03| EVEN THE LOSERS

68 10 14
                                    





chapitre trois     
EVEN THE LOSERS

ϟ ϟ ϟ

▂▂▂▂▂▂▂
7 MAI 2004

TIMOTHY TAPAIT du pied, sur le carrelage aseptisé de l'hôpital Rothschild. Parfois, entre deux passages précipités d'infirmiers, il portait sa Ventoline à la bouche. Le reste du temps, il tirait sur les lacets de son sweat, se grattait le coude et tripotait l'embout de son inhalateur. Au-dessus de lui, une horloge au cadran dépoli cliquetait à chaque seconde, au rythme de sa plus longue et fine aiguille. La plus épaisse, en revanche, chétive et timide, pointait vers le I capital, sans faillir une seule fois à son poste.

L'hôpital Rhotschild, malgré son nom à consonnance germanique, ne se démarquait pas le moins du monde des autres hôpitaux de Paris. Des murs ternes, un accueil surchargé, et des sièges en plastique inconfortables en salle d'attente. Tout ce que l'on pouvait espérer d'un centre de soin. Mais Timothy n'avait pas nécessairement besoin que l'endroit soit plaisant. C'était toujours mieux que d'être endormi d'illusions, de fausses senteurs et d'un espoir factice. Ce n'était pas du pessimisme mais juste une manière plus douce de se confronter à la réalité.

Nerveux, Timothy jeta un coup d'œil furtif à son téléphone, et ignora encore une fois les notifications d'appels manqués qui criblaient son écran d'accueil. Il se sentait tout de même mal pour Théodora. Même s'il ne croyait pas une seule seconde aux inventions de Léonie, qui — pour sûr — ne cherchait probablement qu'un peu d'attention, il n'en restait pas moins le meilleur ami de Théodora. Ça ne lui faisait pas plaisir de la laisser ainsi en plan, mais l'enjeu était vital.

Sa tête se tourna furtivement lorsqu'il aperçut les portes automatiques vitrées s'éveiller soudainement. Une brise fraîche s'engouffra dans le hall blanc, et poussa Timothy à rabattre sa parka sur ses épaules. Lui apparut alors la silhouette menue d'un brun aux yeux azurs, emmitouflé dans une doudoune rouge sang, qui semblait bien plus occupé à étudier le bâtiment qu'à tenter de retrouver Timothy parmi l'agitation sourde de l'hôpital.

T'en a mis du temps, soupira celui-ci. Encore en train de jouer à des heures pas possibles ?

Je terminais juste ma partie... se défendit Archie, l'esprit épars.

Combien d'heures est-ce que tu dors, sérieusement ?

Timothy pouvait presque deviner la réponse rien qu'en observant les cercles noirs qui piégeaient les yeux de son ami. Ce dernier mit un certain temps à comprendre que la question lui était posée.

Oh, je dirais quarante-trois mille...

Par nuit Arch' ! précisa Timothy en roulant des yeux, pas dans toute ta vie.

Le garçon ouvrit sa bouche pour répondre, mais il fut interrompu par l'intervention d'un infirmier, dont le corps longiligne semblait interminable. Pour dire, son cou s'allongeait comme un double décimètre et débouchait sur un visage pâlot à l'air simplet. Les mains squelettiques agrippées à une liasse de feuilles, il leur informa :

Le patient est fatigué, mais il va bien. L'hémorragie a été maîtrisée, le docteur s'est occupé de lui refermer la plaie par points de sutures. Vous pouvez aller le voir, mais il est encore convalescent.

Timothy patienta à peine la fin de sa tirade pour se lever d'un bond, le cœur battant. Il se souvenait encore de l'état piteux dans lequel il avait trouvé Terence. Ses pupilles vaseuses. Son haut imbibé de sang. Alors entendre de la bouche d'un infirmier qu'il allait bien lui semblait à la fois totalement miraculeux et inespéré.

SELENITE² ━ 𝙩𝙝𝙚 𝙜𝙧𝙚𝙖𝙩 𝙛𝙞𝙡𝙩𝙚𝙧 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant