XXVI - Des mots durs (1835)

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    J'étais en train de broder dans ma chambre, lorsque j'entendis un léger frappement à la porte. Je me levais, fronçant les sourcils. J'ignorais que mon autorité obligeait à présent les domestiques à frapper à ma porte avec tant de délicatesse. J'ouvris la porte. Je n'eus pas le temps de voir grand-chose ; un tourbillon clair suivit d'une odeur délicieuse... Asun s'était lovée dans mes bras, telle une petite fille.

– Oh Concha... Comme je suis heureuse de vous voir !

Je la serrais dans mes bras. J'étais à nouveau sa mère, Lecteur. Et ma fille était toujours la même. La beauté n'avait pas changé son caractère fidèle et aimant. Elle, dans sa belle toilette, n'avait pas peur de serrer dans ses bras une domestique à la tenue poussiéreuse.

– Mon Asun... Ma chère enfant...

Nous étions là, à nous réjouir dans les bras l'une de l'autre lorsque je lui demandais de s'écarter ; je voulais la contempler tout à ma guise. Gentille, elle s'exécuta sans se faire prier. Rien ne changea ma première impression, elle était merveilleuse.

– Tout ce temps loin de vous, mon enfant...

– Je sais Concha. J'ai été si malheureuse ! Mais comme j'étais heureuse de me promener dans les jardins, de respirer à nouveau le parfum de nos fleurs... Oh Concha, je comptais les jours qui me séparaient de vous. J'ai essayé de ne pas penser à tout le monde, mais c'était au-delà de mes forces.

Elle me demanda si elle pouvait s'asseoir sur le petit banc, ce que j'acceptais, bien que légèrement surprise. Asun n'avait rien à faire ici. C'était comme si elle voulait se cacher de la véritable existence qui l'attendait dans les étages supérieurs.

– Tout le monde pensait à vous, señorita.

– Vraiment ? Est-ce que j'ai manqué à tous ?

– Oh oui mon enfant ! Et c'était bien naturel. Vous étiez le soleil de cette maison. Votre frère était très malheureux. Et votre pauvre mère...

Je n'utilisais pas les bons noms : Asun savait bien que son jumeau et sa mère avait évidemment pleuré son départ. Mais ce qu'elle désirait, c'était de savoir ce qu'avait éprouvé son père. Et plus que tout, Salva. J'allais rattraper mon erreur, lorsque Asun reprit la parole.

– Tout à l'heure, quand Salva a posé ses yeux sur moi, j'ai su que rien n'avait changé, dit-elle d'un air étrangement gai.

– C'est naturel, il vous a toujours beaucoup aimé, répondis-je non sans prudence.

– Oh non, je ne parlais pas de cela, fit-elle d'un ton absent.

J'étais confuse.

– Mais alors... De quoi parlez-vous señora ?

– Au fond, il y a probablement un peu d'affection de sa part, admit-elle. Mais il a eu son... Je ne saurais pas vous l'expliquer... Son air... Son air de déception.

– Je ne vois absolument pas de quoi vous voulez parler, affirmais-je même si je ressentis un pincement du côté du cœur qui indiquait que cela n'était pas tout à fait vrai.

– Je veux dire que Salva a toujours été déçu de moi.

Señora ! , m'écriais-je, comment pouvez-vous songer à une chose pareille... Il...

– La première fois que nous nous sommes rencontrés, Concha, vous en souvenez-vous ?

– Naturellement. C'est moi qui vous ai fais les présentations.

– Il s'était penché vers moi pour souffler quelque chose à l'oreille. Je vous avais dit que je ne m'en souvenais pas. Mais je mentais. J'étais très triste, car il me l'avait dit avec une telle franchise... Ce n'était pas méchant, c'était un simple constat.

Las Cenizas del RíoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant