Feu et Glace

Chapitre 29 ~ Erow

 /!\ Contenu mature

Mes mains plongent dans l'eau claire de la source. J'humidifie mes joues, ma nuque et mes cheveux. Mes yeux planent sur les environs de la bergerie, sans pourtant réussir à y prêter une véritable attention. Les bêlements des brebis sauvages dispersées sur le plateau me passent au travers. Cette journée a quelque chose d'irréel. La sensation d'évoluer en plein songe ne me lâche pas, aussi je ne tarde pas à remonter le chemin emprunté peu auparavant pour rejoindre la maisonnée.

La porte se referme derrière mon passage. L'atmosphère reste endormie, la lumière du dehors n'étant pas encore suffisamment forte pour chasser les derniers instants de l'aube.

Pourtant, une silhouette bouge au fond de la pièce. Un corps svelte s'éveille sur la paillasse. Doucement, Eléane s'assoit au milieu du lit. Je me fige.

Un petit poing maintient contre sa poitrine une couverture préservant sa nudité. Ses cils battent l'air, comme pour faire le tri dans les souvenirs de la veille. Son regard finit par accrocher le mien. Un indescriptible silence étreint les secondes qui s'écoulent alors, sans que je ne sois en mesure de les compter.

- Bonjour.

- Bonjour ... répond-elle après un certain laps de temps.

Je reste immobile sans chercher à quitter ma place.

- Bien dormi ?

- Je, euh ... Oui ... Comme une masse ...

Le sourire de ses lèvres incite les miennes à suivre son exemple. Eléane passe ses doigts fins sur son visage. Tout comme moi, elle semble peiner à émerger ce matin.

- Tu es complètement décoiffée.

Je lui lance un coup d'œil taquin avant de me réanimer enfin. Mes bottes rejoignent nos provisions en quelques enjambées.

- « Tu » ? répète la demoiselle, non sans glisser une paume coquette contre sa chevelure devenue délicieusement indomptable.

- Hm ?

Je me redresse après avoir récupéré de quoi manger. Le regard incertain et maniéré qu'elle affiche me soustrait un rictus torve.

- Allons bon. Je ne peux décemment pas vouvoyez une femme que j'ai connue bibliquement.

Sa réaction ne se fait pas attendre. Eléane s'étouffe toute seule. Son teint ivoire devient carmin. Bientôt, elle a le réflexe de se cacher sous la couverture, comme si ce geste avait le pouvoir d'effacer ce qui s'est passé la veille.

- Pas la peine de te fatiguer, je renchéris en levant les yeux au ciel. J'ai déjà vu ce que tu dissimules là-dessous.

Cette fois je l'entends couiner, totalement révoltée. Sa main cherche en vain quelque chose à me lancer à la figure. A défaut, ce sont finalement deux éclairs foudroyants que je reçois de la part de ses prunelles offusquées.

- C'est odieux !

- Ce n'est surtout que vérité.

- Vous-Tu ... Gnmpf ! Bon sang, où est ma robe ?

Je pouffe de rire. D'un geste, je récupère le vêtement abandonné dans un coin et le lui lance avant qu'elle ne s'énerve pour de vrai.

- Tournez-vous.

- Vraiment ?

Je roule une nouvelle fois des yeux mais m'exécute néanmoins. Le bruit des couvertures rejetées puis du tissu manipulé m'informe qu'elle est en train de s'habiller.