Psychologique

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En temps normal, Severus ne débordait pas de patience, loin de là. Il avait tout au plus assez d'intelligence pour maîtriser ses réactions. Il savait rester impassible, même s'il hurlait intérieurement.

Avec son filleul disparu dans la nature, et risquant d'être la cible d'attaques, sa capacité à ne pas se débarrasser de tout élément déplaisant venait de chuter drastiquement. Il avait dû rentrer à Poudlard dispenser ses cours et il n'avait jamais ôté autant de points que depuis le début de la journée. Même en comptant la période où Harry Potter et Neville Longdubas avaient été ses élèves.

Aussi lorsqu'il reçut un courrier de plus du Ministère, le menaçant de lui retirer son droit de brasser des potions dans les vingt-quatre heures, il jura et sa magie lui échappa légèrement au point de provoquer l'explosion d'une série de fioles - heureusement vides - posées sur son bureau.

Il maudit Shakelbot et ses manœuvres déplorables, avant de décider que retrouver Drago était pour l'instant le plus urgent. Puis, il se souvint qu'un professeur de potions ne pouvant plus brasser n'était pas vraiment utile. Il soupira lourdement et grogna, avant de se rendre dans le bureau de Minerva pour la tenir au courant.

Il devait avoir l'air vraiment furieux - plus qu'à son habitude tout du moins - puisqu'aucun élève sur son chemin ne chercha à lui parler. Ils s'écartèrent pour le laisser passer, le regardant avec un peu d'inquiétude.

En le voyant arriver, Minerva sursauta.

- Merlin Severus ! Allez-vous bien ? Des nouvelles de Drago ?

- Pas de nouvelles. Mais pourquoi cette question ?

L'écossaise sembla gênée un court instant avant de lui répondre avec une franchise brutale.

- Et bien vous avez une tête terrible, mon ami.

Severus fronça les sourcils, réfléchissant un moment pour déterminer s'il devait se vexer ou non. Il décida que son apparence importait peu et il repoussa les éventuelles objections qu'il aurait pu avoir au sujet de "sa tête terrible".

- J'ai reçu un courrier du Ministère.

- Oh.

- J'ai bien peur que vous ne deviez chercher un nouveau professeur de potions.

Les yeux de Minerva se mirent à lancer des éclairs et elle renifla d'un air agacé.

- Cet idiot pense vous faire plier avec des menaces. Une guerre psychologique. Qu'a-t-il inventé ?

Severus tendit le courrier sans un mot, mâchoires serrées, refusant de dire le moindre mot qui pourrait montrer à quel point il était affecté par cette sanction injustifiée.

Après avoir pris connaissance du parchemin, Minerva le reposa sur son bureau et son regard se perdit dans le vide alors qu'elle réfléchissait.

D'un coup, elle sourit.

- Vous savez Severus, j'ai toujours pensé qu'Albus était un fieffé coquin de manipuler son monde comme il le faisait. Je le soupçonnait de bien s'amuser à nos dépends et j'avoue que parfois je lui en voulais. Mais... Je commence à comprendre pourquoi il ne pouvait pas s'empêcher de mettre son nez un peu partout.

Perdu, Severus fronça les sourcils, regardant sa collègue comme si elle devenait folle.

- Vous savez que cet avis n'est pas définitif et qu'il s'agit d'une façon de gagner du temps pour vous forcer à livrer Harry, n'est-ce-pas ?

Severus hocha la tête prudemment, n'osant pas parler de peur qu'il n'avoue que ne plus jamais pouvoir brasser de potions était sa plus grande crainte.

- Parfait. Kingsley espère que vous ne pourrez plus assurer de cours et donc vous retrouver sans emploi.

Severus hocha de nouveau la tête, restant silencieux.

- Dites moi, comment est-votre niveau de métamorphose ? Dans mes souvenirs vous étiez l'un des meilleurs.

- Je suppose que je suis apte à métamorphoser quelque chose.

Le maître des potions se rendit compte avec soulagement que sa voix n'avait pas tremblé pour répondre, et qu'il avait pu ajouter une pointe de sarcasme en plus.

Minerva gloussa.

- Voici ce qui va se passer. Kingsley vous a privé de potions, laissons le penser qu'il est malin. Je vais chercher un professeur de potions intérimaire.

Severus hocha la tête, s'y attendant. Cependant, l'entendre à voix haute le blessait plus qu'il n'aurait pu le penser. Il n'aimait même pas les cornichons idiots qui défilaient dans sa classe !

- Cependant, mon poste de Directrice me prend bien trop de temps en ce moment. Comme vous êtes déchargé de votre enseignement de potions, vous allez me remplacer en métamorphose. Ainsi, vous restez professeur et Kingsley pourra bien chercher une solution, il ne pourra rien pour vous atteindre.

- Mais...

- Attendez. Je suppose que vous allez me dire que vous voulez enseigner les potions, n'est-ce-pas ?

Severus haussa les épaules en détournant les yeux. Il trouvait ironique d'avoir voulu enseigner les défenses contre les forces du mal pendant des années pour découvrir qu'il aimait surtout enseigner les potions...

- L'infirmerie ne pourra plus compter sur vos potions d'excellente qualité. Et nous ne pouvons pas accorder notre confiance au professeur intérimaire.

Minerva ajusta ses lunettes sur son nez, l'air fier d'elle.

- Je vais donc envoyer un courrier à chaque parent d'élève pour les informer que notre professeur de potions, héros de guerre, étant persécuté par le Ministère, l'infirmerie n'est plus à même de soigner leurs enfants. Et qu'à chaque blessure nécessitant une potion, ils devront faire le déplacement pour conduire les blessés à Sainte Mangouste.

Severus cligna des yeux à plusieurs reprises. Il voyait Minerva devant lui, mais le plan tordu qu'elle avait proposé était digne de Dumbledore. Elle allait non seulement lui permettre de rester à Poudlard, mais elle allait en plus causer un tel remue-ménage dans le monde magique que Shakelbot allait se souvenir longtemps du jour où il avait défié la sorcière.

L'écossaise claqua sa langue contre son palais, satisfaite, avant de conclure son plan parfait.

- Oh. Et quand le conseil d'administration voudra des explications, je me ferais un plaisir de leur expliquer que vous êtes victime d'un coup monté visant à piéger Harry Potter pour le forcer à revenir dans le monde magique contre son gré. Ce sont de telles commères que je suis prête à parier mon chapeau qu'en moins d'une heure l'information se retrouvera à la une de la Gazette.

Severus souffla en secouant la tête et Minerva lui fit un léger clin d'œil.

- Et bien, qu'en pensez-vous ?

- Rappelez-moi de ne jamais vous contrarier Minerva !

Le poids du passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant