Chapitre 1 (Gabriel)

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— Gabriel ! Bouge tes fesses ou on va finir par être en retard !

Je ne veux pas y aller... Mais Sarah beugle tellement que je ne sais pas ce qui est le pire entre me rendre à cette université ou l'affronter. La garce a même arraché la couette avant d'ouvrir en grand la fenêtre pour bousiller ma plénitude.

— Tu ne le seras pas si je t'écrase... je grommelle, la tête dans les coussins.

Au point où j'en suis, on peut bien ajouter homicide volontaire à mon dossier. Comment ça, je ne suis pas du matin ? Il faut dire que celui qui a inventé cela devait être un sacré sadique doublé d'un emmerdeur ! Sarah continue de brailler depuis la cuisine et je me résous à quitter mon havre de paix. Après une douche rapide, j'enfile mes vêtements habituels : un jean sombre, accompagné d'un tee-shirt noir, d'une veste en cuir de la même couleur et d'une simple paire de baskets. Je ne prends pas la peine de coiffer mes cheveux bruns, ma coupe rasée sur les côtés et longs en leur centre fera amplement l'affaire. Une fois prêt, je me contente d'attraper le café préparé avec amour par ma sœur ainsi que le trousseau de clefs.

— File avant que je ne change d'avis.

— Tu verras, je suis sûre qu'on va beaucoup se plaire ici ! dit-elle en déposant un baiser sur ma joue avant de sortir.

Si seulement elle pouvait avoir raison... mais je ne suis pas aussi optimiste. Conduire la Bentley grise a au moins l'effet de me calmer. C'est l'unique touche de couleur dans ma vie, en dehors de ma sœur. Elle et moi n'avons que deux ans de différence et étant donné que j'ai perdu le même temps dans les havres de l'alcool et de la drogue, elle a fini par me rattraper. On pourrait se dire que ce n'est pas une bonne idée d'être dans la même université et d'avoir des cours en commun, mais c'est notre manière de nous soutenir et de garder un œil l'un sur l'autre. Certains disent qu'il n'y a pas pire que des jumeaux, ils n'ont pas connu les Atkins.

La musique Lonely is the Night de Billy Squier résonne à plein régime quand nous arrivons à destination. Plusieurs regards intéressés se dirigent vers nous, ou plutôt vers la Bentley. Alors quoi, avant-hier ils étaient tous obnubilés par le cul de ma sœur et aujourd'hui ma caisse les interpelle ? Qu'ils aillent se faire voir. Personne ne montera faire un tour à l'intérieur. Aussitôt le moteur coupé, Sarah quitte le véhicule.

— On se retrouve en cours mon chou ! lâche-t-elle en m'adressant un au revoir de la main sans se retourner.

Ça commence bien... Sarah m'abandonne dans la fausse aux lions et je sens les regards de l'équipe de basket river sur moi. De mauvaises ondes se dégagent d'eux.

— On dirait que tu t'es déjà fait des amis ! siffle une voix féminine dans mon dos.

Je me tourne vers celle qui me parle et qui ne m'arrive qu'à la moitié du torse du haut de ses... Quoi ? 1m55 ? Elle ne doit pas être plus grande que ça. Je dévisage cette nana qui porte mieux que personne la coupe pixie et me fixe de ses yeux verts cerclés de noirs. Elle est vêtue d'habits simples, un peu larges pour elle, empêchant de voir véritablement ses formes.

— Tu es ?

— Ravie de faire la connaissance d'un type qui ne porte pas ces idiots dans son cœur !

Au moins, cela a le mérite d'être clair.

— Ça doit faire de nous les nouveaux meilleurs amis ?

— Pourquoi pas ?

Bordel... Je sens qu'elle ne va pas me lâcher. Cette année commence vraiment mal. Un soupir quitte mes lèvres et je balance mon sac de cours par-dessus mon épaule avant de me diriger vers l'établissement. C'est sans compter sur son entêtement à me poursuivre.

— Je suis Anita, mais tu peux m'appeler Ani.

— Et l'emmerdeuse de service, ça marche aussi ?

