Chapitre 15

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On dit que l'amour peut naitre au détour d'une rue comme il peut s'évanouir en un instant. Pour tout dire, je me pensais capable de le faire, c'est-à-dire accepter qu'il n'y aura jamais de « nous ». Pourtant, c'est en train de devenir un fait que j'ignore sciemment chaque jour.

À chaque fois que l'on se croise dans le clubhouse ou partout sur les courts extérieurs, nous nous coulons des œillades discrètes. Et à chaque fois, les frissons se multiplient dans mon ventre. Au départ, je me convaincs qu'il sent juste mes yeux peser sur lui et qu'intrigué, il m'observe en retour.

Essoufflée, je me laisse tomber sur le béton alors que la balle de match bondit sur mon côté du terrain. J'ai encore perdu. Malika va vers son sac pour boire de l'eau et m'annonce ensuite qu'elle va passer un coup de fil à son mari, Chris.

Tandis que je reprends toujours peu à peu mon souffle, j'aperçois, de l'autre côté du grillage, dans l'un des couloirs des courts de tennis, Isaac venir dans notre direction. Il marche avec un homme d'âge mur. Aucun des deux ne m'a encore vu. Devrais-je les saluer tout en étant si sale et suante ? Mon désir de plaire à Isaac me convainc que je devrai m'enterrer sous la terre avant qu'une telle chose n'arrive. Malheureusement, je n'en aurai pas le temps. Alors je ferme les yeux pour l'ignorer.

J'entends légèrement leurs conversations : elle est politique.

— Vous allez attraper une insolation comme ça, ma chère, déclare une voix rauque.

Est-ce à moi qu'on s'adresse ? Je rouvre les yeux et incline ma tête sur le côté. Isaac et cet homme sont arrêté devant mon grillage. L'homme d'âge mur me sourit.

— Oh, non, ne vous inquiétez pas, dis-je en souriant. Je me suis bien hydratée.

Lorsque je plonge mes prunelles sur Isaac, les siennes sont déjà en train de m'observer. Il s'adresse à moi avec une amitié inhabituelle :

— Vous êtes seule ?

— Non, ma sœur est juste allée passer un coup de fil, dis-je en me redressant légèrement, assise en tailleur. Tout s'est bien passé de votre côté ?

— Tout s'est bien passé, merci, répond Isaac.

Je souris pendant un instant de silence, sans que l'on se lâche des yeux.

— Allez, à bientôt, Madame Carlson...

— À bientôt...

Alors qu'ils s'éloignent, je regarde doucement derrière moi et, avec surprise, je constate qu'Isaac vient aussi de tourner sa tête dans ma direction. Lorsque nous nous parcourons, il esquisse un geste de la tête si discret que je me demande si je n'ai pas rêvé. Mais non, il est bien là.

Je me remets face au filet, mon cœur battant un peu plus fort. La chaleur de cette petite interaction me réchauffe, et je reste immobile, le visage empourpré par mes sentiments.

Je prends une profonde inspiration, essayant de me remettre de ce moment inattendu. Peut-être que je l'imagine, ou peut-être que ce regard sincère est un signe que les choses pourraient évoluer. Quoi qu'il en soit, je me lève avec un sourire discret, quand soudain, quelqu'un racle sa gorge pour m'interpeller. Je regarde sur le côté et découvre Malika qui me lance un regard réprobateur.

— Il te plait et ne dis pas le contraire.

Je m'apprête à la contredire qu'elle enchaine déjà :

— Et je doute que ce soit quelque chose de sain.

J'abandonne ma contre-argumentation car cela ne sert à rien. Malika n'est pas dupe, et je n'ai aucune envie de me mentir plus longtemps.

— Avant que je ne sache qu'il avait une compagne, j'étais d'accord avec le fait que tu te le tapes.

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