Chapitre 8 (Raphaël)

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Les minutes s'égrènent et je me demande pourquoi j'ai insisté auprès de Sarah pour rester. Non seulement mes parents ne vont pas apprécier mon absence en cours, mais mes potes vont forcément me tomber dessus pour découvrir ce que j'ai foutu. Heureusement, je ne manque aucun entraînement de basket. La sœur de Gabriel n'a pas hésité longtemps avant d'accepter, insinuant que de toute façon, elle se moquait bien que ma présence puisse l'importuner. Je n'ai pas envie d'être une source de problèmes dans leur relation, mais il est hors de question que je parte de là sans avoir eu le droit à une explication.

Je ressens beaucoup d'amertume envers Gabriel à cet instant. J'ai beau me ressasser notre conversation, je ne parviens pas à comprendre sa réaction. C'est lui qui m'a provoqué, quand il a insinué que j'aime être dominé. Je n'ai fait que rentrer dans son jeu. La suite... m'échappe complètement. J'ai encore du mal à savoir ce que j'ai lu dans son regard avant qu'il ne prenne la fuite. Du dégoût ? De la crainte ? De la haine ? Ce n'était pas de l'envie en tous cas.

Le bruit de la porte qui s'ouvre m'arrache à mes réflexions. Je m'apprête à me lever du canapé pour le confronter, quand il passe devant dans moi, entouré d'une simple serviette de bain, le corps reluisant. Il fouille dans les placards à la recherche de je ne sais quoi et je reste figé face à ce divin spectacle, les lèvres cousues entre elles. Gabriel ne m'a pas repéré et je n'ai pas envie que quoi que ce soit interrompe ma contemplation. Mes prunelles glissent sur ses courbes mouillées et bon sang ! Je pourrais le dévorer.

Dans mon rôle de voyeur, je distingue des tatouages dont j'ignorais l'existence. Il n'y en a qu'un seul que j'ai entraperçu jusque-là, une date inscrite le long de son annulaire gauche. Les autres, j'essaie de les analyser le mieux possible. Avant qu'il ne m'offre son échine, j'ai repéré une imposante patte de loup sur son pectoral droit, recouvrant la zone autour du téton. À côté, juste au-dessus du cœur et d'une cicatrice, est gravé le prénom de Sarah. Pendant qu'il fouille les placards, je concentre mon attention sur les trois triangles confondus au niveau de son biceps. Puis mon regard termine son chemin sur l'envol de quelques colombes, partant du bas de son dos pour remonter en une courbe diagonale. C'est beau, artistique et je suis curieux de connaître les significations de ses tatouages, persuadé qu'il n'en a fait aucun au hasard.

Je n'ai jamais osé marquer ma peau de cette façon, sans être contre ce principe, je me suis toujours dit que je finirais par me lasser du dessin choisi. Quand je les vois sur lui, je le trouve splendide et devine qu'ils définissent une part de son être qui m'échappe. En un instant, toute ma colère disparaît pour être remplacée par un sentiment d'admiration. Je l'entends pester à l'égard du contenu des placards qui ne convient pas à ses attentes et décide de lui indiquer ma présence.

— Tu cherches quelque chose ?

Ma voix résonne dans les graves, plus suave que je ne le souhaitais. Gabriel fait volte-face et m'envoie des éclairs avec ses yeux, mais avant qu'il n'ait le temps de m'insulter, il prend conscience de son accoutrement et blêmit. En une seconde, il disparaît de mon sillage, faisant voler le rideau sous son passage pour se dissimuler dans son antre. Je viens de voir Speedy Gonzales se matérialiser devant moi ! Si je me retiens d'éclater de rire, je ne cache pas mon sourire amusé, même s'il n'y a personne pour l'admirer. Dommage, je suis sûr qu'il aurait craqué sous mon charme fou ! Sans quitter le salon, je l'entends se cogner et pester contre la mère de son armoire avant de claquer un tiroir. J'ignore ce qu'il se passe dans cette pièce, mais ça m'a l'air bien animé. Malheureusement, je ne peux pas me joindre à lui.

Au bout de plusieurs minutes, la porte de sa chambre s'ouvre à la volée et laisse ressortir un Gabriel tout de noir vêtu et plus irritable que jamais.

— Je vois que la douche t'a apaisé, ironisé-je en l'observant approcher.

Je crois que je ne suis pas doué pour calmer ses ardeurs, car son regard bestial stipule clairement qu'il pourrait se jeter sur moi d'une minute à l'autre pour m'arracher la jugulaire. Je déglutis à cette pensée et me surprends à l'espérer, la partie avec la jugulaire en moins.

— Pourquoi t'es encore là ? T'as pas d'autres choses à foutre ?!

— Figure-toi qu'après m'avoir laissé en plan sur le bord de mer avec une imagination digne des films de John Root, mon âme de bon samaritain s'est fait du souci pour toi. Je voulais vérifier que tout allait bien.

Est-ce que je viens vraiment de glisser le nom d'un réalisateur de films pornos dans mon discours ? De toute évidence, oui. Par chance, il n'a pas l'air de saisir la référence, ou alors il s'en fout royalement.

— Je me porte à merveille. Raphaël au grand cœur est-il rassuré à présent ? Peut-il aller voir ailleurs si j'y suis ?

J'ignore ce qui a déclenché cette animosité qu'il éprouve à mon égard, mais je ne suis pas tellement mieux, à ne pas savoir si je l'apprécie ou non. D'un côté, j'ai envie de le pousser dans ses retranchements, de faire tomber les barrières de la bête pour la tester. De l'autre, j'aimerais atteindre la part de sensibilité qui se cache en lui. Ce type est en train de me rendre bipolaire !

— Nop !

Je me retiens de me marrer devant ses yeux ébahis qui clignent à plusieurs reprises.

— Non ? répète-t-il, comme pour être sûr.

— T'as bien entendu ! Après la soirée catastrophique que je viens de passer, j'attends que tu te rattrapes.

C'est vrai quoi ! Il m'a quand même laissé une heure en plan, à boire des bières tout seul dans mon coin comme Barney des Simpsons, le bide en moins. Tout cela pour me planter à nouveau en plein milieu d'une conversation sérieuse. Je mérite mieux que ça !

— Tu me fais quoi là ? Une crise de diva ? dit-il en se rapprochant dangereusement.

— En tant que capitaine de l'équipe de Springfield, je suis une putain de diva ! La plus bonne que tu puisses croiser, alors un peu de respect !

On se regarde en silence dans le blanc des yeux et si j'ai envie d'éclater de rire, je me retiens en me mordant l'intérieur de la joue. Comment fait-il pour garder son sang-froid ? J'aimerais pouvoir en faire autant par moment, mais pas quotidiennement. À force de vouloir tout contrôler, Gabriel s'empêche de vivre.

— Je n'ai pas l'intention de m'excuser une deuxième fois.

Ça, je l'avais remarqué !

— On a passé ce stade de toute façon. Maintenant, je réclame une promesse.

L'ambiance bon enfant laisse place à une atmosphère beaucoup plus sérieuse. Le bleu de ses yeux m'assaille et son corps est si proche du mien que j'arrive à sentir son souffle chaud sur ma peau. Cette proximité va me rendre fou et pourtant je suis incapable de faire le moindre pas en arrière. Gabriel reste silencieux, en attendre d'une explication et je me demande comment il va prendre ce qui va suivre.

— La prochaine fois que tu cherches à me dominer, fais-le autrement que par les poings.

Primitif [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant