2 - Solitude

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      Pressé, Pascal ouvre la porte de chez lui et jette ses clés sur la console de l'entrée, son chien, un labrador chocolat au doux nom de Roxy lui saute dessus joyeusement, en desserrant sa cravate, il le cajole doucement. Il ne regrette pas d'avoir recueilli ce beau compagnon auprès d'une association du quartier, il est toujours fidèle et content de le voir.

-Tu m'as manqué pépère, je vais te donner tes croquettes, ne t'inquiète pas.

Continuant son chemin vers sa cuisine américaine il ouvre les placards et prépare un encas pour lui et le chien, celui-ci s'empiffre, satisfait alors que son maître reste assis au comptoir, le regard dans le vide. L'appartement est moderne et bien rangé, comme d'habitude, il fait confiance à sa femme de ménage pour cela, Renée est une perle pour lui et il n'est pas rare qu'il lui laisse de généreux pourboires. Hommage tardif mais sincère à sa regrettée maman, Murielle, qui elle était aussi femme de ménage. Pascal a très mal vécu son décès il y a de cela cinq ans, partie trop jeune d'un cancer généralisé. Son père, avec qui il n'a aucun contact, vit toujours dans le sud de la France et Pascal l'appelle une fois dans l'année, pour Noël, une promesse faite à sa mère.

Ces derniers temps, Pascal se sent mélancolique, encore plus que d'habitude, fatigué aussi. L'approche de la soixantaine le terrifie à vrai dire, il n'aime pas ce qu'il voit dans le rétroviseur et c'est peu dire.

Sa vie sociale est une réussite, il est un modèle pour ses pairs et reçoit dans son cabinet les stars du tout Paris, pourtant tout sonne creux une fois rentré seul chez lui. Bien sûr, il pourrait appeler un des milliers de « plan-cul » qui peuplent son répertoire, soulager la pression et se laisser aller...mais sincèrement il n'en a aucune envie.

Ses yeux parcourent la pièce et ils se fixent sur une photo encadrée : deux trentenaires heureux sourient à l'objectif un jour merveilleux d'été 1990, devant le champs de Mars. Une fois de plus, Pascal ferme les yeux et laisse les souvenirs affluer, lentement...Son odeur, sa voix, tout son être se remémore la présence tant chérie : Thierry. Toujours et seulement lui, leur 22 ans d'amour et de folie, leur délires, leurs secrets, cet homme unique qui lui a pris son cœur sur les bancs du lycée. Ils s'étaient promis une vie ensemble, au final Pascal est resté seul, mais son cœur repose en partie sous cette dalle de marbre. Même deux décennies après, Pascal revit son départ brutal comme si c'était la veille : l'appel des gendarmes, puis l'hôpital et la morgue. Le matin même il l'embrassait en lui souhaitant une belle journée et le soir il veillait son corps, froid et inanimé.

La colère est intacte, secouant la tête, Pascal refuse de retomber dans sa haine, vieille compagne d'infortune. Ressortant les petits papiers de sa serviette, il louche un long moment sur celui d'un certain Lucas Durez. Beau jeune homme de 21 ans avec de superbes yeux bleus et un fessier bien bombé, sans compter une attitude timorée qui stimule particulièrement le quinquagénaire. Sortant son téléphone, l'homme envoie un petit sms pour tâter le terrain :

-« Bonsoir, ici le prof sexy de 2ème année en psycho neuro, si tu veux faire plus connaissance, rdv en amphi 5A lundi prochain à17 h. » Simple, précis, il ne voulait pas de fioritures...

Rangeant son téléphone, il sourit :

-Je ne passerai pas le week-end prochain tout seul !

Sa voix résonne, joyeuse, dans le grand duplex vide.

***

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