Chapitre 48 : Tortures par le Fer

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Ce fut la douleur qui le réveilla. Cinglante, elle l'élança de son dos. Il frissonna puis la sensation de froid s'estompa comme d'habitude. Il s'aperçut alors, qu'il était torse-nu. Il ouvrit les yeux puis les referma car une vive lumière lui brûla les rétines. Il cligna des paupières et sa vue floue se précisa.

Il était dans une salle à haut plafond et aux murs de métal arrondis. Ses bras étaient attachés au-dessus de sa tête à une grosse chaine aux maillons épais qui pendait du plafond invisible. Le métal lacérait ses poignées et ses épaules étaient douloureuses. Il devait se tenir sur la pointe de ses pieds nus pour se soulager et pouvoir respirer. Une douleur irradia à nouveau de son dos alors que l'écho d'un claquement rebondissait contre les murs.

Il comprit alors qu'on venait de le fouetter. Venant de la pénombre, hors du faisceau de lumière qui lui agressait les rétines, un homme apparut. Il portait une veste shirag grise avec une corneille gris foncé barrée d'une épée rouge brodée sur la poitrine en face du Cercle de l'Univers situé au niveau du cœur. Une plume argentée chatoyait au bord de chacune de ses manches

Evan frissonna.

— Plume de Fer, grogna-t-il alors qu'un autre claquement manqua de lui arracher un gémissement mais ce dernier mourut dans sa gorge.

— Alumnus Evan Jameson Kupenda, dit-il d'une voix sifflante et sans émotion. Des paroles ont été prononcées. Des paroles ont été rapportées. Des paroles ont été confirmées par un nombre de témoins validant ainsi leur authenticité.

— De quoi m'accuse-t-on ? grogna-t-il entre ses dents en dardant sur lui ses yeux d'onyx bouillonnant de rage.

Avait-il mal jugé la Regina Pourpre ? N'était-elle en réalité qu'une gamine prétentieuse pour s'empresser de courir chez les Corneilles ? Probablement.

— Eh bien, tu as proféré des paroles, jeune alumnus. Ton destin te déplaît ? Penses-tu avoir hérité d'un tel pouvoir sans devoir en assumer les conséquences ? Ne te réjouis-tu pas que la maladie sous toute ses formes ne soit plus qu'un lointain souvenir ? que ta vitesse de cicatrisation soit de loin supérieure à celle du commun des mortels ? que ton espérance de vie soit deux fois plus longue ? Sans parler du pouvoir sans limite que recèlent les neshirs...

— Vous m'accusez d'avoir proféré des paroles mais lesquelles ? répéta Evan avec moins de véhémence, son estomac se noua, comprenant.

— Tu méprises ton devoir. Tu ne considères pas la valeur de ton statut. L'honneur et le privilège d'avoir été choisi pour défendre le Noguem.

Le Noguem avait-il dit, pas l'Humanité. Le Noguem. Evan leva les yeux au ciel. Kilian sûrement. Ou Emma... mais les Plumes de Fer leur fichaient probablement la frousse comme à tous les Non-Compatibles. Alors peut-être était-ce Yuri... En fait, il y avait tellement de coupables potentiels. Lucas, Baptiste ou Jordan et tous les alumni qui le détestaient. Il y en avait trop désormais.

— Je... commença-t-il d'un ton agressif.

Mais il se tût brusquement, car parler était une erreur monumentale. Il était à leur merci et non sur un pied d'égalité comme dans une arène. Les Plumes de Fer étaient le bras du Roi de l'Aurore, ils faisaient respecter le Codex Shirin. Il était tout seul face à la volonté du Noguem et de son roi. Il n'y avait rien qu'il pût faire. Rien du tout. L'homme à la face de serpent eut un sourire cruel. Comme s'il avait lu dans ses pensées. Il siffla :

— Tu es moins idiot que je le pensais...

On lui donna un autre coup de fouet, puis un autre. Les coups claquèrent dans une succession d'échos ininterrompus au point que lorsque cela s'arrêta, ses oreilles bourdonnaient, la tête lui tournait et sa mâchoire était douloureuse de crispation.

— Dix coups de fouet et pas un seul hurlement de douleur, ni même un cri... Tu es aussi orgueilleux qu'un nihil. Nous verrons bien jusqu'à quand. Moi, Garul Jen, Corneille de Fer, sous les ordres du Prince de l'Aube et du Grand Exécuteur, te condamne à quatre cents coups de fouet pour dénigrement des instances supérieures et calomnies.

Calomnie ? Quel genre de justice était-ce ? Et quatre-cents coups ? Après dix coups, il avait l'impression que tout son corps irradiait de douleur. Peu importait. Il ne courberait pas l'échine. Evan serra les dents, plantant son regard intense sur la Corneille de Fer et cette dernière sourit. Il fit un signe de tête à celui qui tenait le fouet et les coups reprirent. Ils se succédaient, les uns après les autres de manière ininterrompue. Quand trois cents coups passèrent, Evan n'était plus qu'à demi-conscient. Le sol était depuis longtemps glissant à cause de son sang. Il n'essayait même plus de se tenir sur la pointe des pieds pour atténuer la douleur de ses poignées. C'était inutile parce que le monde n'était plus que douleur. Il pendait là, misérablement, la respiration sifflante alors que le fouet labourait sa chair ensanglantée. Il ne sut quand on le détacha mais il reprit brièvement conscience lorsque son épaule s'écrasa lourdement sur le béton. Il entendit une voix froide et sifflante dire :

— Eh bien, j'aurais peut-être dû le condamner à six-cents coups. Cette vermine n'a pas poussé le moindre cri. C'est un échec. Il sera tenté de récidiver.

— Le Tri est de plus en plus ardu, répondit un autre. Kiona Paine est la schola du Noguem où le Tri est le plus draconien, et elle compte également le plus de Trépassés. C'est ce que l'on obtient, je suppose. Une volonté d'acier dans un corps de fer.

— Non, je ne crois pas que ce soit ça. Tu aurais dû voir ses yeux. Noir comme la tanière du Dévoreur. Comme l'Abîme où il se cache. Et cette colère. Cette rage. Il doit être purifié des graines de rébellion qui sont en lui. Purifier de l'attrait que le Chemin de l'Abîme a sur son âme. Par le fouet et la douleur. Il n'y a que cela qui pourra le sauver. Il est clair qu'il lui faudra une autre séance.

— Vous... Nous n'avons pas... Je veux dire, le Codex...

— Nous sommes le Codex, Alastair. Nous sommes le Codex. Demain, une autre séance. Notre boulot, c'est de mâter les coriaces comme celui-là. Les faire rentrer dans le rang. Les ramener vers la Flamme Immaculée. La volonté même du Noguem. Vers la lumière !

— Il ne tiendra pas debout pour la Fourmilière...

— Le Tri continue, Alastair. Il est inéluctable et primordial...

Evan sombra dans un sommeil sans rêve. 

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Voilà, j'espère que ce chapitre vous aura plu. N'hésitez pas à laisser des commentaires sur vos impressions et de voter si ce chapitre vous a plu !

Merci encore pour votre temps, cher(e)s wattpadien(ne)s !

Ignemshirs - Tome 1 :  Fils des Cendres (ANCIENNE VERSION)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant