Tout s'écroule - 1

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Comme mon bureau gérait temporairement certaines de ses tâches pendant que nous cherchions un remplaçant convenable, nous devions communiquer. On se servait uniquement de notes de service pour cela. Que sa secrétaire signait. D'un accord tacite aussi précis qu'un couteau bien aiguisé, je ne le regardais jamais aux réunions, quand on se croisait par hasard à la cantine ou dans l'ascenseur. Il faisait de même. On parlait devant l'autre, pas à l'autre. Je remarquais qu'il perdait du poids. Et que quand il rentrait dans l'ascenseur, il sentait souvent la cigarette.

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Je reçus deux hiboux de Grèce me disant que Ron et la famille étaient bien arrivés. L'un de Harry, l'autre de Molly.

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La plupart des membres du Ministère prenait des vacances en août, et les couloirs étaient quasiment déserts. Mon casier se transforma en une pile de parchemins plus haute qu'une tour. Les notes de service volaient non-stop à travers le croisillon ouvert : les gens se débarrassaient de leur travail inachevé en me le refilant. Je serais enchaînée à mon bureau jusqu'à dix heures tous les soirs jusqu'à ce que Ron et compagnie reviennent à la maison. J'avais tout à fait l'intention d'abattre cette masse de travail qui n'en finissait pas d'augmenter, bossant plus de douze heures par jour, ne m'arrêtant que quand je n'y verrais plus clair de fatigue. Tout à fait l'intention.

Mes ambitions étaient, apparemment, connues de tous. La promotion de Drago en elle-même était digne de potins, mais en bonus que cette peste condescendante d'Hermione Granger ait reçu ce qu'elle méritait ? Est-ce qu'on pouvait faire mieux ? Je supposais que pas mal de gens s'en frottaient les mains. Mon ascension s'était faite à une vitesse fulgurante ; c'était normal que je me sois fait des ennemis en chemin. La première semaine après l'annonce de la démission de Downs – suivie d'une autre annonce disant que Drago avait été nommé Assistant du Ministre par intérim – avait été une torture. Depuis, les chuchotements peu discrets et les Sortilèges de Silence avaient peu ou prou disparu. Je pouvais rentrer dans la cantine pour prendre un sandwich sans que tout le monde me regarde.

Tandis que je faisais la queue, me demandant si je prenais le sandwich rassis à la dinde ou le sandwich rassis au jambon, j'essayais de ne pas penser à la soupe poireaux-pommes de terre des Chevalier qui était rapidement devenu mon plat préféré. Ou au pot au feu. Ou à la tarte au citron. Ou au café. Ou à Drago. Décidant qu'en fin de compte je n'avais pas faim, je fis demi-tour. J'étais au milieu de la pièce quand je vis Romilda Vane dans la file, papotant avec une autre secrétaire du bureau de Ron.

Ron parlait sans arrêt d'elle. Quel sens de l'humour génial elle avait. Comment ça avait été dur pour elle d'élever deux enfants toute seule. Que c'était plus facile maintenant qu'ils étaient à Poudlard. Que pendant l'été, Boot avait employé la force pour emmener les enfants un weekend de temps en temps. 

Comme c'était la secrétaire de Ron, je me forçais à être polie avec elle, mais en dehors des fois où on se croisait par hasard au Ministère, on faisait en sorte de garder nos distances. Je n'avais franchement pas envie de faire amie-amie avec elle, et quand Ron m'avait demandé si ça me dérangeait qu'il l'invite avec ses gamins aux matchs de la ligue d'été, je lui avais donné ma bénédiction et une excuse pour ne pas y aller moi-même. J'avais bien trop de travail, mais même. Quand on était élèves, j'avais assisté à tous ces matchs seulement parce que j'étais terrifiée que Ron ou Harry soit blessé. En tant que jeu, je trouvais que ça manquait de stratégie et que c'en était donc inintéressant. Il s'agissait juste de voler vite et encore plus vite. Qu'y a-t-il à dire en faveur d'un jeu où gagner dépend en grande partie de la bonne vue de l'Attrapeur ? Je trouvais que la réputation mondiale d'Attrapeur qu'avait Harry était plutôt amusante, quand on savait qu'il ne pouvait littéralement pas voir les murs du château sans ses lunettes.

En dépit de ma compassion pour sa situation avec ce pauvre abruti de Boot, je ne trouvais pas qu'elle avait tant changé que ça. C'était l'équivalent de Lavande Brown en brune au lieu de blonde : ne pensant qu'à flirter, mais déterminée. Trente ans plus tard, elle aimait toujours se faire remarquer, le genre de femmes qui a tendance à porter des chemisiers qui dévoilent plus de leur décolleté que ce que je qualifierais de professionnel, et assez de maquillage pour trois. Probablement son seul petit plaisir – je ne pensais pas que son salaire lui en autorise d'autres – elle dépensait une petite fortune en manucures magiques. Chaque fois que je la croisais, ses ongles étaient décorés avec un paysage différent, en général en rapport avec la saison. De la neige en hiver, des fleurs qui s'agitaient dans la brise au printemps. Je soupçonnais qu'elle ne m'aimait pas beaucoup à Poudlard, et ça n'avait probablement pas beaucoup changé.

La femme avec qui elle était lui donna un coup de coude et me désigna en train de la regarder. Romilda rougit et au lieu du salut habituel, elle releva le menton dans un geste de défi et m'adressa un rictus. Je n'étais pas du genre à tirer des conclusions trop vite. Je n'étais pas non plus une idiote.

Heureusement, je me trouvais trop sonnée pour agir. Autrement j'aurais pu jeter le premier et le dernier Impardonnable de ma vie.

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J'envoyai immédiatement un hibou à Harry, disant : « Est-ce que Ron a une liaison avec Romilda ? » Ce n'était pas cool, mais je m'en moquais. En dépit de son âge et des horribles choses qui lui sont arrivées, Harry a conservé une certaine innocence. Il répondit : « Ne me mets pas au milieu, Hermione. Bisous, Harry. »

Ce qui, bien sûr, répondait à la question.

La femme du politicien - DramioneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant