Flacons vides

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Jace

- Action!

La panique a éclaté sur le plateau de tournage. La maison part lentement en fumée, on ne sait pas d'où vient le feu, des dizaines de filles et de garçons sortent en hurlant. Mais pas elle. Où est-elle ? Que fait-elle ? Tout le monde tente de se précipiter vers les chemins sombres et sinueux de la forêt quand le garçon blond, aux yeux vairons, le chef de la bande, tente de se précipiter à l'intérieur. Il échoue lentement dans la peur, le regard perdu sur les flammes. On ne croirait pas que ce n'est qu'un jeu d'acteur. Ses yeux s'égarent en réalité sur une fenêtre du second étage. Personne ne croirait qu'il ne joue pas. 

- Merde, qu'est-ce-que tu fous Nathan ? Faut se casser, tu peux pas rentrer là-dedans !

- Elle... est encore à l'intérieur.

Et il se met à chercher comme un fou parmi les étudiantes ramenées là pour un jeu organisé par sa fraternité, celle dont il est tombé amoureux. Transpirant de rage et d'effroi, pleurant déjà ce qu'il ne veut pas croire, il cherche. Et quand enfin, alors que ses amis le tirent le plus loin possible de la maison en feu, il comprend l'horreur, tout a l'air de s'écrouler.

Il tombe à genoux, les yeux contemplant un cauchemar.

Qu'avait-il fait ?

.   .   .

Sur le plateau, tous retient son souffle. Ça fait des semaines que je ne l'avais pas vu, nous n'avons pas pris le même l'avion pour le voyage jusqu'à l'Alabama. Nous ne nous sommes pas croisés à l'hôtel et il s'est rendu sur le plateau de tournage plus tôt que moi. Je viens d'arriver et je tombe sur ses larmes. Jonathan scrute la maison en lambeaux comme si il y voyait les flammes en jaillir et dévorer son premier amour, même si il 'y a aucune flamme. Le feu que les spectateurs verront à l'écran est purement fictif, fabriqué par un logiciel informatique, inventé de toutes pièces. Alors pourquoi tout semble si réel ? Que voit-il, dans cette maison abandonnée, qui le fasse pleurer à en émouvoir le cameraman ? Son corps est pris de tremblements qu'il le font presque paraître fou. Ses mains s'engouffrent dans ses cheveux pour les tirer trop fort, comme pour savoir si tout ceci est réel ou un terrible rêve. Quand Laury crie « coupez ! », ses larmes cessent aussitôt. Il essuie ses joues avec flegme, se relève, époussette son jean et reçoit les compliments avec ce sourire détestable dont il a le secret. Et moi,

je n'ose pas faire un pas.

Adossé contre la fourgonnette qui m'a emmené sur le plateau, les bras croisés, je le regarde de loin, dans un coin d'ombre que j'espère être assez obscur pour qu'il ne me repère pas. Je prie pour qu'il ne me vois pas. Et je prie pour qu'il me repère, qu'il oublie tout, qu'il revienne, qu'il me prenne là et m'embrasse. Il se détourne et je flanche. Je me redresse, desserre mes bras, me balance d'un pied à l'autre en éclaircissant ma gorge. En me préparant au pire, à ses yeux qui vont me désarmer. Cet homme me fait l'effet d'un saut en parachute sans parachute. Enfin, son corps est tourné vers moi, son regard effleure le mien comme un appel à un tourbillon de caresses, et je serai prêts, si il me le demandait, à partir avec lui.

Mais il me regarde.

Attentivement, avec tant de surprise, comme si il ne s'attendait pas à me voir là. Il se fige, ouvre les yeux plus grands, ne réagit ni aux mots de la régi, ni à Laury qui s'est approchée et qui lui demande si il va bien.

Il me dévisage, stupéfait, avec cette larme subite qui tombe sur une joue encore mouillée.

Puis sans crier gare il

pivote sur lui-même,

et part en courant.

. . .

Le Jeu [B&B]Tempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang