Scène II

991 145 150
                                    

Scène II - Penser l'impossible

- Royaume de Kerlagan
9h17

- CONDAMNÉ À MORT ?!

Le cri puissant de Jisung résonna dans le salon de verre, et assis dans un fauteuil en face, Minho sursauta. Ses jambes croisées se délièrent alors qu'il soupirait pour reposer sa tasse de thé sur le meuble bas.
Ce qu'il détestait quand son amant braillait de si bon matin.

- Jisung veux-tu bien te taire, j'aimerai profiter d'un éveil calme ! Pour une fois que Changbin n'est pas là pour nous briser les tympans avec sa musique.

Le blondinet passa une main sur son front et jeta sur la table basse la lettre froissée qu'il tenait. Il se pila dans ses cent pas pour observer son amant en haussant un sourcil.

- Menteur, tu ne me feras pas croire que tu n'apprécies pas quand il joue pour toi.

Minho renifla avec dédain. C'était vrai, il adorait Changbin autant que sa musique. Elle adoucissait ses moeurs, l'apaisait. Ce qu'il préférait, c'était les nostalgies au présent qu'il jouait parfois, les matins d'été et les soirs d'automne. Les temps de maintenant, les souvenirs de la maison.
Pour autant, il avait toujours préféré les matinées calmes et silencieuses. Ses oreilles étaient trop sensibles au réveil.

Respirant comme un buffle en reprenant ses allé-retours entre les fauteuils et la baie vitrée qui menait sur un balcon, Jisung ne tarda pas à attirer de nouveau l'attention du brun. Celui-ci avait bien vite repris sa tasse et avant de prendre une nouvelle gorgée, demanda :

- Qu'est-ce que tu as donc ce matin à tourner en rond comme cela ? Ce n'est pas digne d'un prince Jisung.

Celui-ci frotta ses mains moites sur son bas en velours marine. Il était complètement nerveux, alors à l'instant, l'étiquette et le protocole lui passaient au-dessus. Minho tendit sa main libre vers le fauteuil matelassé, brodé de fleurs dorées pour l'inciter à y prendre place.
D'un pas rapide, le prince vint s'y assoir, et dans une position qui ne seyait pas à son rang — les coudes sur les genoux et le visage caché par ses mains — il soupira de tout son long et montra le papier du bout d'un ongle.

- Le Cardinal d'Oren vient de communiquer la condamnation d'un de nos espions. En plus de nous envoyer une missive, ils ont décidé de rendre l'affaire publique. Dans un mois, il sera condamné à mort.

Minho, comprenant le mal-être de son amant, se leva pour s'assoir à ses côtés. Amoureusement, il posa sa main sur la cuisse du plus jeune, la pressant un peu dans sa paume pour le rassurer.

- Sa Majesté le roi ton père doit déjà être au courant. Je doute qu'une opération soit mise en place, mais tu sais, nous avons d'excellents espions, et ils vous sont fidèles. Ils se tairont jusqu'à la mort.

Il ne spéculait pas. Pour avoir lui-même entrainé les troupes d'élites des délateurs, il ne doutait pas de leur confiance.

- Ce n'est pas ça... déplora le prince en secouant la tête de gauche à droite, faisant retomber sa basse queue de cheval blonde sur son épaule dans le mouvement. Regarde le dessin qui a été fait de l'espion...

Fronçant les sourcils, Minho attrapa le torchon informatif d'un geste vif. Ces nouvelles avaient été envoyées directement d'Oren. Une vengeance ou une moquerie, de qui se jouaient donc leurs voisins ? Les traits étaient un peu bâclés sur le papier. Ils étaient larges et grossiers, bavants un peu sur un bord en raison du long voyage. Pourtant, le visage était distinct et surtout, parfaitement reconnaissable pour les deux amants.

Les doigts de Minho se mirent à trembler. Le papier tomba au sol en même temps que la tasse de thé. Le résidu liquide imbiba le tapis et la porcelaine se brisa dans un bruit de crécelle.

Wolfgang Amadeus' Bastards || minbinsungOù les histoires vivent. Découvrez maintenant