Il y a 20 ans

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Il y a 20 ans, tout était très différent d'aujourd'hui. Internet était un luxe, l'ordinateur aussi, les fanfictions et les fandoms beaucoup moins massivement partagés, le porno aussi. On surfait avec Lycos, AltaVista ou Yahoo. Google se montait, Facebook n'existait pas (presque aucun réseau social d'ailleurs), les sites de fanfictions se comptaient sur les doigts d'une main. On avait des portables comparables à des talkie walkie, on se faisait la guerre des consoles, on jouait à des jeux tout pixelisés aux temps de chargement infinis, on écoutait de la dance ou des boys band. C'était un autre monde !

J'ai grandi sans ordinateur, ni internet, jusqu'à mes 16 ans. Dans mon enfance, j'étais du genre à sortir pas mal, et à m'imaginer vivre des tas d'aventures avec mon petit frère ; on se prenait pour des personnages de fiction ; on a notamment eu une période Maîtres Loups (pour ceux qui veulent découvrir Elfquest, c'est une très bonne série de BD) où on courait et gueulait dans les bois comme des sauvages ; on construisait des cabanes et on s'inventait des histoires, on se collait dans la peau de nos héros. Je n'ai jamais aimé joué à la poupée (enfin un tout petit peu aux barbies qui sont des poupées "adultes, mais les poupons, beurk), je préférais les playmobils, et surtout les Lego, qui me permettaient de laisser libre cours à mon imaginaire et ma créativité. Très tôt, j'ai pris l'habitude de me prendre pour quelqu'un d'autre, imaginer être autre que je suis. Les livres et les jeux vidéos aident beaucoup à cela. Cela n'a pas changé d'un iota.

Mes loisirs étant enfant oscillaient donc entre les livres/BD/JV, jeux de construction et jeux de société, et les jeux de rôles propres aux enfants. Pas d'internet, pas de communautés, pas de fandoms. On parlait de ces choses à la récré, mais il n'y avait pas d'effet de groupe aussi puissant qu'aujourd'hui. J'ai donc grandi en gardant plus ou moins mes passions pour moi. Puis, en rapport avec ma formation professionnelle d'infographiste, j'ai découvert les ordinateurs et internet. Un monde totalement nouveau s'ouvrait pour moi.

Bien que vous sachiez ce que je pense aujourd'hui du yaoi, c'était malgré tout un loisir que j'avais durant mon adolescence. J'avais toujours été attirée par les histoires homo-romantiques (et plus tard homo-sexuelles) sans savoir que c'était finalement assez courant chez les jeunes filles/femmes. J'avais même tendance à penser que c'était anormal, que j'étais anormale. Et un jour, internet m'a appris que j'étais semblable à des tas de jeunes filles, qui aimaient exactement les mêmes choses, et cela m'a fait un bien fou. Quand on est ado, on a besoin de savoir qu'on est dans la norme, même si on cherche aussi à se démarquer (c'est là tout le paradoxe de cette période de la vie). A l'époque, le terme "yaoi" était le seul que je connaissais capable d'englober cet intérêt particulier pour l'amour entre hommes. Et savoir que c'était quelque chose de connu, pouvoir mettre un nom sur cet intérêt qui me semblait tout sauf normal, cela m'a fait beaucoup de bien. Je n'ai pas grandi avec la pornographie contrairement à nombre de "millenials". Mes premiers émois en matière de sexe ont été livresques (entre les BD un peu cochonnes de mon oncle et les Playboys de mon père, bien cachés dans la bibli !). Je n'ai pas eu de contact avec ce que le terme "porno" représentait avant mes 15 ans. Et encore, avec le recul, ça ressemblait plus à un film érotique que porno ! Hum hum...

Je ne rejette donc pas mon passé de yaoiste (après tout il a aussi façonné l'adulte que je suis), ni mes anciens émois de jeune fille, même si je ne suis pas franchement fière de certaines des choses que j'ai aimées jadis... Je ne renie rien mais l'âge vous fait mûrir et voir les choses sous un autre angle, que la jeunesse et l'inexpérience vous cachaient. J'espère que d'autres auront la même évolution sur ce point, je l'espère pour eux. Ce que je peux dire en tout cas en toute honnêteté, c'est que quelles que soient les choses douteuses que j'ai pu lire ici et là, je n'ai jamais ressenti le besoin d'en écrire moi-même. En vérité, avant de connaître le EruRi, je n'ai jamais écrit quelque chose en rapport avec le BL, ou avec le sexe en général. J'ai toujours pensé qu'il fallait une bonne dose de talent pour écrire une relation entre hommes (sexuelle ou non) qui soit crédible et pas cliché, et que je n'en étais pas capable. Pas encore en tout cas. Et sans vouloir être désagréable, je pense que nombre de très jeunes filles devraient avoir le même raisonnement... hum hum...

J'étais un souffre-douleur permanent en milieu scolaire. Depuis environ le CM2 jusqu'à la moitié du lycée, j'étais la cible constante des moqueries. Si FaceBook avait existé à cette époque, je ne serais peut-être plus là pour vous écrire. J'étais une solitaire toujours le nez dans les bouquins, me mêlant peu aux autres parce que je considérais leurs préoccupations comme peu intéressantes et à mille lieues des miennes. J'étais très concrètement un alien. Mon milieu familial n'était pas idéal non plus (même si je n'y ai pas vécu de violences physiques), cela m'a donc entraînée à tout garder pour moi et à me forger une carapace. Ca, c'est mon côté Erwin : en dire le moins possible pour que personne ne comprenne ma sensibilité et mes problèmes. Je ne voulais pas qu'on s'occupe de moi. Donc je passais pour froide et asociale, grincheuse. Un ours mal léché. Vous savez, celui qui grogne quand vous vous approchez trop près, quand vous le dérangez, quand il ne veut pas parler. Qui se protège pour ne pas être davantage blessé. Mon côté Livaï. Mon Livaï et mon Erwin cohabitent toujours en moi aujourd'hui, ils s'entendent bien et ne veulent pas qu'on les sépare^^

J'aurais juste voulu être ignorée et je faisais mon possible pour ça mais les enfants sont parfois plus cruels que les adultes. J'aurais peut-être dû me rebiffer, leur cracher dessus comme ils crachaient sur moi (au sens propre). Mais j'étais trop gentille, trop pacifique, une bonne pomme. On ne peut pas revenir en arrière et refaire sa vie. Ce qui est fait est fait. Cependant, bien des années plus tard, cette période de souffrance me transformera en grande gueule bien décidée à ne pas se laisser museler. La fally au verbe haut que vous connaissez est l'héritière légitime de cette enfant isolée et raillée qui lisait dans son coin en espérant à chaque instant que cela s'arrête, qui voulait disparaître dans un trou sous terre pour ne plus rien entendre ni endurer. Je suis peut-être une survivante en fin de compte.

Je me suis réfugiée presque exclusivement dans mes mondes imaginaires, là où on ne pouvait pas me faire de mal. Très tôt, j'ai appris à me méfier du monde réel. Les personnages de fiction étaient mes amis. Je m'identifiais à la petite Matilda, héroïne de mon enfance, dont je relisais l'histoire encore et encore, même si pour elle c'était davantage le milieu familial qui était toxique que l'école. Tous ces personnages me comprenaient. Sans même savoir ce qu'était un fandom, j'en avais déjà plusieurs, qui me réconfortaient, me faisaient m'évader, frissonner, pleurer, analyser. Cela n'a guère changé. Encore aujourd'hui, je me sens à ma place dans l'imaginaire, pas dans le réel qui me désespère. Je dessinais beaucoup, des créatures fantastiques surtout : des anges, des sirènes, des licornes... J'avais un petit talent pour le dessin.

Il va sans dire que tout ceci, et ma passion pour la lecture, ne pouvait que me mener vers l'écriture et la fanfiction. C'était le terrain idéal pour explorer et mettre tout ceci en pratique. Donc, on y va ?

Je devais avoir environ 18 ans ici, cette photo a été prise au lycée, je commençais à virer gothique^^

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Je devais avoir environ 18 ans ici, cette photo a été prise au lycée, je commençais à virer gothique^^

RANTBOOK de fallyWhere stories live. Discover now