Chapitre 6

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Il défaisait le bas de sa chemise et enlevait sa veste.

- Qu'ici, dit-il en lui faisant parcourir la naissance de son abdomen.

- Plutôt musclé.

- Tu en doutais ?

- Pas le moins du monde.

- Comment dois-je le prendre ?

- Tu es fort c'est tout.

- Hmm.

Elle passa sa main sur sa ceinture au passage et tenta de monter lentement mais sûrement pour en explorer davantage. Elle était arrivée jusqu'aux côtes de son secret amant, elle y découvrait de petites cicatrices. Ses doigts s'écartaient de plus en plus de la zone autorisée. Elle aimait le toucher, le découvrir. Elle sentit du tissu, un bandage même.

- Stop !

Ferme et en colère il la repoussa.

- Désolée, je ne voulais pas je...

- Je t'avais dit de ne pas aller plus loin !

- Pardonne-moi...

Un silence s'était instauré. Il devait être brûlé d'après les cicatrices qu'elle avait pu toucher et avoir honte de sa peau supposait-elle.

- J'ai déjà vu de grands brûlés et ça ne me rebute pas.

- Tu ne sais pas ce que tu dis.

- Si ! Ma mère était infirmière et avant qu'elle ne disparaisse j'ai pu...

- Silence, je ne veux pas t'entendre. Je vais te quitter cette fois.

- Non, nous n'avons même pas...

- Je ne t'ai pas violée oui ! Sois ravie.

Il prit la clé en effleurant à peine son sein. Il partait mais elle ne bougea pas, ses yeux restaient bandés. C'était un coup de massue que d'entendre cette dernière phrase. La nuit de Miss Newjack fut courte et agitée. Elle pensait à cet être qui lui était devenu familier, pour qui aujourd'hui elle savait qu'elle éprouvait des sentiments sans se l'expliquer. Elle se sentait liée à lui plus qu'elle ne l'envisageait. Plus que par cette étrange relation qui s'était instaurée. Les jours qui suivirent furent maussades. Elle doutait de revoir, enfin retrouver un jour son doux ravisseur. Elle se remémorait ses instants charnels plus intenses à chaque retrouvailles. Son envie désespérée quand pendant des mois elle n'avait pas eu de nouvelles. Combien de temps attendrait-elle cette fois ?

Un an qu'elle était au service des Trend. Les domestiques fêtaient cette première année en offrant sur leur temps la journée anniversaire pour qu'elle puisse faire ce qui lui plaît.

- Profites-en, après ce n'est pas avant la cinquième année que t'y auras droit !

Maria lui donnait un léger coup de coude en lui faisant un clin d'œil. Élisa, contente de ce jour de repos inattendu, décida d'aller en ville. Elle prenait un vélo quand le facteur lui tendit une enveloppe.

- Tenez Mademoiselle.

- Pour moi ? Merci Rémi.

- Avec grand plaisir. Au fait, je me répète mais si le cœur vous en dit, nous pourrions boire un café ensemble ?

- Je m'apprête à partir. Une autre fois.

Une tentative de plus loupée pour le svelte blond. Il la regardait s'en aller en pédalant à peine, elle rejoignait la descente qui la mènerait à la rue principale. Rien que d'imaginer faire le chemin inverse, elle en avait mal aux mollets. Elle regardait au dos de la lettre mais ni sa sœur ni Mme Fridget n'avaient apposé leur marque. Elle décida de flâner un peu avant de l'ouvrir de crainte que ce ne soit pas une bonne nouvelle. C'était égoïste de sa part mais elle voulait profiter pleinement de ce moment de répit. Puis être au moins assise pour la lire. Elle entra chez un modéliste. D'un seul coup d'œil, il jugea qu'il pourrait lui faire porter chacune des tenues qu'il avait confectionné car elles lui auraient été parfaitement. Mais la modestie des vêtements de sa visiteuse l'amenait à comprendre qu'elle n'en avait pas les moyens.

- Je peux vous aider ?

- Oh non merci, je ne fais qu'admirer votre travail.

Elle rougissait et il concédait d'un hochement de tête puis lui sourit. Quelques regards posés et une attention toute particulière pour une robe rouge sombre fendue d'un fin triangle noir sur le côté droit, puis elle quitta le magasin. Elle prenait le chemin d'une brasserie populaire. À cet instant quelqu'un entrait chez le modéliste.

- Oh bonjour que puis-je faire pour vous servir aujourd'hui ?

- Dîtes-moi quelle robe a retenu le plus son attention.

- Comment ? Je ne vous suis pas pardonnez-moi.

- La jeune brune qui vient de partir.

- Ah... Elle semblait hypnotisée par ce modèle. D'ailleurs cette robe lui serait allée à ravir.

- Je n'en doute pas. Emballez-la s'il vous plaît.

- Mais certainement. À votre entière disposition.

Le commerçant plia délicatement le tissu dans une boite rigide et la maintenait fermée par un large ruban bleu. Pendant ce temps Élisa commandait la soupe du jour. Elle ne pouvait se permettre d'autres mets, son petit salaire ne lui autorisait pas d'excès et elle voulait économiser pour un jour s'acheter une de ces robes qu'elle avait vu plus tôt. Le patron offrit le dessert, c'était une crème brûlée délicieuse d'après ses dires. Attendant qu'elle soit servie, elle sortit son enveloppe. L'appréhension la gagnait, elle l'ouvra à l'aide de son couteau préalablement essuyé. Elle en tira une lettre manuscrite.

Tendre Élisa,

Cela fait un temps qui me semble infini depuis notre dernière rencontre. Vous me manquez. Je dois vous avouez certaines choses. Bien que notre histoire ait commencé charnellement je  ne peux que me rendre à l'évidence que je ressens davantage d'égard à votre encontre. Le besoin de vous avoir auprès de moi est omniprésent. Non seulement je veux votre corps mais par-dessus tout j'ai besoin de votre Âme qui complète la mienne. Vous voir en salle me vrille l'estomac, mon esprit vous appelle mais mon corps reste froid. Je crois que je vous aime, sachez le bien... Malheureusement, plus j'y pense et plus je conçois que cette histoire est tragiquement impossible. Je vous ai fait bien trop de mal, ce mal aujourd'hui me ronge. Je saurai quand vous lirez cette lettre, je vous quémande de venir le soir même de votre lecture dans la bibliothèque. Si vous décidez de ne donner suite je cesserais à jamais de vous importuner.

Votre anonyme perdu.

Illusion d'antanWhere stories live. Discover now