux gris brillant de colère.

- Ça ne me concerne plus, Potter. Je vais quitter le monde magique et essayer de recommencer ma vie ailleurs. Fin de l'histoire.

- Tu vas juste abandonner ? Les laisser te chasser ? Tu restes le lâche que tu as toujours été, finalement !

Ils se dévisagèrent, aussi en colère l'un que l'autre.

Harry n'acceptait pas cette passivité, alors qu'il commençait à apprécier son ancien rival. Il ne le décrirait pas comme un ami - pas encore - mais il pourrait probablement en devenir un dans un futur proche. L'idée même que Drago ne quitte le monde magique lui déplaisait profondément.

Il était toujours persuadé que le Serpentard ne méritait pas d'être traité de cette façon. Il avait fait des erreurs, mais il n'était pas mauvais. Ils s'étaient disputés depuis leur première rencontre et pourtant, Harry le défendrait sans hésiter si besoin.

Drago pour sa part était amer. Les mots de Harry l'avaient frappé de plein fouet, le marquant profondément. Il était conscient de ses défauts et des erreurs qu'il avait commises auparavant. Pour autant, il ne pouvait pas donner tort à Crivey. Il vivait avec sa culpabilité depuis la fin de la guerre et il estimait mériter la haine. Il n'était pas dépressif ou suicidaire. Il voulait vivre, aussi bien que possible. Pour autant, devoir quitter le monde magique lui était apparu comme une juste punition de ses erreurs.

Il avait fait preuve de lâcheté par le passé, mais il pensait ne plus être comme ça, alors qu'il était décidé à assumer ses erreurs et les conséquences de ses actes.

Il avait pris la marque, il avait été - brièvement - un Mangemort et ses actes avaient causé de la souffrance. Même si Dumbledore avait orchestré son propre assassinat, il était celui qui l'avait provoqué. Tout ça méritait un retour de bâton...

Il ne comprenait pas que Harry Potter, héros, ne puisse le défendre. A certains moments, il avait même l'impression que le Gryffondor essayait de le convaincre qu'il avait fait des choses bien. Comme s'il l'avait aidé alors qu'il n'avait rien fait de plus que de fermer les yeux pour qu'il ne soit pas tué. Il était resté passif alors qu'avec le recul il se disait qu'il aurait dû agir.

- Ce n'est pas une question d'abandon. Ils ont raison. Les Mangemorts ne devraient pas...

- Conneries ! Tu as peur de quoi Malefoy ?

Drago grogna, et bouscula Harry brusquement.

- En quoi c'est ton problème ? T'es pas concerné toi ! T'es un putain de héros, pas un Mangemort !

Ils se lancèrent un regard furieux et Harry poussa à son tour Drago.

- Tu ne peux pas juste accepter mon aide au lieu de jouer les martyrs ?

La tension montait entre eux et Drago renifla d'un air moqueur.

- Mais j'en veux pas de ton aide ! Je ne t'ai rien demandé moi !

- C'est pourtant toi qui est venu frapper à ma porte non ?

- Si j'avais su ce que manigançait Severus, je ne serais jamais venu, crois moi !

Harry se figea et plissa les yeux.

- Je croyais que nous commencions à... devenir amis. Tu parles ! Une amitié comme de l'or de farfadet, qui disparaît lorsqu'on regarde de plus près !

Face à lui Drago blêmit brusquement et tourna les talons, prêt à quitter la pièce. Les mots du jeune homme l'avaient touché bien plus durement qu'il n'aurait pu l'imaginer. Le Gryffondor poussa un cri de rage et le rattrapa par le poignet, avec violence, l'empêchant de partir.

Ce fut à cet instant que les choses dérapèrent, comme si le simple contact physique entre eux avait mis le feu aux poudres.

Même sous la menace, ils auraient été incapables de déterminer lequel d'entre eux avait porté le premier coup. Un moment ils se disputaient, l'instant d'après, ils se battaient comme des chiffonniers. Aucun des deux n'avait pensé à utiliser sa baguette, aucun n'avait même pensé à jeter un sort.

Ils se battaient maladroitement. Leur but n'était pas vraiment de se blesser mutuellement, mais plus de décharger leurs frustrations.

Harry voulait que Drago cesse de se laisser faire, qu'il relève la tête et redevienne le fier prétentieux qu'il était avant tout ça. Le Drago Malefoy qu'il connaissait aurait ignoré le regard des autres et aurait continué sa vie tête haute sans se préoccuper du reste.

Le Drago Malefoy d'autrefois n'aurait pas été étouffé par une culpabilité mal placée, d'autant plus que le jeune homme n'avait pas grand chose à se reprocher. Il avait fait ce qu'il avait pu pour survivre et sauver ses parents après tout.

Drago détestait Harry Potter en cet instant. Il le détestait de vouloir l'aider, de tenter de le rassurer et de lui promettre un avenir souriant.

Il le détestait d'essayer d'atténuer sa culpabilité.

Par dessus tout, Drago détestait l'espoir qui s'épanouissait dans sa poitrine quand le Gryffondor le défendait ainsi. Il n'aimait pas non plus que Potter suggère qu'ils puissent être amis, parce qu'un jour Drago savait qu'il se réveillerait et se rendrait compte qu'il n'aurait jamais dû tendre la main à son ancien rival.

Ils se frappaient mutuellement sans dire un mot, grognant sous l'effort ou la douleur. Harry saignait du nez, Drago avait une plaie à l'arcade sourcilière. Pour autant, ils ne semblaient pas sentir la douleur.

Ils exorcisaient leurs peurs probablement.

Ils ne savaient pas jusqu'où ils pourraient aller, ils avaient perdu toute raison, toute notion de temps. Seul comptait l'autre en face, les coups portés et les coups reçus.

Et ils ne s'étaient pas sentis aussi vivants depuis longtemps.

Le poids du passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant