Jour 69

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22 août 2020

Presque quatre-vingt jours. Le temps commence à passer vite loin de Ash. Je ne pensais pas que ça prendrait une ampleur pareille. Se détacher de quelqu'un est plus complexe qu'on ne le pense. Ash est particulier, il ne se laisse pas faire. Je crois que parfois j'aimerais revenir en arrière pour renouer avec le semblant de bonheur qu'on avait, mais c'est la nostalgie qui parle.
Je vais un peu mieux dans ma tête, même si l'anxiété et les troubles alimentaires me guettent un jour sur deux. Je ne suis pas à quelques larmes près, je ne suis pas à une phrase de trop. J'ai toujours du mal à assumer ma sensibilité et mes nuages gris, surtout quand on me démontre au quotidien que c'est loin d'être une bonne chose. J'ai du mal à me détacher des gens parce que je suis trop sensible, trop attachée, trop envahissante. Persuadée que ces gens ont un bon fond, je donne tout ce que je peux. Je ne supporte pas voir les gens malheureux, et je supporte encore moins me laisser la malchance de l'être, je m'en veux souvent de me mettre dans des états invraisemblables, alors qu'on ne choisit en général pas qui on aime ou de qui on se rapproche. J'ai toujours donné avec un grand cœur, et aujourd'hui j'ai envie de fermer ma générosité au monde extérieur.
J'ai l'impression que c'était hier le 17 juin, ce jour où j'ai compris que je ne reviendrai plus en arrière. J'ai l'impression qu'en fermant les yeux, je suis capable de ressentir aussi fort ce que j'ai ressenti ce soir-là. Ça fait pourtant soixante-neuf jours que je me suis arrêté de respirer, que mes paupières ont arrêté de cligner pendant l'espace de plusieurs minutes, que je n'ai pas détourné les yeux de ce petit écran. J'ai l'impression que c'était hier, comme le sentiment que j'ai beaucoup changé. C'est comme si en un seul message, mon cœur s'était liquéfié et refermé à la fois. Un peu comme quelqu'un qui sort en oubliant ses clefs. La porte a claqué, le bruit a retenti dans chaque centimètre carré de ma peau. Puis le vide, encore ce vide noir. Un peu comme si tout s'arrêtait l'espace d'un instant. Celui où les nuages arrivent, où il commence à faire froid.
Ensuite il pleut. La pluie est forte, elle tombe d'un coup. Je suis dehors et je n'ai pas de parapluie.
Je sais que Ash ne va pas bien, et j'ai beau me sentir mieux dans ma tête, ça fait mal au cœur qu'il me reste.
Les jours sont longs, les mots sont durs, et la mémoire rude. Le temps n'a pas encore effacé tous les souvenirs douloureux.

Mots à la rencontre du cœur Where stories live. Discover now