Je suis grossier et si j'espère que mes mots la fassent déguerpir, ils déclenchent son hilarité. Ce bahut ne veut pas de moi. Non, la ville entière souhaite me chasser ! Peut-être même le pays ! J'étais tellement mieux dans mon lit...

— Basketteurs droits devant ! murmure-t-elle avant de se cacher derrière moi.

— Salut Gabiiiii, lâche l'un d'eux en reprenant le ton hystérique de Sarah à la soirée. Je vois que tu t'es fait une nouvelle amie, tu sais bien les choisir !

J'ai du mal à discerner s'il se moque ou s'il est sérieux, mais Anita lui adresse un regard noir auquel il répond par un sourire... narquois ? Timide ? Aucune idée et je m'en fous. Je préfère porter mon intérêt sur celui à sa gauche, avec son joli bandage au nez.

— On dirait que ton pote se remet doucement de ses blessures. À ton avis, à quoi ressemblera sa tronche quand les médecins lui enlèveront son pansement de fillette ? Je parie qu'il n'osera plus se regarder dans un miroir !

Je ne fais aucun effort pour calmer le jeu, mais ces types sont d'un cliché sans nom et leur air supérieur a tendance à me faire vriller. Leur bon samaritain a dû remarquer que les choses risquaient de déraper, parce que celui même qui a apaisé la situation à la soirée intervient à nouveau, se mettant en travers de leur chemin.

— Les gars, on a dit quoi ? Pas de coups foireux où le coach nous renvoie. Vous avez vraiment envie de laisser ce merdeux gâcher votre avenir ?

Je grimace intérieurement à l'entente de ce surnom et si l'idée d'abattre mon poing dans sa jolie gueule me démange, la main d'Ani qui se pose sur la mienne me ramène à la raison. Nos regards se croisent et le temps que je reporte mon attention sur eux, la majorité de ces abrutis sont repartis, excepté celui qui m'a insulté. Il nous fait face et observe longuement Anita qui déglutit.

— Bon bah on se retrouve en classe !

Après ma garce de sœur, voici ma lâche de nouvelle amie. Cette dernière disparaît dans l'enceinte du bâtiment et une atmosphère électrique se répand entre cet étranger et moi.

— Ça va faire deux fois que je te sauve les miches.

Vraiment ? Un rire amer m'échappe à ses mots.

— Je ne réclamais pas tant d'efforts.

— Tu pourrais au moins me donner ton prénom, demande l'intéressé.

— En quel honneur ?

— Pour avoir préservé la dignité de ta copine samedi soir ? Ou pour ne pas avoir porté plainte de m'être fait agresser devant chez moi. Mon dos a encore quelques marques de ta super prise, tu n'y es pas allé de main morte !

Merde... C'est lui que j'ai retourné sur l'asphalte ? Je n'ai pas beaucoup fait attention à lui ce soir-là, trop occupé à traîner Sarah jusqu'à la voiture quand je n'envoyais pas mes poings dans des visages.

— Tu laisses souvent des filles bourrées se déshabiller à tes fêtes et se faire filmer ?

J'oublie de l'informer que Sarah est ma sœur, trop concentré sur les nombreux reproches que j'ai à lui faire. Sérieusement, qui prépare ce genre d'événements et reste droit dans ses bottes ? Il cherche à jouer les héros, mais je sais qu'il ne vaut pas mieux que ses camarades. Ils sont tous pourris jusqu'à l'os.

— Je ne suis pas responsable de la consommation des autres.

— Jusqu'au jour où l'un de tes invités aura un accident dans ta baraque en or et que tu te retrouveras avec un mort sur la conscience, si tant est que tu en aies une. Mais je parie que maman et papa seront là pour étouffer l'affaire à coups de liasses de billets.

Je crache ces mots avec bien trop de haine, mais je connais ce genre de merdeux sortis tout droit des beaux quartiers qui se croient plus malins que les autres. Ma Bentley ne vient pas de nulle part. J'ai un père et une mère aussi cons que ce type. Ces gens-là me répugnent. Je ne laisse pas le temps à Monsieur Beau-parleur de répliquer et lui tourne le dos pour déserter les lieux. Du moins c'est ce qui était prévu, mais sa main qui s'empare de la mienne me bloque dans un contact à la fois doux et électrisant...

Primitif [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant