Jour 4

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20 juin 2020

Il me manque. Je me sens vraiment lourde, j'ai l'impression que je pèse une tonne alors que je mange à peine. Je me sens fragile, brisée. Et même si je vais mieux qu'il y a trois jours, je suis loin d'aller bien. J'aimerais savoir pourquoi ça me fait mal. Pourquoi prendre une décision juste à mon égard me fait encore plus souffrir que de ne pas l'avoir prise. J'aimerais comprendre mais je sais que je n'aurais pas de réponse de sitôt à ma question. Je retourne le scénario en boucle dans ma tête. Mon esprit est actif en permanence, il ne se laisse aucune pause et moi, je ne me laisse aucun répit.
Je ne sais pas si je m'en veux, peut-être un peu aussi. J'ai l'impression que je suis en train de m'abandonner à ne plus avoir faim, à ne plus avoir envie de rien faire, ne plus avoir envie de rire. Je sais que le temps est sur le point de faire les choses. Mais je ne suis pas encore prête à l'accepter. Aujourd'hui ça devait faire treize jours, et je suis au quatrième. Le temps ne passe pas, il s'étire. Je sais que si je laisse mes larmes aller selon leur envie, je ne saurais plus les arrêter. Et je n'ai pas envie de devenir ingérable. Même si d'un côté, je ne me gère pas vraiment comme il se doit.
Je suis triste. Je suis extrêmement triste et je ressens quelque chose que je n'avais jamais rien ressenti auparavant. Ce n'est pas une rupture qui fait mal, c'est une rupture qui marque. Je sais que je ne serai plus la même après ça, et j'ai beau vouloir rester comme je suis, ma vision de l'amour est bafouée à jamais.
J'irai sans doute mieux. C'est indéniable, je ne veux pas souffrir toute ma vie. Mais quand bien même je guérissais de mon cœur devenu insipide, je sais qu'au fond de moi, la cicatrice sera toujours vive. La cicatrice de l'abandon, celle du rejet, de la solitude.
Je me sens réellement à terre à l'heure où j'écris ces lignes. Je ne me sens pas bien du tout. Et je ne sais pas à qui en parler. Je ne sais pas du tout. Je me sens de trop. Donc j'en parle avec moi-même. Maintenant, tout le temps. Je suis ma propre écoute. Mais aussi mon propre jugement. Je me juge beaucoup. Je suis dure envers moi-même. Je l'ai toujours été, mais ici c'est différent. Même si je sais que j'ai fait tout ce que j'ai pu, je m'en veux. J'ai l'impression d'avoir fait plus de mal que de bien. Au fond, je me dis que cette haine est peut-être méritée.
Je n'ai pas envie de mentir. Je suis vraiment dans un état de non retour. Je ressens quelque chose de très triste, un sentiment qui va s'étaler sur le temps. J'ai l'impression de ressentir quelque chose qui va arriver. Qu'un petit nuage noir va me suivre. Ce n'est que le début d'un long chemin. Et je n'ai pas envie d'avancer. J'ai envie de m'accroupir, de rentrer ma tête sous mes bras et de rester là, sans bouger. J'ai envie de me laisser frapper par le vent, de me laisser aller sous la pluie pour que je ne puisse pas sentir mes larmes, de me cacher sous la brume. Je n'ai plus envie d'avancer, j'ai envie de me laisser choir, le regard dans le vide, les pensées scellées l'espace d'une petite minute. Je veux que le soleil me brûle, ainsi peut-être sentirais-je un autre mal que celui qui me ronge la poitrine. Je veux fondre, je veux dire adieu à l'amour. Je suis dégoûtée de l'amour, je suis dégoûtée.
Je suis épuisée. J'ai tout donné pour en arriver à me retrouver à terre, et je trouve ça tellement injuste. J'en veux à la terre entière. Je m'en veux de ne pas être tombée sur la personne qu'il me fallait. Je m'en veux de pleurer, je m'en veux de ne pas pleurer. Je m'en veux de tellement de choses. Je m'en veux pour tout ce que je m'inflige. Je m'en veux d'être aussi faible.
Je ne sais plus dormir correctement. Ça doit faire trois semaines environ que je ne dors pas bien. Je pense que mon sommeil a appréhendé ce qui allait se produire. Il s'est préparé, contrairement à moi. Je me réveille tôt le matin, ou plusieurs heures pendant la nuit. Parfois je dors comme une masse, et je me réveille encore plus douloureuse le lendemain matin. Je ne sais pas ce qui se passe. Je n'ai pas envie d'aller mieux. Je n'ai plus envie de rien. Plus rien ne m'anime. Le feu est éteint par les larmes abondantes à l'intérieur. La fumée m'asphyxie doucement. Je pourris de l'intérieur. Tout est en train de devenir noir. J'ai tant peur de ce que je pourrais devenir.

Mots à la rencontre du cœur Where stories live. Discover now