Loving him is red

4

Voyager à travers le monde était la chose la plus bénéfique que Valentina ait faite ces dernières années. Kai et elle, ne restaient jamais assez longtemps pour s'attacher, mais suffisamment pour repartir avec des souvenirs plein la tête, et ça leur suffisait amplement. Ils faisaient ce qu'ils avaient envie de faire quand ils avaient envie de le faire. Elle était persuadée qu'elle goûtait enfin à la liberté, et la vraie liberté, pas cette pauvre excuse de liberté qu'elle avait vécue auparavant. Elle était parfaitement libre pour la première fois depuis trop longtemps.

- Tu as changé. Intervint Kai en l'observant franchement.

- Je me suis fait couper les cheveux. Rétorqua-t-elle.

- Je ne parle pas des cheveux. Il y a quelque chose de différent chez toi.

Valentina fronça les sourcils et tourna la tête vers le sorcier.

- Qu'est-ce que tu veux dire ? Tu ressens quelque chose de bizarre ?

- Ça n'a rien de surnaturel. La rassura-t-il en secouant la tête. Tu as juste l'air... bien.

- J'ai l'air bien ? Répéta-t-elle prudemment.

- Comparé à l'épave d'il y a quelques mois, oui tu as l'air bien.

- Pourquoi tu es obligé d'en revenir à ce moment-là en particulier à chaque fois ?

- Je crois que tu es prête.

- Prête pour quoi ?

- Prête à te comporter en vampire.

- Je me comporte déjà en vampire puisque, surprise, je suis un vampire.

- Une pâle copie d'un vampire.

- Une pâle copie ?

- Un pseudo vampire.

- Tu as encore beaucoup d'insulte sous le coude ?

- Nourris-toi.

Le soudain changement de ton dans la voix de Kai la fit grimacer. Elle désigna d'un hochement de tête, la poche de sang déposée sur l'ilot central mais Kai ignora son geste. Il se défit de sa veste et tendit un bras dans sa direction. Lui exposant directement sa peau sous les yeux.

- On peut savoir ce qui te prend encore ? Siffla-t-elle.

- Il faut que tu te fasses confiance.

- Venant de toi, c'est un conseil que je prends très au sérieux, Kai.

- Tu ne vas pas me tuer.

- Ça reste à débattre.

- J'ai confiance.

- Parfait. Ironisa-t-elle en levant les yeux au ciel. Je suis flattée par toute cette confiance que tu as en moi, vraiment. Mais, je ne te mordrais pas.

- Tu as besoin de t'entraîner sur un volontaire.

Lentement, les mains fraîches de la rouquine se posèrent sur l'avant-bras de Kai et elle le repoussa légèrement de sous son nez.

- Qu'est-ce qui tourne pas rond chez toi ? Murmura-t-elle. Tu es un sorcier. Moi, je suis une erreur de la nature. Ma soif de sang est censée te dégoûter, pas provoquer une sorte de fascination morbide chez toi. On peut savoir ce qui te prend ?

- Je veux t'aider.

- De mon point de vue, tu as envie que je te morde. Pourquoi ? Parce que la douleur c'est ton truc ? Ou parce que t'es branché morsures ?

- Regarde-moi, ma vie est misérable. Je ne peux plus rien faire d'amusant, plus de torture, plus de meurtre, je m'ennuie. Avoua-t-il.

- Je ne veux tuer personne, Kai.

- Moi non plus ! Mais ce serait tellement amusant d'aller chasser ensemble. Ça mettrait un peu de piment entre nous.

- Il n'y a pas de nous.

- Comme tu veux.

- Je ne veux plus tuer personne. J'ai déjà causé la mort de trop de personne.

- Parce que tu penses que je te laisserai faire ?

- Peut-être.

- On dirait que la confiance que j'ai en toi n'est pas réciproque.

- Tu parles de chasser avec moi. Fit-elle remarquer.

- Mais pas de tuer. Nuança-t-il.

Exaspérée par la nouvelle lubie de Kai, Valentina leva les yeux au ciel. Il n'avait plus abordé le sujet depuis Cuba et elle avait vainement espéré qu'il ait oublié cette étrange nouvelle envie. Mais c'était sans connaître Kai et sa pugnacité. Il ne semblait pas comprendre le « non ». Son refus catégorique ne semblait que renforcer ce soudain intérêt pour son mode de vie. Et elle savait que plus elle dirait non, plus il la pousserait. Alors il fallait qu'elle opte pour une autre stratégie, une stratégie qui le ferait peut-être comprendre un peu mieux son rejet.

Lentement, sans rétorquer quoi que ce soit, elle s'approcha jusqu'à être à quelques centimètres de lui. Doucement, elle se saisit de son poignet et se mit à tracer de son index les veines bleues qui courraient sous son épiderme. Elle glissa son doigt jusqu'au creux de son coude, elle s'y attarda un moment avant de poursuivre sa route jusqu'à trouver sa jugulaire. Elle pouvait pratiquement sentir le sang palpiter sous ses doigts et cette sensation réveilla la soif qu'elle contrôlait d'une main de maître depuis bien longtemps. Elle sentit ses yeux s'assombrirent et se gorger de sang, des veinules apparurent sous ses yeux et ses crocs s'extirpèrent de ses gencives. Lentement, elle fit un autre pas vers Kai, le regard fixé sur sa jugulaire trépidante mais au lieu d'avoir le mouvement de recule qu'elle s'attendait qu'il ait, il se pencha légèrement, relevant le menton pour lui offrir un meilleur accès à sa peau.

Valentina déglutit péniblement, cette n'était pas la situation dans laquelle elle avait souhaité se retrouver et pourtant elle s'y était empêtrée toute seule. Elle était là, devant Kai qui s'offrait à elle sans montrer la moindre inquiétude. Elle n'était pas censée hésiter, elle n'était pas censée céder à son appétit, elle était censée se souvenir de son éthique et renier cette envie fulgurante de sentir du sang frais sur sa langue, chaud et délicieux. En dépit de son instinct qui lui criait furieusement de planter ses canines dans sa chair, elle approcha avec lenteur ses lèvres de la peau de Kai, elle vit sa pomme d'Adam tressauter lorsque sa bouche caressa, tel un courant d'air, son épiderme, elle sentit ses crocs effleurer sa chair, tout ce qu'elle ressentait à cet instant précis n'était que convoitise. Elle ressentait ce désir si fort que ça en était presque douloureux. Délicieusement douloureux. Elle allait céder, elle était si proche de céder à ses instincts les plus sombres et pourtant, un bruit incommodant lui arracha un brusque sursaut.

Aussi vite qu'ils étaient apparus ses crocs se rétractèrent et elle se recula brusquement de Kai. Il lui fallut quelques secondes pour reprendre ses esprits et comprendre qu'il ne s'agissait en fait que de son téléphone portable. Lentement elle s'en saisit et le porta à son oreille, sans même jeter un regard à l'écran pour voir qui l'appelait. Ses yeux étaient fixés sur le sorcier. Il lui retournait un regard d'une intensité rare, ses orbites étaient sombres, pratiquement autant que les siens, elle pouvait entendre son cœur battre rapidement, mais elle savait que ce n'était pas de la peur. L'émotion qui transpirait de Kai était toute autre.

- Quoi ? Siffla-t-elle.

Une partie d'elle, la partie animale, était furieuse d'avoir été interrompue si proche d'avoir satisfait son appétit tandis que l'autre partie d'elle, la partie rationnelle, était soulagée d'avoir été interrompue. Le mélange de fureur et de soulagement était un étrange cocktail d'émotions à ressentir au même moment, l'un de ceux qui vous faisait perdre la tête. Mais les mots prononcés à l'autre bout du fil, à des milliers de kilomètres de là, suffirent à la faire redescendre de ce déconcertant nuage sur lequel elle semblait flotter.

- Il faut que tu reviennes à la Nouvelle Orléans.