Chapitre 7

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Elle était stupéfaite, si bien que sa crème brûlée avait totalement refroidi quand elle portait sa première cuillère à la bouche. Elle ressentait tellement de choses. Une chaleur réconfortante la parcourait. Alors cette douce brute l'aimait. Pourquoi ne lui avait-il jamais fait la cour alors ? Qu'avait-il à cacher de si horrible ? Elle aussi l'aimait fatalement et ceci sans condition. C'était au fond de ses tripes. Il avait si mal réagi quand elle avait supposé qu'il était brûlé, c'était peut-être cela. Elle réfléchissait mais ne trouvait pas le souvenir d'un homme qui avait pu souffrir de ce type de blessure parmi les invités, le personnel ou même la famille. Elle arrêta d'y penser elle savait depuis longtemps qu'il était rusé et que rien ne paraîtrait si jamais c'était le cas. Elle se trouvait idiote de ne jamais lui avoir dit ce qu'elle éprouvait. Sortie de sa petite bulle par la tenancière qui lui demandait d'évacuer pour accueillir d'autres clients, elle sortait pour rejoindre son vélo, pour enfin attaquer la remontée vers la plus grande demeure de la ville. En entrant dans la cuisine son amie l'interpella.

- Tu viens jouer ce soir au bridge avec nous ?

- Non ce soir je préfère rester tranquillement à lire.

- T'es pas marrante ! Lire c'est ennuyant à mourir en plus.

- J'aime, pour ma part, puis j'avais prévu ma soirée ainsi, ne m'en veux pas.

- Après tout si tu préfères.

Elle lui sourit en partant vers la salle commune des domestiques pendant qu'Élisa rejoignait sa chambre. Le repas allait être servi en cuisine mais elle ne s'y convia pas car elle cherchait une tenue depuis environ une heure maintenant. Elle n'avait pas grand-chose et rien ne lui convenait.

- Si seulement j'avais eu une de ces robes...

Elle soupirait. Elle savait qu'il craquait pour l'uniforme d'été mais elle ne pouvait pas sortir de la sorte, si quelqu'un la voyait il se poserait des questions. Le temps lui paraissait infiniment long depuis qu'elle était rentrée. Elle ne travaillait pas ce jour et donc elle devait attendre la fin du buffet organisé par les Trend en l'honneur du départ de leur fille. Elle n'allait pas se marier mais prendre son indépendance. Les messes basses médisaient sur la fierté que montraient les parents de Cassandra face à un tel choix. Elle partait dans une maison secondaire qui appartenait à ses grand-parents maternels. Partir loin d'ici sans personne était une ineptie avait jugé son père mais il avait plié à la volonté de son enfant en l'encourageant finalement. Albert s'était proposé pour la servir en ce nouveau lieu, la jeune Trend avait décliné gentiment son offre. La soirée était donc loin d'être terminée. Regrettable voire même un supplice pour Élisa. Se frayer un chemin jusqu'à la bibliothèque tant que tout ce monde grouillait n'était pas aisé. Elle n'était pas autorisée à y séjourner de plus. Elle s'était coiffée et recoiffée au moins une dizaine de fois.

Minuit tintait aux horloges de la maison, la fête continuait. Elle regrettait de ne pas avoir ouvert cette lettre le lendemain. Elle ne savait pas comment il pouvait être au courant de ses faits et gestes. Elle craignait d'apprendre que c'était Mr Trend, il formait un si merveilleux couple avec sa femme. Cette pensée s'évapora après s'être souvenue que son anonyme l'avait appelé Henry, donc ça ne pouvait être lui en face et derrière elle. Puis la voix n'était pas la même. Tout était tellement différent depuis qu'elle avait expérimenté ces séances avec son étrange compagnon. Un papier apparut sous la porte, il stipulait que le rendez-vous était maintenu. Son cœur battait à la chamade. Alors il était venu jusqu'ici pour lui dire enfin écrire qu'il lui tardait autant qu'elle que cette soirée soit terminée.

À la demi de deux heures beaucoup décidèrent de rejoindre leur chambre. Toute la maison était complète, c'est d'ailleurs pour cela sûrement que les retrouvailles se passaient ce jour. Ceux qui venaient des alentours repartaient un à un après avoir renouvelé leurs félicitations à Cassandra. Élisa voyait tout le mouvement dans la cour de sa petite fenêtre. Une fois le calme revenu elle décidait de jeter un coup d'œil dans le salon. Les domestiques débarrassaient au plus vite ce qui restait. Elle bailla en les regardant. Elle ne bougeait pas de sa petite cachette et quand ils eurent fini elle rejoignit sa chambre. Elle avait finalement décidé de porter sa jupe courte mais avec une petite chemise qu'elle s'était acheté au printemps. Plus un bruit dans les couloirs, elle se faufilait dans la maison qu'elle connaissait quasiment sur le bout des doigts. Elle s'arrêta net quand elle entendit des voix, discrètement elle se rapprochait de la source. Albert et Jeanne se faisaient la cour.

- Ma Mie permettez-moi de vous dire que vous êtes encore une fois de toute beauté.

Elle gloussait et le tirait en direction de ses appartements. Élisa était joyeuse de les voir ainsi, hors des codes. La porte de la bibliothèque n'était plus qu'à quelques mètres. Elle y entra. Il était déjà là. Quelle surprise, elle ne s'y attendait pas. Lui qui avait l'habitude de la faire attendre, il était là, sur un fauteuil. De dos mais elle savait que c'était bel et bien lui. Il tenait à la main un verre de Cognac d'après la couleur du liquide. Le verre était tenu mais posé sur le petit guéridon. Il ne bougeait pas, dormait-il ? 

Illusion d'antanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant