Chapitre 4

2K 67 2
                                    

Au fil de leurs rencontres où régnait la concupiscence Élisa collectait diverses informations sensitives sur cet individu qui s'efforçait de lui donner satisfaction malgré le contexte. C'était son objectif, il l'aurait gardée captive jusqu'à l'obtenir s'il l'avait fallu.

Cela faisait trois mois qu'Élisa n'avait pas subi les affres sexuelles auxquelles elle avait été habituée. Cela lui manquait presque. C'était en partie pour cela qu'elle le cherchait parmi ceux qui étaient à table ce jour-là. Elle était aguicheuse, surtout avec Mr Beling et Mr Starving qui avaient retenu son attention. Ils correspondaient à l'idée qu'elle se faisait de son anonyme crapuleux. Elle se pencha avec insistance lorsqu'elle leur servit leurs vin et cafés. Mr Starving devenait rouge à chaque fois et son ami, lui, ne réagissait pas vraiment. Ces deux-là n'avaient aucun écart de conduite et ne laissaient rien transparaître en tout cas. Il se faisait tard, dans le petit salon il ne restait plus grand monde et la jeune domestique débarrassait les derniers digestifs, accompagnée de Maria. Cette dernière était devenue une amie pour Élisa. Elles s'échangeaient des histoires, parlaient de leurs famille et milieu respectifs. En ce début de nuit sa chère acolyte était en train de boire le fond de chaque verre.

- Tu ne devrais pas. Si Albert ou Jeanne te voyaient.

- Ahah. Ne t'en fais pas, ils ont d'autres chats à fouetter... notamment dans la petite salle près du vaisselier ! Et puis c'n'est pas tous les jours qu'on a le droit à un bon bourbon !

- Presque hein !

Elles se mirent à rire. Il était certain que Maria n'y allait pas de main morte avec l'alcool. C'était pour cela qu'un soir elle avait fini dans le crottin après avoir pensé que l'écurie était sa maison. Elle quittait la salle avec le dernier verre pendant qu'Élisa défroissait les tissus. Soudain des mains se posèrent contre ses fesses. Au premier abord, elle pensa que c'était son énigmatique forban mais la voix ne fut pas celle attendue.

- Miss Newjack, j'ai entendu vos appels au cours des nombreux repas. Vous ne me laissez pas indifférent.

Elle se retourna vivement et reconnut Mr Starving.

- Laissez-vous transporter.

- Non, vous faîtes erreur, lâchez-moi !

Mais l'homme emporté par ses pulsions ne l'écoutait pas et l'embrassa avec violence. Elle se débattait mais ne réussissait pas à s'extirper. La seule chose qu'elle voyait s'était la moumoute de la brute virer sur la droite.

- Robert veuillez laisser cette jeune femme.

Il se détacha aussitôt d'Élisa pour se confondre en excuses.

- Il y a un bordel pas très loin si votre vigueur vous en dit.

Il s'en allait sans ajouter un mot. Elle remerciait Miss Cassandra d'être intervenue avant de partir rejoindre ses appartements encore choquée. Couchée, elle pensa qu'il était désormais inutile de rechercher davantage qui était celui qui avait partagé ses quelques nuits. Tout d'abord pour éviter ce qu'il s'était passé ce soir et ensuite car dans son for intérieur elle concluait qu'il avait dû l'oublier ou trouver une autre fille depuis tout ce temps.

L'été approchait. Mme Pick avait fait confectionner des uniformes plus légers. Jupe au-dessus du genou et bras quasiment dénudés.

- Ce sera plus supportable avec cette chaleur, heureusement que Mme Jeanne existe !

Cécilia parlait très fort ce qui lui valut un regard noir de la supérieure. Au dîner, les nouvelles tenues avaient fait des émules. Mme Trend félicita même « Pick assiette ». C'est le surnom que Maria avait trouvé pour la conjointe d'Albert. Le plus gros inconvénient avec cet uniforme était les mains baladeuses mais ceci passerait vite, sûrement grâce à ces dames ici présentes. Élisa sursautait tout de même à chaque fois.

Le lendemain après-midi se tenait la garden-party, tous étaient habillés élégamment. Aucun habitué ne manquait. Les domestiques s'activaient en cuisine. Une fontaine de verres était constamment entretenue par Benoît, le fils d'Albert. Élisa retournait chercher des bouteilles et quelques victuailles mais des bras l'enlacèrent. Elle savait que c'était lui, il l'avait déjà fait le soir du bal masqué.

- Ne te retourne pas.

Elle déglutit avant de répondre affirmativement.

- Je n'ai pu résister lorsque j'ai vu tes jambes. La jalousie me prend de savoir que d'autres peuvent les apprécier.

- Du regard seulement.

- Tu ne sais pas mentir Élisa, tu dois te faire peloter sans cesse, ça éveille ma folie mais à leur place j'en ferai autant.

- Faîtes...

Il la poussa à se retirer un peu plus loin dans un coin reculé de la foule et la plaqua contre le mur. Elle sentait son haleine teintée de tomate et de miel. Il descendait ses mains le long de ce corps qui lui avait manqué. L'une d'elle passa sous la jupe pour caresser de façon plus prononcée la cuisse d'Élisa. Il expirait à ce contact.

- C'est moi qui les ai faites.

- Quoi donc ?

- Les tomates cerises.

- Très bon, mais moins que vous Élisa.

- Vous ?

- La galanterie peut s'appliquer à tout instant.

Ses doigts s'insinuaient lentement sous les sous-vêtements de la jeune servante qui soupira d'envie.

- Qui êtes-vous ?

- Comme dirait Ulysse au Cyclope...

- Personne.

- Ne finis pas mes phrases, insolente.

Elle sentait son sourire quand il prononça cette phrase.

- Ce soir. Dans la chambre émeraude, reste habillée comme ça, je veux moi-même t'effeuiller pour arriver au cœur de la fleur.

Il disparut si vite qu'elle n'avait pu apercevoir si quelqu'un s'en allait. Remise de ses émotions elle retourna à son service. En fin d'après-midi, un cri déchira l'ambiance de la fête. C'était Astrid, affalée par terre, elle tenait son bas-ventre en pleurant. On voyait à sa tenue qu'on l'avait abusée. La pauvre enfant, encore sous le choc, ne remarquait même pas qu'une ronde s'était formée autour d'elle. Mme Trend fit signe à sa gouvernante d'évacuer la fille dans les plus brefs délais. Évidemment, cela faisait tâche qu'une domestique se fasse violer dans sa maison qui avait si bonne réputation. Élisa se posait la question légitime de l'implication de celui qui lui fit subir un sort similaire quelques mois auparavant. Poursuivait-il sa chasse ? Peut-être même sévissait-il dans d'autres lieux. Pourtant ce n'était pas ses méthodes, elle décida d'en parler avec la victime alors qu'elle la raccompagnait à sa chambre.

Illusion d'antanWhere stories live. Discover now