Chapitre 16

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H A R R Y


Je crois que je reste à genoux sur le sol pendant des heures, des heures qui ne m'ont jamais semblé aussi longues mais des heures hors du temps, parce que tout mon monde s'est arrêté de tourner. Le téléphone de Louis est toujours allumé devant mes yeux. Je l'ai violemment jeté par terre. Je relis le message encore et encore et encore. J'ai sûrement mal lu, mal compris, pourtant le message est toujours le même et je finis par le connaître par coeur.

J'ai envie de réveiller Louis mais je n'en trouve même pas la force. Je suis seulement à l'agonie par terre, comme si on venait de me tirer trois balles dans la poitrine. Je crois que je pleure mais je crois que les larmes sont figées parce qu'elles non plus ne veulent pas y croire. C'est impossible. Je m'allonge sur le sol rêche contre ma joue mouillée, j'arrache des peluches de la moquette de mes doigts tremblants. C'est un cauchemar. Je vais me réveiller quand le bus sera arrivé à Rome.

Je n'arrive pas à respirer. J'espère que l'eau va me noyer cette fois.

***

— Harry ?

Je me redresse brusquement en sentant une main me secouer l'épaule. Je vois trouble quelques secondes.

— Qu'est-ce que tu fais à dormir par terre ?

Louis est accroupi à côté de moi, les sourcils légèrement froncés. Je me demande moi aussi ce que je fais par terre. Puis je me souviens. Je me souviens et j'ai envie de vomir. Ce n'était pas un cauchemar.

— Eh, je te parle. On dirait que t'as vu un fantôme.

Il rigole un peu. Arrête de rigoler, il n'y a rien de drôle et tu le sais.

— Le téléphone.

C'est les seuls mots que j'arrive à prononcer.

— Quoi le téléphone ?

— Le message.

Je désigne son Iphone du menton, qui est par terre à mes pieds. Il se retourne et l'attrape, son sourire envolé à des kilomètres, comme s'il avait déjà compris. Dis moi que ce message n'existe pas, que je l'ai rêvé. Dis moi que j'ai mal lu.

Il le lit et son visage se décompose de plus en plus. Ses traits sont tirés, il reste les yeux rivés sur l'écran pendant plus de temps que nécéssaire. Il ne dit rien. Pourquoi est-ce qu'il ne dit rien ?

Ma bouche est pâteuse. Son silence me fait peur, son silence me fait mal parce que son silence est silencieux. D'habitude, son silence me murmure des mots et des louanges trop forts pour être exprimés tout haut.

— Louis, c'est quoi cette histoire de chimiothérapie ?

Je ne sais pas comment j'ai réussi à articuler cette phrase entière. J'ai l'impression que mon esprit s'est détaché de mon corps. Les mots que je prononce me semblent tellement lointains et irréels.

Louis ne détourne toujours pas les yeux du message. Sa lèvre tremble. Ses mains aussi je crois. Il ne parle pas. Dis quelque chose dis quelque chose, je veux lui hurler de me dire quelque chose n'importe quoi, dis moi que c'est rien que je ne dois pas m'inquiéter que tout va bien

— Il fallait que je te le dise, finit-il par marmonner d'une voix brisée.

— Quoi ?

— Je... Je suis malade, Harry. Leucémie aigüe.

Leucémie aigüe leucémie aigüe leucémie aigüe, ça se met à résonner dans ma tête mais je ne comprends pas, ça n'a pas de sens. Je reste là bouche entrouverte et oreilles qui bourdonnent à fixer Louis comme si le peu de ce qui restait de mon âme était en train de se détruire. Puis je commence à comprendre. Mon esprit semble retrouver un peu de sa lucidité, un court instant. Leucémie. Une leucémie ça se soigne, ça peut se guérir.

Our Eternity - Larry StylinsonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant